« point.2 », définition dans le dictionnaire Littré

point

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

point [2]

(poin ; le t se lie : il n'est poin-t habile) adv.
  • 1Il renforce, comme pas, la négation ne. Aime assez ton mari pour n'en triompher point, Corneille, Hor. II, 6. Quand je dis point, je veux dire très peu, La Fontaine, Calendr. Et dans toute la Grèce il n'est point de familles Qui ne demandent compte à ce malheureux fils D'un père ou d'un époux qu'Hector leur a ravis, Racine, Andr. I, 2. Je suis près de ma salle à manger où je ne mange point ; je vois mon jardin où je ne me promène point ; j'ai autour de moi des sociétés dont je ne jouis point, Voltaire, Lett. d'Argental, 7 nov. 1774.

    Abusivement, point nie quelquefois, même sans ne, dans les phrases interrogatives. S'ils osent quelquefois prendre un air de grandeur, Seront-ils point traités par vous de téméraires ? La Fontaine, Fabl. VIII, 4. Vous ennuyez-vous point De coucher toujours seul ? La Fontaine, ib. VIII, 11.

    Cette suppression de ne est une licence qui se prend surtout en vers.

  • 2Point surabondant avec jamais, aucun, etc. (voy. PAS 2, n° 2). On ne doit point songer à garder aucunes mesures, Molière, D. Juan, III, 6.
  • 3Point se met négativement devant les substantifs, les noms de nombre, etc. par un abus né de la rapidité du langage qui sous-entend la négation et le verbe. Point de courroux, messieurs ; mon lopin me suffit, La Fontaine, Fabl. VIII, 7. Point de vos lettres, ma fille ; je suis toute triste quand ce plaisir me manque, Sévigné, 9 oct. 1689. Point de peuple qui n'ait immolé des hommes à Dieu, et point de peuple qui n'ait été séduit par l'illusion affreuse de la magie, Voltaire, Philos. théistes, sacrifices.

    Point de nouvelles, voy. NOUVELLE, n° 1, vers la fin.

    Point d'affaire, voy. AFFAIRE, n° 8.

  • 4Point se dit seul en réponse négative à une interrogation ou à une demande. Angélique : Montrez-vous généreux. - G. Dandin : Non. - Angélique : De grâce. - G. Dandin : Point, Molière, G. Dand. III, 8.

    Point se met négativement devant quelques adverbes, dans une réponse négative. Vous êtes facile à contenter ? - Point tant que vous le pourriez penser.

    On peut dire point trop ; mais non point beaucoup.

    Il s'emploie de même hors de toute réponse (voy. PAS 2, n° 3). Me voilà donc chez mon parrain bien vêtu, bien nourri, fort caressé, et point battu, Scarron, Rom. com. I, 13. Invitée ou point invitée, je ne m'en souviens pas, je fus la voir [une dame], Staal, Mém. t. I, p. 299. Un honnête pigeon, point fourbe et point guerrier, Voltaire, Lett. au roi de Pr. 29 juin 1741. Il était équitable, point jaloux et point suborneur, Rousseau, Conf. III.

    On dit de même : Les gens peu ou point instruits. Cet emploi de point est reçu dans le style familier ; il fait mauvais effet dans le style sérieux : Les troupes que le maréchal Ney avaient repoussées, mais point détruites, Thiers, Hist. de l'Empire, XX. Dites plutôt : mais non détruites.

  • 5Point… que, point… sinon. Point d'aîné, point de roi, qu'en m'apportant sa tête, Corneille, Rodog. II, 3. Point d'argent qu'à la pointe de l'épée, Sévigné, 2 août 1689.
  • 6Point aussi, pour non plus. Comme il n'y aura plus de malheurs pour ceux qui avaient une entière assurance de l'éternité, il n'y a point aussi de bonheur pour ceux qui n'en ont aucune lumière, Pascal, Pens. IX, 1, éd. HAVET.
  • 7Il s'emploie dans des cas où une proposition est sous-entendue. Il en vit s'arrêter à des combats d'enfants, et point à ses paroles, La Fontaine, Fabl. VIII, 4. Pour défendre le bien public, plusieurs le font ; mais pour la religion, point, Pascal, Pens. div. 82, éd. FAUGÈRE.
  • 8Point du tout, négation renforcée qui se dit comme point. Les courtisans étaient, au retour, horriblement fatigués, lui [le roi] point du tout, Pellisson, Lett. hist. t. III, p. 117. L'abbé Dubos prouve-t-il que les Romains qui étaient encore soumis à l'empire aient appelé Clovis ? point du tout ; prouve-t-il que la république des Armoriques ait appelé Clovis et fait même quelque traité avec lui ? point du tout encore, Montesquieu, Esp. XXX, 24.
  • 9Du tout point, tournure archaïque signifiant nullement, en aucune façon. Celui qui ne s'émeut a l'âme d'un barbare, Ou n'en a du tout point, Malherbe, VI, 18.

    PROVERBE

    Point d'argent, point de Suisse, sans salaire, sans récompense, point de travail, point de service. Point d'argent, point de suisse ; et ma porte était close, Racine, Plaid. I, 1. (c'est ici un calembour entre Suisse de nation et suisse de porte).

REMARQUE

1. Il y a cette différence entre point et pas que, lorsqu'on répond à une interrogation, point peut être employé tout seul, au lieu que pas ne s'emploie jamais de cette manière : êtes-vous fâché ? point.

2. L'Académie note encore cette différence-ci : lorsqu'on dit : N'avez-vous point vu un tel ? l'interrogation n'est qu'une question simple ; mais, lorsqu'on dit : N'avez-vous pas vu un tel ? on veut marquer par là qu'on croit que la personne qu'on interroge a vu celui dont on parle. Cette nuance est bien fugitive pour être réelle ; elle ne se rattache pas à la différence que point et pas ont dans leur signification primitive (voy. ci-dessous la synonymie).

3. Voy. PAS 2, aux remarques, qui s'appliquent aussi à l'emploi de point.

SYNONYME

PAS, POINT. Le point étant plus près de la nullité absolue que le pas, point est plus exclusif que pas. Aussi, bien que ces deux particules se prennent facilement l'une pour l'autre, il est des cas où pas convient mieux que point : c'est quand point serait trop absolu. Ainsi il vaut mieux dire : Le facteur n'est pas encore venu, que n'est point encore venu.

HISTORIQUE

XIIe s. Respont Rolant : ne sui point empiré [blessé], Ronc. p. 92.

XIIIe s. Mais li cuers lui failloit, où [il] n'[y] ot point de feintise, Berte, XXX.

XVIe s. Point doncques ne vous mariez, respondist Pantagruel, Rabelais, Pant. III, 9. Point soupper seroyt le meilleur, Rabelais, ib. III, 13. D'une j'escri plus noble et mieux famée, Sans que son los en soit point deprimé, Marot, III, 93. Vous me disiez : non, vous ne l'aurez point, Marot, III, 107. Je sçay comment, point ne faut m'advertir, Marot, III, 109. Ancienne et sage femme, autant qu'il en estoit point, Marguerite de Navarre, Nouv. IV. Et lui fit feste d'avoir la meilleure robe qu'il avoit point vue, Marguerite de Navarre, ib. VIII. Cela emeut une crierie et un tumulte le plus grand qui eust encore point esté sur la place, Amyot, Cam. 72. Si jetta sa veüe çà et là tout à l'entour, pour voir s'il appercevroit point Alexandre, Amyot, Pélop. 60.

ÉTYMOLOGIE

Point 1. En provençal. punh est aussi employé avec la négation. Point signifie proprement une petite quantité ; mis avec la négation propre qui est ne, il la renforce. Mais dans l'ancienne langue jusqu'au XVIe siècle, il conservait sa signification positive, ainsi qu'on peut le voir à l'historique de point 2 et de point 1.