« trouble.2 », définition dans le dictionnaire Littré

trouble

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

trouble [2]

(trou-bl') adj.
  • 1En parlant des liquides, qui n'est pas clair. Depuis le fleuve d'eau trouble qui arrose l'Égypte, jusqu'aux confins d'Accaron, Sacy, Bible, Josué, XIII, 3. L'Orbe, qui jusqu'alors avait toujours été parfaitement claire, parut trouble à sa source, Saussure, Voy. Alpes, t. II, p. 41, dans POUGENS. Dans ces riches campagnes Où du Rhône indompté l'Arve trouble et fangeux Vient grossir et souiller le cristal orageux, Chénier, Élég. III.

    Fig. Tout ce qui est trouble présentement, s'éclaircira, Sévigné, 17 juill. 1680. Je demande… si le sentiment trouble et mal décidé qui résulte de cet alliage des ris avec les pleurs, est préférable au plaisir seul de pleurer, ou même au plaisir seul de rire ? D'Alembert, Œuv. t. v, p. 344. De quel nom te nommer, heure trouble où nous sommes ? Hugo, Crépusc. Prélude.

    Fig. Pêcher en eau trouble, profiter du désordre des affaires d'un autre ou des affaires publiques pour s'enrichir. Et si vous ne savez bien pêcher en eau trouble, Je ne donnerais pas de votre affaire un double, Scarron, Jodelet ou le maît. val. III, 2. [Alberoni fit] des efforts prodigieux pour se maintenir dans les moyens de s'enrichir et de pêcher en eau trouble dans les marchés, les fournitures…, Saint-Simon, 505, 136.

    PROVERBE

    Le vin trouble ne casse pas les dents.
  • 2 Par extension, il se dit des corps dont la transparence est altérée. L'air est trouble. Le temps est trouble. Ce verre est trouble. Mes lunettes sont troubles. D'où vient qu'elle a l'œil trouble et le teint si terni ? Boileau, Sat. x.

    Fig. Dieu disparut lui-même à leurs troubles regards, Boileau, Sat. XI.

    Avoir la vue trouble, voir trouble, ne voir pas nettement, distinctement, par quelque vice dans l'organe de la vue. Madame, je ne sais si j'ai le regard trouble, Si c'est quelque vapeur, mais enfin je vois double, Regnard, Ménechmes, v, 6. En rentrant au logis, sa vue était si trouble, Que sa femme lui parut double, Panard, Œuv. t. III, p. 240. Il y a des yeux tellement accoutumés aux ténèbres, qu'ils voient trouble au grand jour, Diderot, Claude et Nér. II, 1.

    Fig. Je vois si trouble dans la destinée de votre frère, que je n'en puis parler, Sévigné, 21 juin 1680. Je vois trouble à cette cour [de Monsieur], Sévigné, 8 juill. 1676. Je donne des coups de pinceau à mesure que je vois des taches ; mais aidez-moi à les remarquer, car la multiplicité de mes occupations et le maudit amour-propre font voir bien trouble, Voltaire, Lett. Thiriot, 13 nov. 1738.

  • 3 Fig. Il se dit de ce qui est louche, de ce qui ne s'explique pas nettement. Le public n'est pas content : on dit que tout cela est trouble, Sévigné, 297. Enfin elle est à Paris : rien n'est vrai que cela, le reste est trouble, et chacun dit ce qu'il veut, Sévigné, 396.
  • 4 S. m. pl. Matières terreuses qui sont tenues en suspension dans les eaux courantes, et qui en altèrent la transparence. Le fond du lit des fleuves qui charrient des troubles, Girard, Instit. Mém scienc. 1817, t. II, p. 265.

HISTORIQUE

XIIe s. En l'eve troble vout [il voulut] pescher, Benoit de Sainte-Maure, V. 31964. De Deu ai je oï novele. Tot en ai truble la cervele, Adam, mystère, p. 62. Mais l'une [sauce] est douce, l'aultre amere, Li une est torble, l'autre clere, Chrestien de Troyes, dans HOLLAND, p. 265. Il esgardoit le vin, si truble le veeit, Que beïr ne l'osout, ne perdre nel voleit, Th. le mart. 105.

XIIIe s. Sains Bernars dit : mieus vaut troble or que reluisant coivre [cuivre], Latini, Trésor, p. 339. Qui autrui veut metre en guerre par paroles, il ne les doit pas dire tourbles ne couvertes, mais si cleres et si apertes…, Beaumanoir, LIX, 9. Le flum [le Nil] est touzjours trouble, Joinville, 220.

XVe s. … Au cas que ses besognes fussent claires ; mais à present tous ceux qui le connoissent… savent bien qu'elles sont troubles, Froissart, II, III, 91. Comment se repent-il [l'homme mûr] et repute avoir esté fol… or voit il cler es choses troubles, Christine de Pisan, Charles V, I, 13. Morne et pensif, trop plus que je souloye, J'y voy trouble…, Orléans, Rondel de Jehan Caillau. Et se mirent en bataille à venir vers le dict Puiset, et faisoit encore si trouble que à peine congnoissoit-on l'un l'autre, Juvénal Des Ursins, Charles VI, 1411.

XVIe s. Cette mer vaste, trouble et ondoyante des opinions humaines, Montaigne, II, 256. L'œil de notre entendement voit si trouble que…, Calvin, Instit. 273.

ÉTYMOLOGIE

Adjectif formé de trouble 1 ; provenç. troble, treble.