« proie », définition dans le dictionnaire Littré

proie

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

proie

(proî) s. f.
  • 1Ce que les animaux carnassiers ravissent pour leur nourriture. L'âne sauvage est la proie du lion dans le désert ; ainsi les pauvres sont la proie des riches, Sacy, Bible, Ecclésiast. XIII, 23. Nous sommes quatre à partager la proie, La Fontaine, Fabl. I, 6. Ni loups, ni renards n'épiaient La douce et l'innocente proie, La Fontaine, ib. VII, 1. Comme un lion qui tient sa proie dans ses ongles, tout prêt à la mettre en pièces, Bossuet, Anne de Gonz. Le corps de mon frère aurait été la proie des vautours, Fénelon, Tél. XVII. Tout animal qui se nourrit d'autres animaux vivants, quoique très petits, est un animal de proie, Buffon, Ois. t. v, p. 279. Lorsqu'il [le lion] saute sur sa proie, il fait un bond de douze ou quinze pieds, tombe dessus, la saisit avec les pattes de devant, la déchire avec ses ongles, et ensuite la dévore avec les dents, Buffon, Quadrup. t. III, 124.

    Oiseau de proie, oiseau qui donne la chasse au gibier et qui s'en nourrit. Dans chaque grande division de l'espèce animale, elle [la nature] a choisi un certain nombre d'animaux qu'elle a chargés de dévorer les autres ; ainsi il y a des insectes de proie, des reptiles de proie, des oiseaux de proie, des poissons de proie et des quadrupèdes de proie, J. de Maistre, Soirées de St-Pétersbourg, 7e entretien.

    Fig. Un oiseau de proie, un homme qui vit, qui s'enrichit de rapines et de fraudes.

    Terme de fauconnerie. Être âpre à la proie, se dit en parlant d'un oiseau qui se sert courageusement de son bec et de ses ongles.

    Fig. Et l'avare Achéron ne lâche pas sa proie, Racine, Phèdre, II, 5. C'est Vénus tout entière à sa proie attachée, Racine, ib. I, 3. Jette encore une proie aux bourreaux de mon père ! Delavigne, Louis XI, III, 11.

  • 2Butin fait à la guerre. Lorsqu'aux pieds des murs fumants de Troie Les vainqueurs tout sanglants partagèrent leur proie, Racine, Andr. I, 2.

    Par extension, tout ce qu'on prend par la guerre. Tu céderas, ou tu tomberas sous ce vainqueur, Alger, riche des dépouilles de la chrétienté ; tu disais en ton cœur avare : Je tiens la mer sous mes lois, et les nations sont ma proie, Bossuet, Mar.-Thér. Ils [les indiscrets] ressemblent, dit le sage, à une ville sans murailles, qui est ouverte de toutes parts, et qui devient la proie du premier venu, Bossuet, Duch. d'Orl.

    En proie à, devenu la conquête. Ce roi [saint Louis] qui deux fois donna Sidon en proie à ses peuples françois, Régnier, Sat. X. Nos ennemis communs attendent avec joie Qu'un des partis défait leur donne l'autre en proie, Corneille, Hor. I, 4. Poussé de tous côtés, il faut qu'il [Merci] laisse en proie au duc d'Enghien non-seulement son canon et son bagage, mais encore tous les environs du Rhin, Bossuet, Louis de Bourbon. Ainsi fut livrée en proie aux Mèdes cette superbe Babylone, Bossuet, Hist. II, 4. Elle [Rome] est en proie aux barbares, Bossuet, ib. III, 1.

    Fig. En proie à, exposé à, tourmenté par. Il s'abandonne en proie aux soucis plus cuisants, Régnier, Sat. VI. Aux accès insolents d'une bouffonne joie La sagesse, l'esprit, l'honneur furent en proie, Boileau, Art p. III. Aux conseils des méchants ton roi n'est plus en proie, Racine, Esth. III, 7. Pendant que Pygmalion était en proie à la défiance, Fénelon, Tél. VIII. L'Allemagne était en proie à six armées formidables, qui la dévoraient en même temps, Voltaire, Louis XV, 32. Je plains cette douleur où votre âme est en proie, Voltaire, Adél. du Guesclin. I, 1. Quinault, avec tout son mérite, resta donc en proie aux injures de Boileau et à la protection de Lulli, Voltaire, Dict. phil. Art dramatique. Regardez cet avare en proie à sa richesse, Et d'un gros revenu puni par sa tristesse, Delille, Convers. II, Prologue.

    Absolument. En proie, exposé, livré comme une proie. Tout ce que la religion a de plus saint a été en proie ; l'Angleterre a tant changé, qu'elle ne sait plus elle-même à quoi s'en tenir, Bossuet, Reine d'Anglet. Il [le prince de Condé] part à ce premier mouvement [de l'armée ennemie] ; déjà l'armée hollandaise avec ses superbes étendards ne lui échappera pas ; tout nage dans le sang ; tout est en proie, Bossuet, Louis de Bourb.

  • 3Toute chose dont on s'empare avec violence, avec une sorte de rapacité. Sa fortune devint la proie d'avides héritiers. Le chien mit bas la proie Pour la défendre mieux, n'en étant plus chargé, La Fontaine, Fabl. VIII, 7. À ce nouveau venu la voilà [une femme] donc en proie, La Fontaine, Fianc. Perrin a de ses vers obtenu le pardon, Et la scène française est en proie à Pradon, Boileau, Épître VIII. Et j'espérais ma part d'une si riche proie, Boileau, Athal. III, 3. Ils ont perdu leur force en disputant leur proie, Voltaire, Tancr. I, 1.
  • 4 Fig. Il se dit des personnes dont on s'empare. Je pourrai bien tantôt lui souffler cette proie, Molière, l'Ét. III, 6. Quelle joie D'enlever à l'Epire une si belle proie [Hermione] ! Racine, Andr. II, 3.
  • 5Celui qui est persécuté par un autre, qui en devient la victime. Je ne sais si ce tigre a reconnu sa proie, Racine, Esth. III, 3.

    Être la proie de, être exposé à. La fin de tant d'ennuis dont nous fûmes la proie, Malherbe, II, 1. Pour sortir des tourments dont mon âme est la proie, Racine, Bérén. v, 6. Il y a longtemps que mon cœur est la proie de vos yeux, Hamilton, Gramm. 7. Témoin les collecteurs dont nous sommes la proie, Delavigne, Louis XI, III, 1.

  • 6Il se dit des choses qui ravagent, détruisent. Cette maison a été la proie des flammes. Le pays était en proie à la disette.
  • 7Il s'est dit pour bétail. Défenses sont faites à toutes personnes habitant la censive de Testmilon, de faire aucunes proies ou troupeaux à part, ni de les mener pâturer à garde séparée, même le long des chemins, Arrêt du parl. 14 août 1787.

HISTORIQUE

XIIIe s. En son païs porte li cuens [le comte] sa proie [la dame enlevée], Audefroi le Bastard, Romancero, p. 31. Or sont à sejor [en repos] Dame et seignor, Et larron vont en proie, ib. p. 66. Chascuns devient oisel de proie ; Nus [nul] ne vit més se il ne proie [praedatur], Rutebeuf, 218.

XVe s. La garnison trop se defendroit ; mais j'ai vu, dit l'espie, issir la proie [le bétail] hors de la ville, et y a bien sept ou huit cents grosses bestes, et sont par dessous la ville ès prés, Froissart, I, I, 254.

XVIe s. Ils ont appelé les armes estrangeres ; qui est à dire en bon langage mettre en proye ce royaume, Condé, Mémoires, p. 679. Aujourd'hui ce royaume de France est en proye, Montluc, Mém. liv. VI. Ils ne font pas moins de ravage dans leur propre pays, que si c'estoit en celui des ennemis, où toutes choses sont en proye, Lanoue, 13. Qui denie l'instruction et la correction à son enfant, le laisse en proye du vice, qui après le traine en perdition, Lanoue, 116. Tant pour sauver ma vie et à ma femme et enfants, qui seroient en peril et danger indubitable, et nos biens en proie, que pour tascher…, Protestation de Brisson, dans Journ. de l'Estoile. t. I, p. 387. Le peuple romain qui s'etoit donné toute nation en proie, Pasquier, Recherches, I, 7.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et ital. preda ; du latin præda que les étymologistes regardent comme étant pour præ-hida (comparez præbeo pour prœhibeo), représentant la forme non nasalisée de prehendere, prendre ; pour l'absence de nasalisation comparez ἔχαδον aor. 2 de χανδάνω, hendere.