« rideau », définition dans le dictionnaire Littré

rideau

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

rideau

(ri-dô) s. m.
  • 1 Terme de guerre. Petite élévation de terre derrière laquelle on peut se cacher (par une dérivation du sens original, qui est froncement, repli). Vauban espère de pouvoir dérober le travail, la moitié de la nuit, à la faveur d'un rideau qui s'y rencontre, Pellisson, Lett. hist. t. III, p. 158.
  • 2 Terme de ponts et chaussées. Talus élevé au-dessus d'une roue, d'un canal, etc.

    Mur pour soutenir le pied d'un talus, d'une berge.

  • 3Morceaux d'étoffe auquel sont attachés des anneaux coulant sur une tringle, et qu'on tire pour couvrir, cacher ou conserver quelque chose. Rideaux de lit, de fenêtre, de carrosse. Tu fermais les rideaux et veillais à l'entour, Tristan, Marianne, III, 6. …un de ces tableaux Sur lesquels on met des rideaux, La Fontaine, Tabl. Quatre rideaux pompeux, par un double contour, En défendent l'entrée [d'une alcôve] à la clarté du jour, Boileau, Lutr. I. Brinon, mon ami, lui dis-je avec un grand soupir, fermez le rideau [du lit], je suis indigne de voir le jour, Hamilton, Gramm. III. Une épouse impatiente qui compte, sous ses rideaux, tous les coups de la cloche baptismale, Chateaubriand, Génie, I, I, 6.

    Fig. Fraîche comme on nous peint l'aurore Du jour entr'ouvrant les rideaux, Béranger, Maudit print.

    Tirer le rideau, le fermer, cacher quelque chose avec un rideau. Tirez le rideau, je veux dormir. Tirer le rideau sur un tableau.

    Fig. Tirer le rideau sur, passer sous silence, ne plus s'occuper l'esprit de. Sur les noires couleurs d'un si triste tableau Il faut passer l'éponge ou tirer le rideau, Corneille, Rod. II, 3. Je tire le rideau sur vos torts ; ils sont grands, mais il les faut oublier, Sévigné, à Bussy, 13 nov. 1687. Dans les éloges qu'on entreprend de la plupart des hommes extraordinaires, on est obligé de tirer le rideau sur les premières années de leur vie ; on laisse dans un sage oubli un temps où ils se sont oubliés eux-mêmes, Massillon, Or. fun. Villeroy.

    Tirer le rideau signifie aussi, en un sens contraire, l'ouvrir de devant quelque chose. Tirez le rideau, que je me lève. Tirer le rideau de devant un tableau.

    Fig. Tirer le rideau, écarter de devant les regards de l'esprit ce qui les intercepte. Redressez donc votre imagination, ma chère comtesse, et tirez les rideaux qui vous empêchent de me voir, Sévigné, 7 févr. 1685. Elle [Madame de Coligny] se repent, elle ouvre les yeux, ce n'est plus la même personne, voilà le rideau tiré, Sévigné, 23 janv. 1682. Mais, madame, vous êtes si bien disposée à entrer dans tout ce que je veux vous dire que je crois que je n'ai qu'à tirer le rideau et à vous montrer le monde, Fontenelle, les Mondes, 1er soir.

    Fig. Se tenir derrière le rideau, conduire une affaire sans se mettre en avant, sans se faire connaître.

    On dit dans un sens analogue : il y a quelqu'un derrière le rideau.

  • 4Il se dit de tout ce qui est disposé comme un rideau de lit ou de croisée. Le fond [à l'opéra] est un grand rideau peint grossièrement, et presque toujours percé ou déchiré, ce qui représente des gouffres dans la terre ou des trous dans le ciel, selon la perspective ; chaque personne qui passe derrière le théâtre et touche le rideau, produit, en l'ébranlant, une sorte de tremblement de terre assez plaisant à voir, Rousseau, Hél. II, 23.

    Fig. Tirez le rideau, la farce est jouée, tout est fini.

    Fig. Passer derrière le rideau, se retirer derrière le rideau, cesser d'être en évidence, ne plus s'occuper de. Il me paraît que vous êtes si contente de la fortune de vos frères, que vous ne comptez plus sur la vôtre, vous vous retirez derrière le rideau, Sévigné, 413. Ne voulez-vous pas bien me permettre présentement de passer derrière le rideau, et de vous faire venir sur le théâtre ? Sévigné, t. VII, p. 122, éd. RÉGNIER.

  • 5Toile d'un théâtre qu'on lève pour montrer le spectacle aux spectateurs, et qu'on baisse pour leur cacher la scène. La pièce fut sifflée, et le rideau tomba avant la fin.

    Fig. Ici finit l'histoire [d'une querelle de Boileau avec un jésuite], le rideau tombe ; Corbinelli me promet le reste, Sévigné, 15 janv. 1690.

  • 6Haie ou palissade d'arbres ou d'arbrisseaux, produisant de l'ombre, ou rompant la violence du vent ou de l'eau. Partout se présente sur le rivage un rideau de palétuviers, alternativement détruit et renouvelé par la vase et par le sable, Raynal, Hist. phil. XII, 21. Comme je n'aime pas les curieux, je fais planter devant leurs croisées un double rideau de peupliers, Al. Duval, Maison à vendre, sc. 15.

    Cette allée d'arbres, cette suite de maisons forme rideau, elle arrête la vue et cache les objets plus éloignés.

  • 7 Fig. Il se dit de tout ce qui borne la vue. Je ne veux point que vous disiez que j'étais un rideau qui vous cachait ; tant pis si je vous cachais, vous êtes encore plus aimable quand on a tiré le rideau : il faut que vous soyez à découvert pour être dans votre perfection, Sévigné, 16. Tertullien a dit : Le temps est comme un grand voile et un grand rideau qui est étendu devant l'éternité et qui nous la couvre, Bossuet, 4e sermon, 1er dim. car. 3. Le rideau de la nuit s'élève et se replie, Bernis, Relig. veng. III. La vue d'un beau visage ou d'un beau tableau affecte plus que celle d'une seule couleur ; un ciel étoilé, qu'un rideau d'azur, Diderot, Rech. philos. sur le beau, Œuv. t. II, p. 464, dans POUGENS. La lune paraissait au milieu du firmament entourée d'un rideau de nuages que ses rayons dissipaient par degrés, Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie. Ce ciel qui devant moi si tristement s'ennuie, Dont le rideau jamais n'entrouvre un coin d'azur, P. Lebrun, Poés. t. II, 22.
  • 8 Terme de ponts et chaussées. Ensemble des chaînes, tringles et barres de fer, qui soutiennent le plancher d'un pont suspendu.
  • 9 Terme de fumiste. Assemblage de trois ou quatre lames de tôle qui ouvrent ou ferment à volonté le devant d'une cheminée.

HISTORIQUE

XVe s. Demi journel de terre… tenant d'une part au ridel ou hollon [petite colline], Du Cange, hoga. Rideau de taffetas roge tout d'une piece, Bibl. des ch. 6e série, t. I, p. 352.

XVIe s. Vous allez montant de rideaux en rideaux aisez à escarper jusques aux maisons de la ville, D'Aubigné, Hist. I, 298. …Ville n'aiant point de rampars, commandée tout de son long de divers rideaux de terre, D'Aubigné, ib. I, 311. Serillac encores fut arresté par les harquebusiers de Boisseau et Poupeliniere, qui avoient fourni un rideau à 150 pas du village, et lesquels encores qu'ils ne fussent que 80…, D'Aubigné, ib. II, 277.

ÉTYMOLOGIE

Rider 1. Le sens propre est froncement, petite ride.