« soif », définition dans le dictionnaire Littré

soif

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soif

(soif ; au XVIe siècle, on prononçait soi, PALSGRAVE, p. 24, et, au commencement du XVIIIe siècle, l'f ne se faisait pas plus entendre que dans clef) s. f.
  • 1Sensation du besoin de boire, d'introduire des liquides dans l'estomac. L'incommodité de la soif est incroyable, et inconcevable à qui ne l'a pas éprouvée, Retz, Mém. t. III, liv. IV, p. 465, dans POUGENS. Il [l'homme] sut qu'il n'était plus… Qu'un chétif animal pétri d'un peu de terre, à qui la faim, la soif partout faisaient la guerre, Boileau, Sat. XI. Guérissez-moi ma fièvre seulement, Et pour ma soif ce sera mon affaire, Rousseau J.-B. Épigr. I, 13. Déjà l'ardente soif le sèche, le dévore, Ducis, Abuf. I, 3. Boire sans soif et faire l'amour en tout temps…, Beaumarchais, Mar. de Fig. I. Il n'avait de goût onéreux Qu'une soif un peu vive, Béranger, Roi d'Yvetot.

    Fig. De ce sable étancher la soif démesurée, Boileau, Épît. X.

  • 2 Fig. Désir vif, immodéré. Elle a soif de mon sang, elle a voulu l'épandre, Corneille, Rodog. V, 4. Après m'avoir montré cette soif du baptême, Corneille, Poly. V, 3. Ce fils donc qu'a pressé la soif de la vengeance, Corneille, Nicom. I, 5. Vous avez soif d'être seule ; eh ! mon Dieu, ma chère ! venez dans nos bois, c'est une solitude parfaite, Sévigné, 239. Il [Ch. de Sévigné] volera ici avec une soif non pareille de revoir son cher pays, Sévigné, 3 juill. 1680. Saint Grégoire a raison de dire qu'il [Dieu] a fait que nous ayons soif de lui, et qu'il reçoit comme un bienfait, quand nous lui donnons occasion de nous bien faire, Bossuet, Sermons, Visitat. 2. Perfides, contentez votre soif sanguinaire, Racine, Iphig. V, 4. Tantôt, voyant pour l'or sa soif insatiable, Racine, Athal. I, 1. Né ministre du dieu qu'en ce temple on adore, Peut-être que Mathan le servirait encore, Si l'amour des grandeurs, la soif de commander Avec son joug étroit pouvait s'accommoder, Racine, ib. III, 4. Voilà, monsieur, ce que les hommes de tous les temps et de tous les pays appellent un héros [Charles XII] ; mais c'est le vulgaire de tous les temps et de tous les pays qui donne ce nom à la soif du carnage, Voltaire, Lett. Schouvaloff, 17 juillet 1758. Il [un financier] avait brûlé, toute sa vie, de la soif d'avoir ; le démon de la convoitise l'avait perpétuellement tourmenté, Voltaire, Dict. phil. Avarice. La soif du bonheur ne s'éteint pas dans le cœur de l'homme, Rousseau, Confess. IX. La soif la plus ardente est celle de la richesse, Diderot, Opin. des anc. philos. Sarrasins.
  • 3 Fig. Grand besoin d'argent. J'ai donné ce que j'avais d'argent, à cause du décri ; ainsi ma soif est grande, Sévigné, à Mme de Guitaut, 7 janv. 1693. Ceux qui attendent mon argent ont grand'soif, Sévigné, ib. 3 juin 1693. Toujours une soif et un besoin d'argent… sa main [de Ch. de Sévigné] est un creuset qui fond l'argent, Sévigné, 27 mai 1680.

PROVERBES

Il faut garder une poire pour la soif, il faut réserver quelque chose pour le besoin. Songez… que Bourbilly est à vous ; c'est un petit morceau qu'il était bon de garder pour la soif ; mais vous ne sauriez être plus altérée que vous l'êtes présentement, Sévigné, à Mme de Grignan, 22 janv. 1690.

On ne saurait faire boire un âne s'il n'a soif, qui n'a pas soif, se dit de ceux qui n'ont pas envie de faire une chose, quoique cette chose soit agréable.

La faim a épousé la soif, se dit de deux personnes pauvres qui se marient ensemble.

On dit aussi de deux époux sans bien : c'est la faim et la soif.

Quand l'un a soif, l'autre veut boire, se dit de deux compagnons de bouteille.

HISTORIQUE

XIIe s. Il posad flums [fleuves] en desert e eissemenz d'ewes en seid, Liber psalm p. 165.

XIIIe s. Mais tu vendras [viendras] encor ça jus, à tot le moins qant auras soi, T'en convendra venir par moi. Ren. 339.

XVe s. Quant on s'en va sur la soif, Ce n'est jamais en bon escot, Basselin, XXII.

XVIe s. Il n'a pas soif qui de l'eau ne boit, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Bourg. et saintong. soi ; Berry, soi, soué ; wallon, seu, s. m. ; provenç. set ; espagn. sed ; portug. sede ; ital. sete ; du lat. sitim, t changé en f, comme dans fief de feodum, mœuf de modus, etc.