« touche », définition dans le dictionnaire Littré

touche

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

touche

(tou-ch') s. f.
  • 1Action de toucher.

    Populairement. Coups qu'on donne. Ils s'écoulent tous et craignent la touche, Perrot D'Ablancourt, Lucien, dans LEROUX, Dict. comique.

    Au jeu de billard, se dit de l'action d'atteindre la bille sur laquelle on joue. Manque de touche.

    Fig. Perte, disgrâce, mortification (sens familier qui vieillit). On l'a obligé à restituer une grosse somme ; c'est une rude touche. Voilà pour votre adresse une assez rude touche, Corneille, Ment. v, 3.

  • 2Action de toucher l'or, l'argent, de les éprouver par la pierre de touche. On connut à la touche que cette pièce était fausse.

    Pierre de touche, espèce de pierre basaltique, noire, très dure, sur laquelle on frotte les petits bijoux en or ou en argent, pour en reconnaître le titre ; on traite la trace laissée sur sa surface au moyen de l'acide azotique ; la couleur qu'elle prend indique approximativement le titre de l'alliage. Quant à son mors, il doit être à vingt-trois carats ; car il [le cheval] en a frotté les bossettes contre une pierre que j'ai reconnue être une pierre de touche, et dont j'ai fait l'essai, Voltaire, Zadig, 3. C'est sur la propriété qu'a la cornéenne lydienne de recevoir la trace de certains métaux, qu'est fondé l'usage que l'on fait de cette pierre pour juger, par aperçu, du titre de l'or ; on la nomme vulgairement pierre de touche ; elle porte aussi le nom de lydienne, parce que c'est celui que les anciens donnaient à la pierre de touche, Brongniart, Traité de min. t. I, p. 552.

    Fig. Pierre de touche, tout ce qui sert d'épreuve. Mettant leur jugement sur la pierre de touche, Régnier, Sat. X. L'impromptu est justement la pierre de touche de l'esprit, Molière, Préc. 10. Vous me confirmez dans la bonne opinion que j'en ai [du jeune Grignan], en me disant qu'il vous aime toujours et qu'il vous écrit ; ce sont des pierres de touche que ces endroits-là, Sévigné, à du Plessis [gouverneur du jeune Grignan], 26 juin 1689. L'occasion est, pour ainsi parler, la pierre de touche ; c'est elle qui découvre l'âme, et qui en révèle tout le secret, Bourdaloue, Instruct. charité, Exhort. t. II, p. 374. Ces détails précis, exacts et profonds qui sont la pierre de touche de la vérité d'un système, et que quelques auteurs affectent d'en appeler l'appareil, D'Alembert, Œuv. t. XIV, p. 79.

  • 3 Terme d'imprimerie. Action, manière d'appliquer l'encre sur les formes avec les balles ou le rouleau.
  • 4Troupeau de bœufs gras qu'on amène au marché : dénomination tirée de ce qu'on dit toucher les bœufs pour les conduire.
  • 5Chacune des pièces d'ébène, d'ivoire, etc. qui composent le clavier d'un orgue, d'un piano. Touches blanches. Touches noires. Un clavecin bien accordé ne fournit que des touches qui expriment la juste valeur de chaque son, Fénelon, t. XXI, p. 147.
  • 6Chacun des petits filets saillants du manche de la guitare et de quelques autres instruments à cordes. Il faut mettre des touches au manche de cette guitare.
  • 7Dans le violon, la touche, la partie sur laquelle les doigts font toucher les cordes.
  • 8Par comparaison avec le jeu des instruments à clavier, touche se dit des sons considérés quant à l'organe qui contribue le plus à les former : b, p, v, f, m, appartiennent à la touche labiale, tandis que d, t, sont de la touche dentale.
  • 9Petit crochet d'os ou d'ivoire pour jouer aux jonchets. Lever des jonchets avec la touche.
  • 10Petit brin de bois ou de quelque autre chose dont les enfants qui apprennent à lire touchent les lettres qu'ils veulent épeler.
  • 11 Terme de peinture. Manière dont un peintre indique et fait sentir le caractère des objets. La touche noble et sûre De Raphaël et du Poussin, Voltaire, Ép. 29. Sous ses yeux [de Lesueur] des amours badins Ranimaient ces touches savantes, Voltaire, Temple du Goût. Ici le coloris du peintre et sa touche sont beaucoup plus fermes, Diderot, Salon de 1765, Œuv. t. XIII, p. 256, dans POUGENS. J'ai cru quelquefois reconnaître la touche mystique et le ton inspiré de Murillo, Chateaubriand, Itin. part. 3.
  • 12 Terme de sculpture. La façon nécessaire à chaque œuvre. Telle touche convient à tel éloignement du regard, et ne convient pas à tel autre.
  • 13 Par analogie, en littérature, manière dont l'écrivain fait sentir le caractère de la pensée. Il [Fléchier] a peint d'une touche trop faible la noble et dangereuse fonction d'élever l'héritier d'un grand royaume, D'Alembert, Éloges, Fléchier. C'est à la vérité de l'expression, à la force des touches, au choix des situations et des oppositions que le critique doit s'attacher, Marmontel, Œuv. t. VI, p. 256. J'ai heureusement donné quelques touches imperceptibles à ma lettre à Renouard, Courier, Lett. II, 177.
  • 14 Fig. Action de toucher, d'émouvoir. Ces impatiences d'un Dieu qui te cherche [âme pécheresse], ces touches pressantes d'un Dieu qui te trouve, Bossuet, Serm. Ferv. de la pénit. I. Dans les premières touches de l'esprit [de Dieu], on ne sait d'où il vient, ni où il va ; il vous inspire de nouveaux désirs inconnus aux sens, Bossuet, Médit. sur l'Évang. 91e jour. Il restait ce secret regard d'une Providence miséricordieuse qui la voulait rappeler des extrémités de la terre ; et voici quelle fut la première touche, Bossuet, Anne de Gonz.

HISTORIQUE

XIIIe s. Nus [nul] orfevre ne puet ouvrer d'or à Paris, qu'il ne soit à la touche de Paris ou mieudre [meilleure], laquele touche passe tous les ors de quoi on oevre en nule terre, Liv. des mét. 38.

XIVe s. Un petit je fu paoureus Par force de mal amoureus ; Non pourquant à sa douce bouche Fis lors une amoureuse touche, Machaut, p. 47. Deux trompeeurs [joueurs de trompettes]… qui par touches Metent tantost trompes à bouches, Guiart, t. II, p. 313, v. 8119 [17101]. Esperons ou touches pour menei et conduire le cheval, Du Cange, touchia.

XVIe s. La touche et regle de toutes imaginations solides, c'est la conformité à la doctrine d'Aristote, Montaigne, I, 161. Ils n'en donnent jamais une touche qu'ils n'en reçoivent deux [ceux qui prétendentargu menter du succès des entreprises en faveur de leur cause], Montaigne, I, 249. Ce n'est pas comme à l'escrime, où le nombre des touches donne gain, Montaigne, I, 351. Il y a en nous de quoy chercher le vray, mais non pas de quoy l'arrester à la touche, Montaigne, II, 235. Mais d'ouïr une vive touche et une reprehension qui, pour reformer les mœurs, use de parole poignante, sans en estre resserré, Amyot, Comm. il faut ouïr, 24. Auxquelles passions la raison et la loy, venant à toucher avec une touche discrette et salutaire, remet promptement et efficacement le jeune homme en la droite voye, Amyot, De la vertu morale, 29. L'uvule [luette] est comme une touche ou archet qui touche les cordes d'une viole pour la faire resonner, Paré, VI, 7. Proverbe lequel j'ay vu estre fort commun à Paris : il est du bas or, il craint la touche, H. Estienne, Apol. d'Hérod. p. 212, dans LACURNE. Et pensent que ce que l'on croit en leur village est la vraye touche de verité, Charron, Sagesse, I, 45.

ÉTYMOLOGIE

Voy. TOUCHER ; provenç. tocha.