« péril », définition dans le dictionnaire Littré

péril

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

péril

(pé-rill, ll mouillées ; au pluriel, l's ne se lie pas : des pé-rill imminents ; cependant plusieurs la lient : des pé-rill-z imminents) s. m.
  • 1État où il y a quelque chose de fâcheux à craindre. Ce vieux oracle rapporté par Aristote, qu'il faut appeler le péril au secours du péril, et sortir d'un mal par un autre mal, Guez de Balzac, De la cour, 5e disc. Puisque les actions qui se font avec péril sont plus estimées que les autres, Voiture, Lett. 22. À tout oser le péril doit contraindre, Corneille, Héracl. I, 5. Aux grands périls tel a pu se soustraire, Qui périt pour la moindre affaire, La Fontaine, Fabl. II, 9. Ce qui me reste, c'est d'avoir les pieds et les mains enflés… mais cela s'appelle des incommodités, et point du tout des périls, Sévigné, 2 févr. 1676. On croit qu'il expose les troupes : il les ménage en abrégeant le temps des périls par la vigueur des attaques, Bossuet, Louis de Bourbon. Qu'il marchât avec une armée parmi les périls, ou qu'il conduisît ses amis dans ces superbes allées au bruit de tant de jets d'eau qui ne se taisaient ni jour ni nuit, Bossuet, Louis de Bourbon. Quand je considère en moi-même les périls extrêmes et continuels qu'a courus cette princesse sur la mer et sur la terre, Bossuet, Reine d'Anglet. Hélas ! de quel péril je l'avais su tirer ! Racine, Athal. I, 2. Avant de se jeter dans le péril, il faut le prévoir et le craindre, Fénelon, Tél. I. Le bon esprit nous découvre notre devoir, notre engagement à le faire, et, s'il y a du péril, avec péril, La Bruyère, II. Il [Mithridate] marcha de péril en péril par le pays des Laziens, Montesquieu, Rom. VII. Je ne méprise pas moins celui qui cherche un péril inutile, que celui qui fuit un péril qu'il doit affronter, Rousseau, Hél. I, 57.

    Il se dit aussi des choses. Le manque de bonheur Met en péril ta vie, et non pas ton honneur, Corneille, Cinna, I, 3. L'ltalie mit leur empire en péril, Bossuet, Hist. I, 9. Tout sera en péril d'être altéré au gré du roi, Fénelon, Tél. XXIII.

    Tomber en péril, être exposé à. Quand il tombe en péril de quelque ignominie, Corneille, Hor. v, 2.

    Être en péril, être menacé de quelque chose de funeste. Sa vie était en péril, Bossuet, Hist. II, 3.

    Au péril de, aux périls de, en s'exposant à. Au péril de tout perdre, il met tout à mon choix, Corneille, Androm. V, 2. J'aime mon maître assez pour m'exposer sans peine, Jusqu'à l'oser servir, au péril de sa haine, Quinault, Astrate, V, 3.

    Au péril de, aux périls de, aux dépens de, au risque de. J'ai conquis votre cœur aux périls de ma vie, Corneille, Perth. I, 4. Vous servant au péril de ma vie, Fénelon, Tél. XII.

    Faire une chose à ses risques et périls, ou, simplement, à ses périls, la faire au hasard de ce qui peut en arriver. Contente à tes périls ton curieux désir, Corneille, Mél. v, 1. Souffrez… Qu'il soit à ses périls possesseur de son bien, Molière, Tart. IV, 1. J'ai trop à mes périls appris à la connaître [Catherine de Médicis], Voltaire, Henr. II.

    Terme de pratique. Prendre une affaire à ses risques, périls et fortunes, se charger de tout ce qui peut en arriver. Puisque les déchargeurs le font pour eux, et conduisent chez eux les marchandises et les déchargent à leurs périls et fortune, Scarron, Lett. Œuv. t. I, p. 244, dans POUGENS.

    Il y a péril en la demeure, le moindre retardement peut causer un grand préjudice (voy. DEMEURE).

  • 2Il se dit de ce qui est à craindre pour le salut de l'âme. Aussitôt qu'on cesse pour nous de compter les heures… nous arrivons au règne de la vérité… notre âme n'est plus en péril, Bossuet, Duch. d'Orl. Ne disons plus que la mort a tout d'un coup arrêté le cours de la plus belle vie du monde… disons qu'elle a mis fin aux plus grands périls dont une âme chrétienne puisse être assaillie, Bossuet, ib.
  • 3Il se dit des craintes que l'on court d'être saisi de sentiments amoureux. L'indifférence qu'elle [une belle fille] conservait pour tous les hommes, qu'elle voyait, disait-elle, sans aucun péril, La Bruyère, III. Une belle femme est aimable dans son naturel ; elle ne perd rien à être négligée… il y aurait moins de péril à la voir avec tout l'attirail de l'ajustement et de la mode, La Bruyère, XII. Tous les amants savent feindre : Nymphes, craignez leurs appas : Le péril le plus à craindre Est celui qu'on ne craint pas, Rousseau J.-B. Cant. v.
  • 4Il se dit de ce qui peut faire perdre de l'argent, des valeurs. Si la dot est mise en péril, la femme peut poursuivre la séparation de biens, Code Nap. art. 1563.
  • 5Il se dit, par exagération, de petits inconvénients qui sont à craindre. Celui qui a la mémoire fidèle et une grande prévoyance est hors du péril de censurer dans les autres ce qu'il a peut-être fait lui-même, La Bruyère, XII. Plus on voudra les pousser au delà des notions communes, plus on les mettra en péril de se tromper, Vauvenargues, Max. CCLXX.
  • 6 Un bâtiment est en péril, lorsque sa façade sur la voie publique ou une de ses parties menace ruine, Pernot.

HISTORIQUE

Xe s. Sic liberat de cel peril, Fragm. de Valenc. p. 469. Es perils, ib. p. 467.

XIe s. À la grant feste Saint Martin du peril, Ch. de Rol. x. Gueri [sauve] de mei l'ame de touz perilz, ib. CLXXIII.

XIIIe s. Le grant peril que cil de Venise avoient empris, Villehardouin, XXXI. Quant aucuns est semons et il n'oze aler, porce que se [sa] femme ou si enfant sont en peril de mort, Beaumanoir, I I, 6. Mes voisins pot apoier son merien contre mon mur qui joint à li, voille ou non, mes que li murs soit si fors que me [ma] meson ne demeure en peril, Beaumanoir, XXIV, 22. C'est un des plus grand perix qui soit en l'office de bailli que d'estre negligens ou poi soigneus de ses contes, Beaumanoir, I, 10. Si vous proi jou [je vous prie] d'eskiever les perieus…, Anc. poés. franç. Valic. n° 1490, f° 75, dans LACURNE.

XIVe s. Qui aime le peril, il cherra en peril, Ménagier, I, 9.

XVe s. Ils se rendirent par composition, saufs leurs corps et leurs biens, et les devoit le duc faire conduire jusques à Bordeaux sur son peril, Froissart, I, I, 256.

XVIe s. À quelque peril que le blé se venaist [à tout hasard], voulurent essayer leur mauvaise fortune, Hist. du chev. Bayard, t. II, p. 163, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. peril, perilh ; catal. peril ; espagn. peligro ; portug. perigo ; ital. periglio ; du lat. periculum, ou periclum, rapproché par Curtius de περάω, traverser ; lat. ex-per-ior, éprouver.