« soulier », définition dans le dictionnaire Littré

soulier

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

soulier

(sou-lié ; l'r ne se lie jamais ; au pluriel, l's se lie : des sou-lié-z élégants) s. m.
  • 1Chaussure qui couvre le pied et qui s'attache par dessus. Soulier d'homme. Soulier de femme. Soulier pour homme. Soulier pour femme. Gros soulier. Soulier mignon. Souliers de maroquin, de peau de chèvre, de veau, de castor, de vache retournée, de prunelle, de satin, de taffetas. Mettre ses souliers en pantoufles. S'il arrivait que l'un cédât son droit à l'autre, afin que la cession fût valide, celui qui se démettait de son droit, ôtait son soulier et le donnait à son parent, Sacy, Bible, Ruth, IV, 7. Le Seigneur parla à Isaïe fils d'Amos, et lui dit : allez, ôtez le sac de dessus vos reins et les souliers de vos pieds ; Isaïe le fit, et il alla nu et sans souliers, Sacy, Isaie, XX, 1. Légère et court vêtue, elle allait à grands pas, Ayant mis ce jour-là, pour être plus agile, Cotillon simple et souliers plats, La Fontaine, Fabl VII, 10. Vous m'avez aussi fait faire des souliers qui me blessent furieusement, Molière, Bourg. gent. II, 8. De ces souliers mignons de rubans revêtus Qui vous font ressembler à des pigeons pattus, Molière, Éc. des maris, I, 1. Mlle de Méry vous envoie les plus jolis souliers du monde ; il y en a une paire qui me paraît si mignonne, que je la crois propre à garder le lit, Sévigné, 344. Décrirai-je ses bas en trente endroits percés, Ses souliers grimaçants vingt fois rapetassés ? Boileau, Sat x. Elle avait de fort petits pieds et des souliers encore plus petits que ses pieds, en sorte qu'elle n'était ni faite ni chaussée de manière à soutenir une longue marche, Voltaire, Crocheteur borgne. Il a fallu le grand anatomiste Camper pour instruire sur la meilleure manière de faire les souliers, Sennebier, Ess. art d'observ. t. III, p. 216, dans POUGENS. On ne voit point de souliers dans ces demeures [faubourg St-Marcel] ; on n'entend le long des escaliers que le bruit des sabots, Mercier, Tabl. de Par. 86.

    Soulier en chausson, soulier avec une simple semelle.

    Fig. C'est là que le soulier me blesse, c'est la chose qui me nuit, me gêne, me fâche. Et c'est là de par Dieu Où le soulier les blesse, Régnier, Sat. XI.

    Fig. Mettre son pied dans tous les souliers, se fourrer partout, se mêler de tout. Saumery se mit à voir des femmes importantes, et à mettre, comme il fit dire de lui, son pied dans tous les souliers, Saint-Simon, 230, 80.

    Ne pas mettre deux pieds dans un soulier, faire toute diligence.

    Il n'a pas de souliers, il n'a pas de souliers à mettre à ses pieds, se dit, avec un certain mépris ou reproche, de celui qui est fort pauvre. Un gueux qui, quand il vint, n'avait pas de souliers, Molière, Tart. I, 1. Ce sera quelque parente de ce Germeuil qui n'aura pas de souliers à mettre à ses pieds, Diderot, Père de famille, v, 10.

    Familièrement. Je m'en soucie non plus que de mes vieux souliers, se dit pour exprimer qu'on ne se soucie aucunement d'une personne ou d'une chose.

    On dit d'une façon encore plus méprisante : Je n'en fais pas plus de cas que de la boue de mes souliers.

    Être dans ses petits souliers, être dans une situation critique, embarrassante. Ainsi pressé de questions, j'étais dans mes petits souliers.

    Ils n'ont qu'à mettre leurs souliers en pantoufles, se dit de ceux qui voudraient se déguiser.

    Fig. Il n'est pas digne de dénouer les cordons des souliers d'un tel, il lui est fort inférieur ; locution tirée de l'Évangile, où saint Jean-Baptiste dit cela de lui-même par rapport à Jésus. Il en vient un autre après moi, qui est plus puissant que moi ; et je ne suis pas digne de dénouer les cordons de ses souliers, en me prosternant, Sacy, Bible, Év. St Marc, I, 7.

    Mourir dans ses souliers, le contraire de mourir dans son lit.

    Mettre ses souliers en savate, voy. SAVATE.

  • 2Dans le moyen âge, souliers à pointes, souliers camus, sortes de souliers. Aux souliers à pointes, dits à poulaine, succédèrent très rapidement, ainsi que la mode procède dans ses excès, les souliers camus, De Laborde, Émaux, p. 502.
  • 3Soulier de cuir, espèce de sabot qu'on met quelquefois aux pieds des chevaux à l'écurie.
  • 4Soulier de Notre Dame, genre d'orchidées, cypripedium calceolus, L.

    PROVERBE

    Tel pied, tel soulier.

HISTORIQUE

XIIe s. Vedves e orphenins e povres guverna ; Dras, viandes, sollers e deniers lur dona, E trop poi en venoient à lui, ço lui sembla, Th. le mart. 126. Sotularis vel sotular, solers, chaucements, Gloss. lat. gall. Sangerm. dans DU CANGE.

XIIIe s. Il vous dira que il en velt [du cuir] ses sollers afaitier, quant il seront percié, Merlin, f° 35, verso. [Un homme qui fait hommage] En va le roy baiser la jambe et le souller, Berte, CXXXIX. Vous n'aurés jà plus d'une archie La sente batue et marchie, Sans point user vostre soler, Que vous verrés les murs croler, la Rose, 7945. Chauciés refu [Déduit] par grant mestrise D'uns solers decopés à las, ib. 831.

XVe s. Ceux de Mortaigne n'avoient de quoi vivre, ni chausses ni souliers au pied, Froissart, II, II, 30. Ilz portent petitz soulers gras, à une poulaine embourrée, Orléans, Rond. Et si avoit unes chausses noires, et uns solers de veloux d'azur semés de fleurs de lys d'or, Monstrelet, I, 277. Souliers camuz, boufiz comme ung crapault, De Laborde, Émaux, p. 502.

XVIe s. J'accommode le soulier à nostre pied, c'est à dire la despense à nostre pauvreté, Lanoue, 276. Je confesse que des ripailleux trouveront ce soulier trop petit pour leur pied, Lanoue, 279. Des souliers à cricq ou à pont levedis, D'Aubigné, Faen. I, 2. 5000 paires de souliers communs, 11000 paires de souliers cordez, D'Aubigné, Hist. III, 87. Soulier rompu ou sain vaut mieux au pied qu'en main, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 417. Beau soulier devient laide savate, Leroux de Lincy, ib. p. 181. Cela c'est proprement tailler et coudre un soulier, pour qu'un aultre le chausse, Montaigne, III, 300.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. soulay ; picard, seulet, solé, soulé. Diez l'assimile au provenç. solier. ital. solajo, qui signifient plancher, et le tire de solum, base, seuil, support. Mais la forme primitive n'est pas soulier ; elle est soller, et se rattache au bas-latin, sotulares, subtalares, qui signifiait une sorte de souliers ; à son tour, sotulares dérive du latin subtelaris, qui appartient au creux du pied, de subtel, le creux du pied.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

SOULIER.
1Ajoutez :

Fig. Marcher dans les souliers de quelqu'un, l'imiter servilement. Les premiers qui osèrent partir le sac sur le dos, leur parasol à la main, pour aller passer des mois entiers — non pas à Rome à marcher dans les souliers de David — mais dans le fond d'un village à faire des études, furent un peu regardés comme des fous et des paresseux par les peintres d'alors, Hist. de l'art en France, I, 241.