« repaître », définition dans le dictionnaire Littré

repaître

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

repaître

(re-paî-tr'), je repais, tu repais, il repaît, nous repaissons ; je repaissais ; je repus, tu repus, il reput, nous repûmes, vous repûtes, ils repurent ; je repaîtrai ; je repaîtrais ; repais, qu'il repaisse, repaissons : que je repaisse, que nous repaissions ; que je repusse, qu'il repût ; repaissant ; repu, repue v. n.
  • 1Manger, prendre sa réfection ; il se dit des hommes et des animaux, surtout en voyage. Parce qu'il lui fallait faire [à M. le Prince] ce jour-là trente-cinq lieues sur les mêmes chevaux, la nécessité de repaître le fit retarder de quelques heures, La Rochefoucauld, Mém. 235. Chacun repaît, le soir étant venu ; L'on mange peu, l'on boit en récompense, La Fontaine, Fiancée. Mais, seigneur Trufaldin, songez-vous que peut-être Ce monsieur l'étranger a besoin de repaître ? Molière, l'Ét. IV, 3.

    S. m. Terme de chasse. Faux repaître, se dit de l'action du cerf qui paît et n'avale pas, étant pressé par les chiens.

  • 2 V. a. Nourrir, donner à manger. Il faut repaître ses animaux.

    Fig. Ces vieux contes d'honneur dont on repaît les dames, Régnier, Sat. XII. J'ai plaint le faux espoir dont on vous repaissait, Molière, le Dépit, I, 4. Pour souffrir qu'un valet de chansons me repaisse, Molière, Amph. II, 1. Celui qui alluma le plus cette ardeur [de conquérir la Sicile] fut Alcibiade, en repaissant le peuple de magnifiques espérances, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. III, p. 612, dans POUGENS.

    Repaître ses yeux d'un spectacle, le regarder avec avidité. Viens voir mourir ta sœur dans les bras de ton père, Viens repaître tes yeux d'un spectacle si doux, Corneille, Hor. IV, 7. Et que devant sa porte, au lieu de Mardochée, Apaisant par sa mort et la terre et les cieux, De mes peuples vengés il [Aman] repaisse les yeux, Racine, Esth. III, 6. Bellone et Mars, avec les Furies dégouttantes de sang, repaissaient leurs yeux cruels de ce spectacle [une bataille], Fénelon, Tél. XX.

    Se repaître l'esprit, repaître son esprit. Se repaître plutôt l'esprit de la vanité des paroles que de la solidité des choses, Malebranche, Rech. vér. I, 18.

  • 3Se repaître, v. réfl. Prendre sa réfection. Ces animaux se repaissent de chair. Les uns [les démons, dieux des païens] gais et plus enjoués se laissaient gagner par des spectacles et des jeux ; l'humeur plus sombre des autres voulait l'odeur de la graisse, et se repaissait de sacrifices sanglants, Bossuet, Hist. II, 12. Du repos des humains implacable ennemie… Je me repais de sang…, Boileau, Énigme (une puce). La brute se repaît, l'homme mange, Brillat-Savarin, Phys. du goût, Aphorisme.

    Par exagération. Il ne se repaît que de sang et de carnage, se dit d'un homme cruel et sanguinaire.

    Fig. …ce sont contes frivoles Dont se repaît le peuple…, Régnier, Élég. III. Mes yeux se repaîtront des horreurs de ta peine, Corneille, Médée, V, 8. D'abord je me repus d'espérances frivoles, La Fontaine, Psyché, II, p. 197. Pour moi, je vous l'avoue, je me repais un peu de gloire, Molière, Bourg. gent. I, 1. On se repaît des vains projets d'une conversion imaginaire, Fléchier, Mar.-Th. Pour contenter une sainte ardeur de l'entendre, et pour se repaître de sa doctrine, Bourdaloue, 6e dim. après la Pentecôte, Dominic. t. III, p. 8. Hélas ! si cette paix dont vous vous repaissez Couvrait contre vos jours quelques piéges dressés, Racine, Brit. V, 1. L'amour ne se repaît point de galanterie, Rousseau, Hél. I, 52. La vanité humaine, dit quelque part Marivaux lui-même, n'est pas difficile à nourrir, et se repaît des aliments les plus grossiers comme des plus délicats ; il en était la preuve, D'Alembert, Éloges, Marivaux.

HISTORIQUE

XIIIe s. Bien m'avez reschaufée et moult bien repeüe, Berte, LII. …Diex qui de ses biens reput Le monde, quant il l'ot forgié, la Rose, 5262. Il nous convint descendre en la terre de nos ennemis pour fere feu et cuire viande, pour les enfants repestre et alaitier, Joinville, 282.

XVe s. De là nous allasmes repaistre au bourg Sainct-Denis, Commines, VIII, 7.

XVIe s. Un an y a, ou il s'en faut bien peu, Que par toi suis d'esperance repeu, Marot, I, 332. Fy du repas, qui, en paix et repos, Ne sçait l'esprit avec le corps repaistre, Marot, III, 57. J'ai ici longuement repeu mes yeulx ; mais mon estomach brait de male raige de faim, repaissons, Rabelais, Pant. V, 31. Si vous avez faict vostre proufit de la vie, vous en estes repeu, Montaigne, I, 85. Mal de teste veut repaistre, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Re…, et paître.