« progrès », définition dans le dictionnaire Littré

progrès

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progrès

(pro-grê ; l's se lie : un pro-grê-z incessant) s. m.
  • 1Mouvement en avant. Le progrès du soleil dans l'écliptique. Les progrès d'un incendie. Le Rhin, tranquille et fier du progrès de ses eaux, Boileau, Ép. IV.
  • 2Il se dit de ce qui avance dans le temps, de ce qui se développe. Tout ce qui se perfectionne par progrès périt aussi par progrès, Pascal, Pens. XXIV, 96 bis, édit. HAVET. Il [l'homme], est dans l'ignorance au premier âge de sa vie ; mais il s'instruit sans cesse dans son progrès, Pascal, Fragm. sur le vide. Dieu a voulu faire et marquer l'ébauche de son ouvrage… et, après avoir fait d'abord comme le fond du monde, il en a voulu faire l'ornement avec six différents progrès, qu'il a voulu appeler six jours, Bossuet, Élévat. sur myst. III, 5. Dans le progrès de l'âge, Bossuet, Déf. tradit. commun. II, 31. Le poëme tragique vous serre le cœur dès son commencement, vous laisse à peine dans tout son progrès la liberté de respirer, et le temps de vous remettre, La Bruyère, I. Heureux progrès des ans ! Que son port est plus fier, ses traits plus imposants ! Delavigne, Paria, III, 4.
  • 3 Terme de philosophie. Progrès à l'infini, opinion de ceux qui considèrent les causes comme formant une série indéfinie, sans arriver à une cause dernière et suprême. Et il est très manifeste qu'en cela [la cause qui a produit l'homme être pensant] il ne peut y avoir de progrès à l'infini, vu qu'il ne s'agit pas tant ici de la cause qui m'a produit autrefois comme de celle qui me conserve présentement, Descartes, Médit. III, 21. Supposer un progrès de causes à l'infini, c'est n'en point supposer du tout, Rousseau, Ém. IV.
  • 4Suite de succès militaires et autres. Sans faire passer les choses pour autres qu'elles ne sont, les seuls progrès que nous avons faits cette année, nous sont venus par votre moyen, Voiture, Lett. 82. Il ne faut point douter que des commencements si merveilleux ne soient soutenus par des progrès encore plus étonnants, Corneille, Poly. à la reine régente. L'éclat d'une fortune et le cours d'une vie Par qui l'Empire fait de si fameux progrès, Rotrou, Bélis. III, 5. Cromwell signa un traité avec les Espagnols, qui, assistés de ses forces et profitant de nos désordres, prirent la même année Graveline et Dunkerque, et firent plusieurs autres progrès, Pellisson, Hist. de Louis XIV, I, 1662. Lui seul peut arrêter les progrès d'Alexandre, Racine, Alex. I, 1.
  • 5Toute sorte d'augmentation, d'avancement en bien. Il fait des progrès dans ses études. Ce parfait et divin amour Les avançait de jour en jour en ces progrès d'esprit où la vertu s'excite, Corneille, Imit. I, 18. Le grand progrès spirituel N'est pas un goût continuel Des sensibles attraits dont elle [la grâce] te console, Corneille, ib. III, 7. Non-seulement chacun des hommes s'avance de jour en jour dans les sciences, mais tous les hommes ensemble y sont en continuel progrès, à mesure que l'univers vieillit, Pascal, Fragm. sur le vide. Je suis charmé des progrès qu'un petit nombre d'auteurs a donnés à notre poésie, Fénelon, t. XXI, p. 278. Si des intelligences supérieures à l'homme ont aussi un progrès de connaissances, elles volent tandis que nous rampons, Fontenelle, Newton. Une des plus agréables histoires, et sans doute la plus philosophique, est celle des progrès de l'esprit humain, Fontenelle, Gallois. C'est déjà avoir fait un grand progrès que de souhaiter d'en faire, Rollin, Traité des Ét. VI, chap. I, 1re part. I, 6. Conséquences du progrès nécessaire et indéfini de la raison humaine, malgré les interruptions des guerres, L'Abbé de Saint-Pierre, Œuv. t. XV, p. 100. La raison a fait plus de progrès en vingt années que le fanatisme n'en avait fait en quinze cents ans, Voltaire, Lett. duc de Bouillon, 22 déc. 1767. Les progrès [de la civilisation], quoique nécessaires, sont entremêlés de décadences fréquentes par les événements et les révolutions qui viennent les interrompre, Turgot, Ébauche du 2e disc. progrès de l'esprit humain, p. 265. Souvent une chose qui demande moins de génie qu'une autre, exige plus de progrès dans la masse totale des hommes, ID. ib. p. 275. Je dirais volontiers du Pergolèse comme Cicéron disait d'Homère, que c'est avoir déjà fait beaucoup de progrès dans l'art que de se plaire à sa lecture, Rousseau, Lett. sur la mus. franç. Les philosophes auraient suppléé à l'impuissance où nous sommes, pour la plupart, de nous étudier nous-mêmes, s'ils nous avaient laissé l'histoire des progrès de leur esprit, Condillac, Art de penser, II, 3. L'invention et les progrès des sciences sont de la même nature ; ces progrès ne sont que l'invention renouvelée, Bailly, Hist. astr. anc. p. 19.
  • 6Il se dit en mauvaise part, de ce qui s'aggrave, de ce qui empire. Les progrès continuels de la maladie. Un si grand mal faisait des progrès étranges, Bossuet, Hist. II, 2. Il [Dieu] détermine dans sa sagesse profonde les limites qu'il veut donner aux malheureux progrès de l'erreur et aux souffrances de son Église, Bossuet, Reine d'Anglet. Ce progrès en mal dont parle l'apôtre, Bossuet, Rép. aux préjugés, 5.
  • 7 Absolument. Se dit du mouvement progressif de la civilisation, des institutions politiques. Nier le progrès. Être partisan du progrès.
  • 8Avancement dans la faveur, dans l'affection. Les progrès d'un favori dans les bonnes grâces du prince. Vous avez dans son cœur fait de si grands progrès…, Corneille, Nicom. III, 3. Est-ce donc là, madame, Tout le progrès qu'Achille avait fait dans votre âme ? Racine, Iph. III, 6. Passion qui avait fait dans son cœur beaucoup de progrès, Hamilton, Gramm. 9.
  • 9 Terme de musique. Progrès de la fugue, la suite de la fugue, à partir du point où toutes les parties ont fait chacune leur entrée, et où tous les fils du discours musical sont liés ensemble.

HISTORIQUE

XVIe s. Quoyque je ne me contente gueres du progrez que j'y ay faict [dans l'étude de moi-même], Montaigne, II, 60. Nous appellons sauvages les fruicts que nature de soy et de son progrez ordinaire a produicts, Montaigne, I, 234. Et ainsi des autres, comme nous dirons au progrès [par la suite] de ce traité, Paré, XX, 4.

ÉTYMOLOGIE

Lat. progressus, marche, de progredi, marcher en avant, de pro, en avant, et gradi, marcher (voy. GRADE).