« soumettre », définition dans le dictionnaire Littré
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soumettre
Il se conjugue comme mettre.
- 1Mettre sous la puissance, sous l'autorité ; mettre dans un état de dépendance.
Ta main qui nous soumet sous le pouvoir suprême De ceux que la naissance orne du diadème
, Racan, Ode à la reine.Je suis le Seigneur… et maintenant j'ai voulu soumettre ces terres à Nabuchodonosor, roi de Babylone, mon serviteur
, Bossuet, Reine d'Anglet.Les guerres continuent, et les Romains soumettent après cinq cents ans les Gaulois cisalpins leurs principaux ennemis, et toute l'Italie
, Bossuet, Hist. III, 7.La fortune, qui voulait leur faire éprouver toute sa rigueur, soumit don Fadrique au corsaire de Tunis et don Juan à celui d'Alger
, Lesage, Diable boit. 15.Il ne faut pas croire que ce fut par modération qu'Attila laissa subsister les Romains ; il suivait les mœurs de sa nation, qui le portaient à soumettre les peuples, et non pas à les conquérir
, Montesquieu, Rom. 19.Cortez soumet le puissant empire du Mexique
, Voltaire, Mœurs, 118.Se soumettre quelque chose ou quelqu'un, le soumettre à soi.
Soumettez-vous les lieux que dore le Pactole
, Rotrou, Antig. II, 4. - 2Il se dit des femelles mises sous le mâle.
Pourquoi donc le cerf et le chevreuil d'Angleterre usent-ils de violence pour se soumettre leurs femelles ?
Bonnet, Consid. corps organ. Œuvr. t. VI, p. 394, dans POUGENS. - 3 Fig. Faire obéir, en parlant de choses abstraites.
Il [le livre de l'Écriture] veut obliger les hommes à soumettre leur esprit à Dieu
, Bossuet, Hist. II, 13.Jules, qui le premier la soumit [la liberté] à ses armes, Qui fit taire les lois dans le bruit des alarmes…
, Racine, Bérén. II, 2.Soit qu'à tant de bienfaits ma mémoire fidèle Lui soumette [à Agrippine] en secret tout ce que je tiens d'elle
, Racine, Brit. II, 2.Le christianisme nous donne l'habitude de soumettre cet orgueil ; le monde nous donne l'habitude de le cacher
, Montesquieu, Déf. Espr. lois, part. 3.Pour vous soumettre la fortune et les choses, commencez par vous en rendre indépendant
, Rousseau, Ém. III.Ils ont beau me crier : soumets ta raison, autant m'en peut dire celui qui me trompe ; il me faut des raisons pour soumettre ma raison
, Rousseau, ib. IV. - 4Soumettre à, suivi d'un infinitif, dans le sens de contraindre à.
Il est question de soumettre les professeurs [de l'université de Paris] à profiter des bons livres écrits sur cette matière
, Bachaumont, Mém. secr. 27 déc. 1762. - 5 Fig. Il se dit de l'acte de déférence à la décision de quelqu'un. Soumettre une chose au jugement, à la censure, à la critique de quelqu'un.
Je soumets tout ce que j'ai fait et ferai à l'avenir à la censure des puissances tant ecclésiastiques que séculières, sous lesquelles Dieu me fait vivre
, Corneille, Attila, Préf.Si on soumet tout à la raison, notre religion n'aura rien de mystérieux et de surnaturel ; si on choque les principes de la raison, notre religion sera absurde et ridicule
, Pascal, Pens. XIII, 3, éd. HAVET.Soumettre ses idées à celles d'un autre, les subordonner à celles d'un autre.
Je sais combien je dois soumettre mes vues aux vôtres
, Maintenon, Lett. au card. de Noailles, 7 août 1698.On dit dans le même sens : soumettre ses lumières, ses opinions, ses sentiments à ceux d'autrui.
Soumettre une chose à quelqu'un, à l'attention, à l'examen de quelqu'un, appeler l'attention de quelqu'un sur une chose, la lui faire examiner. Permettez-moi de vous soumettre une observation.
Je pourrai bien me repentir de mon œuvre [Tancrède] comme Dieu ; mais je ne me repentirai pas de l'avoir soumise à vos lumières et à vos bontés
, Voltaire, Lett. Chauvelin, 6 déc. 1761.J'ai voulu vous soumettre un doute qui m'arrête
, Delavigne, Vêpres sicil. IV, 4. - 6 Fig. Il se dit des moyens logiques qu'on emploie pour juger quelque chose. Soumettre une question à l'examen.
Soumettre une chose au calcul, la déterminer à l'aide du calcul.
Soumettre une chose à l'analyse, l'analyser, la décomposer, pour connaître de quels éléments elle est formée.
- 7Faire subir une opération, pour analyser, disséquer.
Nous avons nourri l'un de ces animaux pendant quelques mois pour l'observer, et ensuite on l'a soumis à la dissection…
, Buffon, Quadrup. t. VI.Quand on soumet le peroxyde à l'action de la pile, comme on y soumet l'eau
, Thenard, Instit. Mém. acad. scienc. t. III, p. 411. - 8Se soumettre, v. réfl. Se ranger sous l'autorité. Se soumettre à la raison.
La raison ne se soumettrait jamais, si elle ne jugeait qu'il y a des occasions où elle se doit soumettre ; il est donc juste qu'elle se soumette, quand elle juge qu'elle se doit soumettre
, Pascal, Pens. XIII, 4.La reine se soumit plus que jamais à cette main souveraine qui tient du haut des cieux les rênes de tous les empires
, Bossuet, Reine d'Anglet.Dieu même a mis en nous quelque chose qui peut se soumettre à sa souveraine puissance
, Bossuet, Duch. d'Orl.Il faut se soumettre à l'autorité de l'Église, parce qu'elle ne peut jamais se tromper ; mais il ne faut pas se soumettre aveuglément à l'autorité des hommes, parce qu'ils peuvent toujours se tromper
, Malebranche, Rech. vér. IV, 3.M. de Voltaire, à mesure qu'il avance l'ouvrage [Commentaire sur Corneille], en envoie les cahiers à l'Académie française ; il se soumet au jugement de cette compagnie, qui trouve jusqu'à présent plus à admirer qu'à critiquer
, Bachaumont, Mém. secr. 8 mai 1762.Se soumettre aux ordres, à la volonté de quelqu'un, y conformer ses actions, ses sentiments.
Absolument. Se soumettre, reconnaître l'autorité, accepter la dépendance.
Bérenger se soumit ; et le premier qui fit une secte de l'hérésie des sacramentaires fut aussi le premier qui la condamna
, Bossuet, Variat. XV, 129.Demandez à ceux qui ont dans le cœur quelque passion violente, s'ils conservent quelque fierté en présence de ce qu'ils aiment ; on ne se soumet que trop, on n'est que trop humble
, Bossuet, la Vallière.Tu as eu longtemps l'avantage de croire qu'un cœur comme le mien s'était soumis
, Montesquieu, Lett. pers. 161.Aimons la vérité qui gêne ; adorons-la, et soumettons-nous
, Condillac, Hist. anc. X.Vous n'avez payé ma tendresse d'aucun retour, vous vous êtes soumise, et ne vous êtes jamais donnée
, Riccoboni, Œuvr. t. III, p. 207, dans POUGENS.Se soumettre à une chose, à souffrir une chose, consentir à la subir. Je me soumets à payer ce que l'on voudra, si cela est.
Valens : L'impérieuse humeur ! vois comme elle me brave, Comme son fier orgueil m'ose traiter d'esclave ! - Paulin : Seigneur, j'en suis confus, et vous le méritez ; Au lieu d'y résister, vous vous y soumettez
, Corneille, Théod. II, 7.La princesse Anne renonça à tous les jeux même les plus innocents, se soumettant aux sévères lois de la pénitence chrétienne
, Bossuet, Anne de Gonz.Se soumettre à un jugement, l'accepter, en reconnaître la validité.
SYNONYME
SOUMETTRE, SUBJUGUER. Il y a dans subjuguer le mot joug qui donne à subjuguer une idée plus dure qu'à soumettre.
HISTORIQUE
XIIe s. E en lui medesme esperai, chi suzmet mun pople suz mei
, Liber psalm. p. 222. Tutes choses tu suzmisis suz ses piez
, ib. p. 8. Jà puisqu'il [le clerc] est sacrez, n'est à vos leis suzmis
, Th. le mart. 33.
XIIIe s. Li autre, par lor orgoil, sozmetoient les plus foibles au joug de servage
, Latini, Trésor, p. 575. Soies souzmis à nostre Seigneur en simplece
, Psautier, f° 44.
XVe s. Le jeune duc de Savoye mourut en celui an assez merveilleusement ; dont depuis il fut grand question, et en vouloit on sousmettre [accuser] messire Othe de Grantson
, Froissart, IV, p. 45, dans LACURNE. Afin que les Liegeois dessus dits et leur evesque se voulsissent soumettre du discord qu'ils avoient l'un contre l'autre sur le roi et sur son grand conseil
, Monstrelet, II, 50.
XVIe s. Je soubmets ces questions au jugement de ceux à qui…
, Montaigne, I, 394.
ÉTYMOLOGIE
Provenç. sobmetre, sotzmetre ; catal. sometrer ; espagn. someter ; portug. sometter ; ital. sottomettere ; du lat. submittere, de sub, sous, et mittere, mettre.