« appétit », définition dans le dictionnaire Littré

appétit

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

appétit

(a-pé-ti ; le t ne se lie pas ; au pluriel, l's se lie : des appétits insatiables, dites des a-péti-z insatiables ; il faut se garder de la mauvaise prononciation a-pti) s. m.
  • 1Désir d'un objet en vue de la satisfaction des sens. J'ai tâché de mortifier mes appétits sensuels, Bossuet, Bourg. 2. Les appétits, qui consistent à remplir les organes corporels, se finissent, à cause que les organes sont bornés, Bossuet, Pensées détachées, 30. Qui pour dieu ni pour loi n'ont que leurs appétits, Régnier, Sat. XI. La voix du devoir succédant à l'impulsion physique, et le droit à l'appétit, Rousseau, Contr. I, 8.
  • 2Dans le langage de la philosophie, principe d'action qui a pour origine un besoin du corps, et qui par conséquent est non continu, mais intermittent.

    Appétit concupiscible, faculté par laquelle l'âme se porte vers ce qu'elle croit un bien.

    Appétit irascible, faculté par laquelle l'âme s'éloigne de ce qu'elle croit un mal.

  • 3Goût, inclination. Or, sans me tourmenter de divers appétits, Régnier, Sat. v. Paul et elle s'amusaient avec transport de leurs jeux, de leurs appétits et de leurs amours, Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virg.
  • 4Passion, vif désir. Notre esprit dont l'appétit est de savoir. Mais quoi ! rien ne remplit Les vastes appétits d'un faiseur de conquêtes, La Fontaine, Fab. VIII, 27. Et soûlent du butin son avare appétit, Mairet, Sophon. II, 4. Ni rancune, ni appétit de vengeance, Perrot D'Ablancourt, Tac. 387. Ayez appétit de ce pain céleste, Bossuet, Par. de Dieu.
  • 5Désir amoureux. Fille pleine de suc et donnant appétit, La Fontaine, Serv.
  • 6Désir de manger. Donner de l'appétit ; mettre en appétit. On peut à moins gagner de l'appétit, La Fontaine, Or. Je mange avec appétit, Sévigné, 257. On ne laisse pas quelquefois d'avoir bon appétit, Descartes, Pass. 100. Mon appétit s'ouvre, Et mon œil découvre Les portes d'un Louvre En tourte arrondi, Béranger, Cocag. La liberté m'enchante, Mais j'ai grand appétit, Béranger, Vocation.

    Fig. Ou de tout leur pouvoir, de tout leur appétit Dormaient les deux pauvres servantes, La Fontaine, Fab. V, 6.

    Bon appétit, formule dont on se sert en parlant à quelqu'un qui va manger.

    Familièrement. Chercher ses appétits, prendre ses appétits, choisir les mets pour lesquels on a le plus de goût. Cette locution vieillit.

    Fig. C'est un homme de bon appétit, se dit de quelqu'un qui prend places, argent, et à qui tout semble bon. Il n'est bon courtisan s'il n'a bon appétit, Régnier, Sat. XI. Saumery avait plusieurs enfants et de l'appétit, Saint-Simon, 366, 90.

    C'est un cadet de grand appétit, c'est un jeune homme à qui tout est bon.

    Avoir l'appétit ouvert de bon matin, désirer prématurément une chose. Vous avez l'appétit ouvert de bon matin, Corneille, le Ment. I, 1.

    Demeurer sur son appétit, limiter ses désirs, ses prétentions.

  • 7Appétits, nom qu'on donne vulgairement au hareng fumé, à la ciboule, et autres substances qui aiguisent l'appétit.
  • 8À l'appétit de, locut. adverb. Par désir d'avoir. Il a laissé tomber un mur à l'appétit de quelques centaines de francs qu'il fallait dépenser pour le réparer. Pâlir dessus un livre à l'appétit d'un bruit [réputation], Régnier, Sat. IV.

PROVERBES

L'appétit vient en mangeant, c'est-à-dire, plus on a, plus on veut avoir.

Il n'est chère que d'appétit, c'est-à-dire la faim est le meilleur assaisonnement.

SYNONYME

APPÉTIT, FAIM. La faim est essentiellement l'expression d'un besoin, elle ne peut être ni provoquée ni excitée, comme l'appétit. Celui-ci se prononce pour tel aliment de préférence à un autre ; la faim appelle également toute espèce d'aliment pour lequel on n'a pas de répugnance. En mangeant on apaise toujours la faim, tandis qu'on donne quelquefois lieu à l'appétit de se développer.

HISTORIQUE

XIIIe s. Il ara petit appetit de mengier et grant talent de boire, Alebrand, f° 16. Ainsinc, estil, biau filz, par m'ame, De tout homme et de toute fame, Quant à naturel apetit, Dont loi les retrait ung petit, la Rose, 14289.

XIVe s. Il convient à entendre et regarder à quelles choses nous sommes par notre appetit enclins et de legier mouvables, Oresme, Eth. 54. Encor appert il que l'appetit sensitif obeist aucunement à raison, Oresme, ib. 32. L'en pardonne plus volentiers, et raison est, as choses qui sont faites par appetis naturels que as autres, Oresme, ib. 206. Où chascuns fu, ce m'est avis, à point honnourez et servis Aussi de vin et de viande, Com corps et appetit demande, Machaut, p. 87.

XVe s. À apetit d'aucuns fault estre duit Et que francs cuers au felon s'umilie, Deschamps, Douleur advenant à ceux.... Les biens et les honneurs ne se departent point à l'appetit de ceulx qui les demandent, Commines, Prolog. Et se douloit de quoy il luy avoit ainsi couru sus à l'appetit d'autruy, Commines, III, 3. Nostre dict frere et cousin, à l'apetit de qui que ce soit, a puis nagueres recueilli ung grant nombre de gens de guerre vivans sur nostre peuple, Lettre de Charles VIII. Bulletin du Comité de la langue, t. III, p. 589.

XVIe s. Ils divisent l'appetit en concupiscence et volonté, Calvin, Instit. 129. Fuir ou appeter est une semblable chose en l'appetit, que nier ou approuver en l'entendement, Calvin, ib. 130. L'appetit de manger et de boire…, Montaigne, I, 98. C'est une incivile importunité de chocquer tout ce qui n'est pas de nostre appetit [goût], Montaigne, I, 166. Mon appetit est accommodable indifferemment à toutes choses de quoy on se paist, Montaigne, I, 184. Qu'il n'y avoit nul propos de les faire geler tous, l'espace d'une longue nuict, à l'ap petit d'un soupçon, peut estre, mal fondé, Lanoue, 589. Ils ont toujours l'appetit ouvert, comme la bourse d'un medecin, Yver, p. 598. Si ce pont fust esté faict à l'appetit de peu [pour peu de dépense], Brantôme, t. III, p. 241, édit. de Montmerqué.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. aupetit ; provenç. appetit, apetit ; espagn. apetito ; portug. apetite ; ital. appetito ; d'appetitus, d'appetere (voy. APPÉTER).