« raisonnable », définition dans le dictionnaire Littré

raisonnable

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

raisonnable

(rè-zo-na-bl') adj.
  • 1Qui est doué de raison. À quoi es-tu réduite, âme raisonnable ? toi qui étais née pour l'éternité et pour un objet immortel, tu deviens éprise et captive d'une fleur que le soleil dessèche, Bossuet, la Vallière.
  • 2Qui agit selon la raison, le droit, l'équité. Si vous n'étiez de ces raisonnables violents… je n'aurais pas si bon marché de votre approbation, Guez de Balzac, liv. VI, lett. 3. Le comte est donc si vain et si peu raisonnable ! Corneille, Cid, II, 6. Le mien [cœur] est raisonnable autant que généreux, Corneille, Théod. III, 5. Il n'y a que deux sortes de personnes qu'on puisse appeler raisonnables : ou ceux qui servent Dieu de tout leur cœur… ou ceux qui le cherchent de tout leur cœur, Pascal, Pens. IX, 1, éd. HAVET. Non, monsieur, je ne suis point raisonnable, et je n'aime point les gens raisonnables ; ils sont froids, insensibles, Picard, Ricochets, I, 6.

    Fig. Cela [prendre du lait de vache] vous rafraîchirait, et vous donnerait un sang raisonnable, qui n'irait point plus vite qu'un autre, Sévigné, à Mme de Grignan, 14 juill. 1677.

    Familièrement. Cet enfant se conduit, parle comme une personne raisonnable, ses actions, ses paroles sont celles d'une personne d'un âge mûr.

    Substantivement. Maître Jacques fait bien le raisonnable ! Molière, l'Av. III, 5.

  • 3Qui supporte avec résignation. Votre malheur est grand, mais soyez raisonnable.
  • 4En parlant des choses, conforme à la raison, à l'équité. On fera tout ce qui sera raisonnable. Langage raisonnable. Comme je reçois de vous des honneurs qui ne me sont pas dus, il est raisonnable que j'en souffre des plaintes que je n'ai pas méritées, Voiture, Lett. 35. Quoi ! vous appelez crime un change raisonnable ? Corneille, Hor. I, 3.
  • 5Qui est suffisant, qui est convenable. S'il y avait moyen de trouver de si rares pièces [les pantoufles de Turnèbe, les lunettes d'Érasme] dans le cabinet de quelque curieux qui l'en voulût accommoder à prix raisonnable, Guez de Balzac, le Barbon. Si je suis réduit avec vous à chercher tous les jours le secours des marchands, pour avoir moyen de porter des habits raisonnables, Molière, l'Av. I, 2. Il me faut un cheval de service, et je n'en saurais avoir un qui soit tant soit peu raisonnable, à moins de soixante pistoles, Molière, Fourber. II, 8. De bonne foi, j'en écris souvent [des lettres] d'une longueur trop excessive ; je veux que celle-ci soit raisonnable, Sévigné, 63. Les mitaines sont trop étroites pour un bras si court, les couvre-pieds sont fort raisonnables, Maintenon, Lett. à Mme de Caylus, t. VI, p. 75, dans POUGENS. Si nous ne sommes pas assez riches pour acheter une terre magnifique, nous pourrons en avoir du moins une raisonnable, Lesage, Gil Blas, IX, 9. Nous en serons quittes pour une rançon raisonnable, Lamotte, Calendr. des vieillards, sc. 12.
  • 6Qui est au-dessus du médiocre. Il a une fortune raisonnable. Le porc à s'engraisser coûtera peu de son, Il était, quand je l'eus, de grosseur raisonnable, La Fontaine, Fabl. VII, 10. Messieurs, leur dit le notaire équitable, Vous pouvez prendre un milieu ; l'on mettra Qu'au sieur bailleur le preneur donnera, Bon an, mal an, un cochon raisonnable, Du Cange, rationabilis.

HISTORIQUE

XIIe s. Ceste requeste plout à nostre seigneur, car regnable fud, Rois, p. 235. Deus n'avoit fait mais ke dous [deux] nobles creatures ki resnaubles estoient, Saint Bernard, p. 524.

XIIIe s. La tierce [puissance de l'homme] est apelée rationable, et por ceste est li hom divers de toutes choses, porce que nule autre chose n'a ame rationable se li hom non, Latini, Trés. p. 260. La raisonnable puissance de l'ame est en deux manieres…, Latini, ib. p. 265. Pren te garde que les despens de ton hostel soient resonnable, Joinville, 301.

XVe s. Le mareschal qui vit bien que la requeste n'estoit mie honorable ni raisonnable, Froissart, I, I, 139.

XVIe s. [Dieu] Tu m'as pourveu de sens, et, plus haut m'eslevant, Me depars le discours et me fais raisonnable, Desportes, Œuvres chrest. XVIII, Prière. Il n'est point raisonnable, que celuy qui ne tire point, attaigne au blanc, Amyot, P. Aem. 32. J'ay apprins à faire mes journées, à l'espaignole, d'une traicte ; grandes et raisonnables journées, Montaigne, IV, 104. Ces discours-là [sur le mépris de la gloire] sont infiniment vrays à mon advis et raisonnables, Montaigne, III, 11.

ÉTYMOLOGIE

Prov. razonable ; catal. rahonable ; espagn. razonable ; ital. razionabile ; du lat. rationabilis, de ratio, raison.