« ridicule », définition dans le dictionnaire Littré

ridicule

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

ridicule [1]

(ri-di-ku-l') adj.
  • 1Digne de risée, en parlant des personnes et des choses. Je ne m'étonne pas que vous ayez ri tout votre soûl, en m'écrivant l'étrange bruit qui court de moi, que je n'ai ni bonté ni amitié ; car, sans mentir, il ne s'est jamais rien dit de si ridicule, Voiture, Lett. 56. Allons fouler aux pieds ce foudre ridicule, Corneille, Poly. II, 6. Ce qui est nécessaire n'est jamais ridicule, Retz, Mém. t. III, liv. IV, p. 333, dans POUGENS. On sera ridicule, et je n'oserai rire ! Boileau, Sat. IX. Es-tu toi-même si crédule Que de me soupçonner d'un courroux ridicule ? Racine, Bajaz. IV, 7. L'homme ridicule est celui qui, tant qu'il demeure tel, a les apparences d'un sot, La Bruyère, XII. J'ai toujours fait une prière à Dieu, qui est fort courte ; la voici : Mon Dieu, rendez nos ennemis bien ridicules ! Dieu m'a exaucé, Voltaire, Lett. Damilaville, 16 mai 1767. Dubois fut bientôt après cardinal et premier ministre, et pendant son ministère tout fut ridicule et tranquille, Voltaire, Hist. parl. LXII. Vraiment je ne savais pas que vous eussiez enterré votre médecin ; je ne sais rien de si ridicule qu'un médecin qui ne meurt pas de vieillesse, Voltaire, Lett. d'Argental, 6 nov. 1767. Comme la mode est parmi nous la raison excellente, nous jugeons des actions, des idées et des sentiments sur leur rapport avec la mode ; tout ce qui n'y est pas conforme est trouvé ridicule, Duclos, Consid. mœurs, IX. Ce n'est pas ce qui est criminel qui coûte le plus à dire, c'est ce qui est ridicule et honteux, Rousseau, Conf. I.

    Je suis ridicule, je m'émeus facilement, je pleure facilement (parce que ne pas retenir ses larmes devant le monde passe pour ridicule).

    En un sens analogue, avoir le cœur ridicule, s'attacher facilement. Elle [la princesse de Tarente] a le cœur comme de cire, et s'en vante, disant assez plaisamment qu'elle a le cœur ridicule, Sévigné, 11 déc. 1675.

  • 2 S. m. et f. Un ridicule, une ridicule, une personne ridicule. Ne voyez-vous pas que c'est un ridicule qu'il fait parler ? Molière, Crit. 7. La constance n'est bonne que pour des ridicules, Molière, D. Juan, I, 2. Parbleu ! je viens du Louvre, où Cléante au levé, Madame, a bien paru ridicule achevé, Molière, Mis. II, 5. Fi donc ! c'est une ridicule ; à son âge épouser un jeune homme ! Dancourt, Mme Artus, V, 11. Taisez-vous, s'il vous plaît, petite ridicule, Regnard, le Joueur, II, 10.
  • 3 S. m. Ce qu'il y a de ridicule dans une personne ou dans une chose. Le ridicule déshonore plus que le déshonneur, La Rochefoucauld, Max. 326. Ce mot [pris substantivement] n'est pas fort ancien …on n'a pas toujours dit : trouver le ridicule d'une chose, Bouhours, Entret. d'Ar. et d'Eug. p. 120 (1671). Il est bien plus aisé de se guinder sur de grands sentiments… que d'entrer comme il faut dans le ridicule des hommes, Molière, Critique, 7. Un homme de la cour disait l'autre jour à Mme de Ludre : Madame, vous êtes, ma foi, plus belle que jamais. Tout de bon, dit-elle, j'en suis bien aise, c'est un ridicule de moins. J'ai trouvé cela plaisant, Sévigné, 355. Le ridicule qui est quelque part, il faut l'y voir, l'en tirer avec grâce et d'une manière qui plaise et qui instruise [au théâtre], La Bruyère, I. À mesure que la faveur et les grands biens se retirent d'un homme, ils laissent voir en lui les ridicules qu'ils couvraient et qui y étaient sans que personne s'en aperçût, La Bruyère, VI. Le sot ne se tire jamais du ridicule ; c'est son caractère ; l'on y entre quelquefois avec de l'esprit, mais l'on en sort, La Bruyère, XII. Ah ! bon Dieu ! dis-je en moi-même, ne sentirons-nous jamais que le ridicule des autres ? Montesquieu, Lett. pers. 52. Le duel [entre Charles-Quint et François Ier] n'eut point lieu ; tant d'appareil n'aboutit qu'au ridicule, dont le trône même ne garantit pas les hommes, Voltaire, Mœurs, 124. Le ridicule consiste à choquer la mode ou l'opinion, et communément on les confond assez avec la raison, Duclos, Consid. mœurs, 9. Elle [Corinne] apercevait le ridicule avec la gaieté d'une Française, et le peignait avec l'imagination d'une Italienne, Staël, Corinne, III, 1.

    En ridicule, d'une manière qui excite la moquerie. On lui dit [à la Voisin empoisonneuse] qu'elle ferait bien mieux… de chanter un Ave maris stella ou un Salve que toutes ses chansons ; elle chanta l'un et l'autre en ridicule, Sévigné, 23 févr. 1680. [Napoléon] sachant bien… que les délicatesses et les grâces que quelques-uns apportent de nos salons sont à leurs yeux [des soldats] faiblesse, pusillanimité, et que c'est pour eux comme une langue étrangère qu'ils ne comprennent pas et dont l'accent les frappe en ridicule, Ségur, Hist. de Nap. III, 3.

    Tourner, traduire en ridicule, se moquer. Tout de bon, mes pères, il serait aisé de vous tourner là-dessus en ridicule, Pascal, Prov. XI. Aimez-moi ; quoique nous ayons tourné ce mot en ridicule, il est naturel, Sévigné, 59. La vertu est traduite en ridicule, Bourdaloue, Domin. IV, Zèle honn. relig. 289. Quand une fois on a tourné l'enthousiasme en ridicule, on a tout défait, excepté l'argent et le pouvoir, Staël, Corinne, IV, 3.

    Par un jeu de mots sur traduire en ridicule, qui veut dire rendre ridicule, et sur traduire signifiant translater. D'un savant traducteur on a beau faire choix [pour les poëtes grecs], C'est les traduire en ridicule Que de les traduire en françois, Perrault, Parallèle des anciens et des modernes, préface. On dit que l'apostat la Bletterie, qui avait fait un livre passable sur le brave apostat Julien, vient de traduire Tacite en ridicule, Voltaire, Lett. La Harpe, 2 juin 1768.

    Donner, prêter un ridicule, rendre ridicule. Ne cherchez-vous pas à plaire, en donnant du ridicule à un homme qui ne plaît pas ? Massillon, Carême, Médis. Quoique vous sentiez très bien les ridicules, personne n'est plus éloigné que vous d'en donner, D'Alembert, Portr. de Mlle de l'Espinasse. Diogène, lui dit un troisième, on vous donne bien des ridicules. - Mais je ne les reçois pas, Barthélemy, Anach. ch. 28.

    Se donner un ridicule, des ridicules, se rendre un objet de moquerie. Il était fort honnête homme, assez sérieux, fort sévère et mortel ennemi du ridicule, la laideur de sa femme ne lui était pas tant à charge que celui qu'elle se donnait dans toutes les occasions qui s'en présentaient, Hamilton, Gramm. 7. …Que je me donne un pareil ridicule ! Rompre avec un ami ! Gresset, le Méch. IV, 4.

  • 4Discours ou acte par lequel on se moque d'une personne. Nos vices ne sont pas les vices qu'Horace et Juvénal ont repris ; nous devons employer un autre ridicule, et nous servir d'une autre censure, Saint-Évremond, dans RICHELET. Vous êtes cruelle de donner en l'air des traits de ridicule à des endroits [de l'opéra de Roland] qui vous feront pleurer, Sévigné, 28 janv. 1685. Oh ! je vois bien que vous n'avez pas compris les perfections de la plaisanterie, toute sagesse y est renfermée ; on peut tirer du ridicule de tout, Fontenelle, Dial. 1, Morts anc. mod. Les maximes du ridicule que les femmes s'entendent si bien à établir, Montesquieu, Esp. VII, 8. Le ridicule est le fléau des gens du monde, et il est assez juste qu'ils aient pour tyran un être fantastique, Duclos, Consid. mœurs, 9. Mal appliquer le ridicule, c'est souffler sur une glace : l'humidité de l'haleine disparaît d'elle-même, et le cristal reprend son éclat, Diderot, Mémoires, Prom. d'un scept. Le ridicule n'est, à ses yeux, que la raison des sots ; et rien ne rend plus insensible à la raillerie que d'être au-dessus de l'opinion, Rousseau, Ém. IV.
  • 5 Terme de théâtre. Ce qui prête au comique. Il peut y avoir un ridicule si bas, si grossier, ou même si fade et si indifférent, qu'il n'est ni permis au poëte d'y faire attention, ni possible aux spectateurs de s'en divertir, La Bruyère, I. Que les caractères qui sont susceptibles de ridicules en grand sont presque entièrement épuisés ; qu'il ne nous reste guère à peindre que des ridicules fugitifs, des ridicules de société et de mode, plus faits pour les sages que pour le parterre, D'Alembert, Éloges, la Chaussée.

REMARQUE

Au XVIIe siècle, Marg. Buffet, Observ. p. 49, recommande de ne pas dire rédicule, rédiculement, c'est une faute qui se fait encore.

SYNONYME

RIDICULE, RISIBLE. Ridicule, qui excite la risée, risible, qui est propre à exciter le rire. On rit de ce qui est risible ; on se rit de ce qui est ridicule. Risible se prend en bonne et en mauvaise part ; ridicule ne se prend qu'en mauvaise part. Risible pris en mauvaise part dit beaucoup moins que ridicule.

HISTORIQUE

XVIe s. Et feut ridicule l'humeur de Polycrates, tyran de Samos, lequel, pour interrompre le cours de son continuel bonheur… alla jecter en la mer le plus cher et precieux joyau qu'il eut, Montaigne, II, 258.

ÉTYMOLOGIE

Lat. ridiculus, de ridere, rire.