« vengeance », définition dans le dictionnaire Littré

vengeance

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

vengeance

(van-jan-s') s. f.
  • 1Peine causée à un offenseur pour la satisfaction personnelle de l'offensé. La vengeance éloignée est à demi perdue ; Et, quand il faut l'attendre, elle est trop cher vendue, Corneille, Pomp. IV, 4. La vengeance procède toujours de la faiblesse de l'âme, qui n'est pas capable de supporter les injures, La Rochefoucauld, Maximes, au mot vengeance. Au jour de la vengeance je visiterai et punirai ce péché qu'ils ont commis, Sacy, Bible, Exode, XXXII, 34. Le ciel, qui semblait suspendre en faveur de la piété de la reine la vengeance qu'il méditait, commença à se déclarer, Bossuet, Reine d'Anglet. Que sera-ce, quand, en contentant nos impudiques désirs, en assouvissant nos vengeances et nos secrètes jalousies…, Bossuet, Mar.-Thér. L'ambition déréglée, la douceur cruelle de la vengeance, l'amour désordonné du plaisir, Bossuet, Sermons, Vêture, Mlle de Bouillon, 2. On aime la vengeance, qui est criminelle ; mais on l'aime parce qu'on croit que l'honneur y est engagé, et non pas parce qu'elle est criminelle, Bourdaloue, Pénitence, 2e avent, p. 466. J'ai lu dans ses regards [de Mithridate] sa prochaine vengeance, Racine, Mithr. IV, 2. Je suis Espagnol, rien ne me semble si doux que la vengeance, Lesage, Diable boit. 6. J'avoue que, depuis que je suis vengé, je ne me trouve pas plus heureux ; et je sens bien que l'espoir de la vengeance flatte plus que la vengeance même, Montesquieu, Arsac. et Ismén. Avec votre égal la vengeance est douteuse ; avec votre supérieur, c'est une folie ; avec votre inférieur, c'est une lâcheté, Diderot, Claude et Nér. II, 48. Seul bien des malheureux, l'espoir de la vengeance, La Harpe, Warwick, I, 1. La Vengeance est boiteuse, elle vient à pas lents, Mais elle vient, Hugo, Hernani, II, 3.

    Demi-vengeance, vengeance incomplète. Je n'aime ni les demi-vengeances, ni les demi-fripons, Voltaire, Variantes de l'Écossaise.

    La vengeance de quelqu'un, l'action de le venger. Ma Chimène… Ma main seule du mien [père] a su venger l'offense, Ta main seule du tien doit prendre la vengeance, Corneille, Cid, III, 4. Je mourrai content, quand nous aurons joint la vengeance des Sirven à celle des Calas, Voltaire, Lett. Damilaville, 14 janv. 1767.

    Tirer vengeance, prendre vengeance, se venger. Dans une telle offense J'ai pu douter encor si j'en prendrais vengeance, Corneille, Cid, III, 4. Dieu… tira une vengeance éclatante d'Aman leur ennemi [des Juifs], Bossuet, Hist. II, 5.

    On dit dans le même sens : faire une vengeance de. Et je prétends faire de lui une vengeance exemplaire, Molière, Scapin, III, 7.

    Vengeance ! se dit par exclamation et signifie : vengeons-nous !

    Crier, demander vengeance, mériter d'être vengé. Le sang d'Abel demande vengeance, et le sang de notre Sauveur fait descendre la miséricorde, Bossuet, Panég. St Paul, 2. Tant de sang mêlé à celui des prophètes qu'ils ont massacrés, crie vengeance devant Dieu, Bossuet, Hist. II, 8.

    En un sens contraire, crier vengeance, mériter d'être puni. Il est vrai que cela crie vengeance contre l'École des femmes, Molière, Critique, 5. N'est-ce pas une chose qui crie vengeance que de voir l'inhumanité avec laquelle ces pauvres femmes… ? Gherardi, Théât. ital. t. II, p. 112.

  • 2Désir de se venger. Il a toujours la vengeance dans le cœur. Elle lui pardonna son crime… tant elle était au-dessus de la vengeance aussi bien que de la crainte, Bossuet, Reine d'Anglet.
  • 3Punition d'un acte coupable. Où en sont donc les impies, et quelle assurance ont-ils contre la vengeance éternelle dont on les menace ? Bossuet, Anne de Gonz.

REMARQUE

Vengeance a une signification active et passive. Dans cette phrase de J. J. Rousseau, vengeance a le sens actif et signifie la vengeance exercée par : Pour éteindre en moi tout désir de vengeance, il m'eût suffi de pouvoir me venger, Promen. 6. Mais dans cette phrase de Bossuet, vengeance a le sens passif et signifie la vengeance subie par : Les Amorrhéens dont Dieu commit la vengeance aux Israélites, Hist. II, 3.

HISTORIQUE

XIe s. Mult grant venjance en prendrat l'emperere, Ch. de Rol. CXI. Quant l'empereres ad faite sa venjance, ib. CCXCI.

XIIe s. Membre tei [souviens-toi], sire, de Deu nostre Seignur, que li parent ne facent venjance e qu'il ne ocient mun fiz, Rois, p. 169. Ami, lai [laisse] la venjance et je te vengerai, Saint Bernard, p. 522.

XIIIe s. Car quant Dex fist de vous election [roi] Et seigneur de sa venjance, Bien deüssiez monstrer vostre puissance, Quesnes, Romancero, p. 100. Tous jors est venjance mauvese, la Rose, 7038. Qu'il sacent que le [la] vengance doit estre prise de cascun meffet, Beaumanoir, XXX, 1.

XIVe s. La venjance est droiturierement faite, se celui qui a mal fait souffre et reçoit telz malz come il a fait, Oresme, Éth. 150. Il n'est nulle si grant vengence que de vieil home, Ménagier, I, 6.

XVe s. Dont la vengence à Dieu crie, Vigiles de Charles VII, t. II, p. 179.

XVIe s. Ce n'estoit point par appetit de vengeance qu'il le faisoit, Amyot, Artax. 7. Ilz eurent ainsi le moyen de veoir la vengeance [punition] de Tisaphernes qui estoit un mauvais homme, Amyot, Agés. 16. La vengeance divine, qui ne laisse ny les faicts ny les dicts insolents des hommes impunis, Amyot, Philop. 31. Qu'il [un roi] les face [vos fils] les ministres de ses convoitises, les executeurs de ses vengeances, La Boétie, Servit. vol. La vengeance, au teint noir, palissant, Qui croist et qui devient plus forte en vieillissant, D'Aubigné, Tragiques, édit. LALANNE, p. 136.

ÉTYMOLOGIE

Vengeant. Wallon, veingeanss ; provenç. venjansa ; espagn. venganza ; ital. vengianza. L'ancienne langue disait aussi vengison, vengement.