« sire », définition dans le dictionnaire Littré

sire

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

sire

(si-r') s. m.
  • 1Anciennement, titre donné à tous les seigneurs, soit justiciers, soit féodaux, et à plusieurs autres personnes. Le sire de Joinville a écrit l'histoire de saint Louis. Le perroquet dit : sire roi, Crois-tu qu'après un tel outrage Je me doive fier à toi ? La Fontaine, Fabl. X, 12. Le bon sire [le roi Soliveau] le souffre, et se tient toujours coi, La Fontaine, ib. III, 4. Il [le roi] vous l'écrit, c'est beaucoup que d'écrire Pour un roi tel qu'est le roi notre sire, La Fontaine, Poésies mêlées, LXXII. Il y avait toujours eu des sires en France, des Herren [seigneurs] en Allemagne, Voltaire, Mœurs, 96. Braque tes lunettes, vieux sire [Jupiter], Sur le front couronné par nous, Béranger, Bluets.
  • 2 Par antonomase. Titre qu'on donne aux empereurs et aux rois. Chimène : Sire, sire, justice. - D. Diègue : Ah ! sire, écoutez-nous, Corneille, Cid, II, 9. Puis en autant de parts le cerf il [le lion] dépeça, Prit pour lui la première en qualité de sire, La Fontaine, Fabl. I, 6. Le prince d'Orange ne se mêla point aux compliments, parce qu'il n'aurait point eu de sire, ni de Majesté, Saint-Simon, 31, 101. Un homme comme lui, Bonaparte, soldat, chef d'armée, le premier capitaine du monde, vouloir qu'on l'appelle Majesté ; être Bonaparte, et se faire sire ! il aspire à descendre ! Courier, Corr. mai 1804.
  • 3 Familièrement. Il se dit en parlant d'une personne sur laquelle on s'exprime sans gêne. Grâces à messieurs les humains, Qui deviennent d'étranges sires, Scarron, Gigant. I. Car chacun sait que vous méprisez l'or ; J'en fais grand cas ; aussi fait sire Pierre, Et sire Paul, enfin toute la terre : Toute la terre a peut-être raison, La Fontaine, Poés. mêl. LXXII. Quand l'animal porte-sonnette, Sauvage encore et tout grossier, Avec ses ongles tout d'acier Prend le nez du chasseur, happe le pauvre sire ; Lui de crier, chacun de rire, La Fontaine, Fabl. XII, 12. Sans compter, ronde ou non, la somme plut au sire, La Fontaine, Fabl. IX, 16. Sans être gascon, je puis dire Que je suis un merveilleux sire, La Fontaine, Cand.

    Un pauvre sire, un homme sans force, sans considération, sans capacité. Elle [Mme de Montbazon] disait à qui la voulait entendre que le pauvre sire [Beaufort] était impuissant, Retz, III, 31. Certes, dit-il [un rat], mon père était un pauvre sire ; Il n'osait voyager, craintif au dernier point, La Fontaine, Fabl. VIII, 9.

    Il se dit semblablement à une personne à qui l'on parle. Oui, sire, oui, beau sire. Or çà, sire Grégoire, Que gagnez-vous par an ? La Fontaine, Fabl. VIII, 2.

REMARQUE

Sire et seigneur étant le même mot, l'un au sujet, l'autre au régime, l'historique les comprend tous les deux.

HISTORIQUE

IXe s. Et Karlus meos sendra [au nominatif], Serment.

XIe s. Tu n'es mes hom, ne je ne sui tis sire, Ch. de Rol. XX. Sire [il] est par mer de quatre cens dromonz, ib. CXVII. [La lance] Dunt nostre sire [Jésus-Christ] fut en la cruiz naffret, ib. CLXXIX. E lui aidez e pur seignur tenez, ib. XXVI. Seignur barun, de Deu aiez vertut, ib. LXXX.

XIIe s. Biaux sire Diex, coment porai avoir Vraie merci ?…, Couci, XVII. On ne puet pas servir à tant seignour, ID. XXIV. Sire clerz, tout en haut [à haute voix] nous dites la leçon, Sax. XX. Qui donc veïst le duc nostre seignor prier Qu'il ait merci de s'ame, com de son chevalier…, ib. X. Lai [laisse] saint iglise aveir ses decrez e ses leis ; Ele est espuse Deu, qui est sire des reis, Th. le mart. 29. Se nos avons les biens recieuz de la main lo sanior, por coi ne sostenriens nos les malz ? Job, p. 452.

XIIIe s. Vous avés dit que vostre sire se merveille moult pour quoi nostre seigneur sont entré en sa terre ne en son reigne, Villehardouin, LXVII. Ha, sire Dieu ! fait-ele, qui es souverain pere, Berte, XVIII. Que tout li grand seignor, li comte et li marquis…, ib. V. Bien cuidoit estre sires [être heureux], qui veoir la [Berte] pooit, ib. CXXXV. Il est assés sire [maître, seigneur] du cors, Qui a le cuer en sa commande, la Rose, 2006. Li maris, de drois communs, est sires de ses biens et des biens à se [sa] feme, Beaumanoir, LVII, 2. Si comme noz avonz entendu des signeurs de lois [jurisconsultes], Beaumanoir, XII, 40. Li grant signeur qui tiennent en baronnie poent [peuvent] bien doner de lor heritage à lor homes, Beaumanoir, LXIX, 1. Et pour ce demoura celle emprise, que les seigneurs terrien ne s'i voudrent accorder que il y alast, Joinville, 275. Je, Jehane, dame de Fontaines sur Soume, le [la] vente devant dite voeil, gré, otri et conferme comme sires, Du Cange, siriaticus.

XIVe s. Messire Jehan Taupin seigneur en loix, clerc et conseiller de la chambre des enquestes, Du Cange, dominus. De son païs n'est pas sires qui n'est amez, Guesclin. 17846. Es lettres dou roy nostre sire, Bibl. des chartes, 4e série, t. III, p. 272. Or est il ainsi que le serf du seigneur d'un hostel, c'est sa possession, il est sien, Oresme, Éth. 155. L'exposant fut conseilliez d'aler à son parastre ou grant sire, Du Cange, siriaticus.

XVe s. Mesmement, le comte leur sire ne s'osoit clairement tenir en Flandre, Froissart, I, I, 9. Et chevauchoient [tous les seigneurs] ordonnéement et par connestablies, chacun sire entre ses gens, Froissart, I, I, 84. …La comtesse de Montfort… quand elle entendit que son sire estoit pris [le comte de Montfort], Froissart, I, I, 158. Un sire entre commun [un chef du peuple, un démagogue] ne vaut rien, s'il n'est redouté et renommé à la fois de cruauté, Froissart, II, II, 101. Ainsi furent les Anglois de la ville de Caen seigneurs trois jours…, Froissart, I, I, 272. Fut ordonné, pourtant que le pays ne pouvoit longuement demeurer sans seigneur, que… [Édouard II venait d'être renfermé au château de Bercler], Froissart, I, I, 26. Le suppliant dist à icellui Martin par doulceur : Beau sire, vous avez tort de prandre noise pour autruy… alors ledit Martin respondit qu'il n'estoit sire, et qu'il ne savoit se ledit suppliant l'estoit ; laquele parole de sire lui fut à moult grant desplaisance, pour ce que en laditte ville [de Ham] qui appelle ung beau sire, est autant comme de l'appeler coulx [cocu], Du Cange, siriaticus. Mais qu'uns hons soit bien vestus et forrés… On ly dira : sires, passez avant, Pour son habit. et c'est ce qui me tue, Deschamps, Poésies mss. f° 261. Jamais sire ne se face subjet Mais ses subgez tiengne en subgecion, Deschamps, ib. f° 127. Item qu'en leurs lettres ou escrits [les échevins de Gand] ne se nommeront plus seigneurs de Gand, ains se nommeront ainsi comme ceux des autres villes se nomment, Monstrelet, t. III, p. 54, dans LACURNE. Seigneurs varletz, quant viendra le roy mon seigneur ? Ma chere dame, disrent les valetz, il viendra tantost, Perceforest, t. II, f° 117. Et pour ce dist le saige verité ; car on ne peult servir à deux seigneurs, que l'ung ne se plaingne, ib. t. I, f° 122. Je vous meneray veoir vostre grant sire [grandpère] et son frere le roy Perceforest, qui vivent à grand peine par leur meshain et vieillesse, ib. f° 141. Sire, dist Lyonnel, qui bon seigneur sert, bon loyer en attent, ib. t. I, f° 106. Le bon seigneur fait la bonne mesgniée, et la bonne mesgniée represente la bonté du seigneur, ib.

XVIe s. Si le mur commun chet, tombe ou est en danger de ruine, les seigneurs dudit mur commun seront tenus le refaire à frais communs, Coust. gén. t. I, p. 882. Quel appetit ne se rebuteroit à veoir trois cents femmes à sa mercy, comme les a le grand seigneur en son serrail ? Montaigne, I, 332. Sire, c'est un tiltre qui se donne à la plus eslevée personne de nostre estat, qui est le roy ; et se donne aussi au vulgaire comme aux marchands, et ne touche point ceulx d'entre deux, Montaigne, I, 387. Il demanda qui estoient ces seigneurs ; on lui respondit qu'ils estoient seigneurs vraiement, que c'estoient les bouchers de la ville, D'Aubigné, Faen. I, 5. Le roy, qui, pour son excellence et prerogative de dignité, est par ses sujets appellé sire, n'a peu empescher que ce mesme tiltre n'ait esté baillé aux simples marchands ; et de là est venu ce gaillard epigramme de Clement Marot, où il appelle deux marchands ses creanciers : sire Michel, sire Bonaventure, Pasquier, Recherches, VIII, p. 669. Tel seigneur, tel chien, Cotgrave Au monde n'a si grand dommage que de seigneur à fol courage, Cotgrave Jamais ne gaigne qui plaide à son seigneur, Cotgrave On ne doit pas bonne terre pour maulvais seigneur laisser, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 99. Gringalet et ses associez… arraisonnent maistre Pierre [un apothicaire] (car le mot de sire ne luy estoit encore convenable pour n'estre que garçon et non marié), Noël Dufail, Cont. d'Eutrap. ch. XXIV.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. sire, cyre, senhdre, senher, senhor ; catal. senyor ; espagn. señor ; portug. senhor ; ital. sire, sere, signore. L'étymologie de ce mot est restée longtemps obscure. Aujourd'hui il est établi que sire est le nominatif, et segnor le régime ; que sire est une atténuation de la forme primitive sendra ou sendre, laquelle représente le latin senior avec l'accent sur se ; et que segnor représente seniorem, avec l'accent sur o. Senior, qui signifie plus vieux, est le comparatif de senex (voy. SÉNILE et SÉNAT) ; l'autorité accordée à l'âge a fait passer le sens de vieillard à celui de seigneur.