« besoin », définition dans le dictionnaire Littré

besoin

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

besoin

(be-zoin) s. m.
  • 1Manque de, avec désir ou nécessité d'avoir. Le besoin de secours était pressant. Le besoin d'argent où il se trouvait. Ce que le besoin demande. Pour ou suivant le besoin. Les besoins publics. On apportait le blé à mesure des besoins de la consommation. Les besoins d'argent sur la place étaient grands. Le commerce n'apporta pas, en fait de blé, le sixième du besoin. Presque tous les citoyens ont été persuadés que si le parlement s'était toujours borné à faire sentir au souverain, en connaissance de cause, les malheurs et les besoins du peuple…, Voltaire, Louis XIV, 30.

    Le besoin de la cause, ce qu'il est nécessaire de dire à l'appui d'une cause.

    Avoir besoin de, manquer de, réclamer l'assistance. J'ai besoin de vous. Il avait besoin de le voir. J'ai besoin que vous lui parliez. Ce dont nous avons besoin. J'ai besoin d'air et de marcher, Sévigné, 297. J'ai besoin d'un vengeur et non d'une maîtresse, Racine, Mithr. IV, 5. J'ai, pour m'expliquer, besoin de sa présence, Racine, Esth. II, 7. Mon zèle n'a besoin que de votre silence, Racine, Phèd. III, 3. Prends soin d'elle, ma haine a besoin de sa vie, Racine, Baj. IV, 5. Ai-je besoin du sang des boucs et des génisses ? Racine, Athal. I, 1. Laissez-moi ; j'ai besoin d'un peu de solitude, Racine, Baj. III, 6. J'en aurais bon besoin, Racine, Plaid. I, 5. Et vos peuples alors, ayant besoin d'un roi…, Corneille, Nicom. IV, 3. Si j'ai besoin de vous de peur qu'on me contraigne, J'ai besoin que le roi, qu'elle-même me craigne, Corneille, Nicom. I, 1. Mais le reste du monde, esclave de la crainte, A besoin qu'on l'opprime, et sert avec contrainte, Voltaire, Alz. I, 1. Il n'avait aucun besoin de fermer sa porte, Fénelon, Tél. XI.

    Avec assez, tant, etc. on mettait un de qu'aujourd'hui l'usage laisse volontiers de côté. Hélas ! j'en ai assez de besoin, Sévigné, 55. Cet homme qui avait tant de besoin de tolérance pour lui, Voltaire, Lett. Pezai, 5 janv. 1767. On dirait aujourd'hui de préférence : j'en ai assez besoin ; qui avait tant besoin de tolérance pour lui.

    Avoir un vif désir, une extrême envie. Cette femme a besoin d'attirer sur elle tous les regards.

    En parlant des choses. Les pierres précieuses ont besoin d'être enchâssées. Cet arbre a besoin d'être arrosé. Cela n'a pas besoin d'être dit.

    Faire besoin, manquer, être nécessaire. Cela me fait besoin. Quand nous faisons besoin, nous autres misérables, Nous sommes les chéris et les incomparables, Molière, l'Étour. I, 2. Aussi bien nous fera-t-il ici besoin pour apprêter le souper, Molière, l'Avare, III, 5. S'il vous faisait besoin, mon bras est tout à vous, Molière, le Dép. V, 3. Votre oraison vous fera bon besoin, La Fontaine, Orais.

  • 2En physiologie, on donne le nom de besoin à cette sensation qui porte les animaux à certains actes indispensables pour l'entretien de la vie : tels sont les besoins de boire, de manger, etc.

    Besoin de nourriture et, simplement, besoin. Épuisé par le besoin.

    Besoin naturel ou, simplement, besoin, besoin que le corps éprouve de se débarrasser de la partie des aliments qu'il ne s'est pas assimilée. Faire ses besoins, satisfaire aux nécessités naturelles.

    Avoir peu de besoin, se dit de celui qui se restreint au strict nécessaire ou à peu près, et qui ne se crée au delà aucun besoin.

    On dit, dans un sens tout à fait semblable, n'avoir aucun besoin.

    Au sens moral, les besoins de l'âme, les sentiments qui portent l'âme à rechercher certaines satisfactions morales ou intellectuelles.

    Par extension. Tout ce qui flatte devient un besoin dont vous ne pouvez plus vous passer, Massillon, Car. Prospér.

  • 3Indigence, dénûment. Être dans le besoin, dans un grand besoin. Tous les deux étaient tombés dans le besoin. Il est au-dessus du besoin. Dieu laissa-t-il jamais ses enfants au besoin ? Racine, Ath. II, 7.
  • 4Choses nécessaires à l'existence. Je me procurerai tous mes besoins, et, pourvu que je les aie, je ne me soucierai point que les autres soient misérables, Montesquieu, Lett. pers. dans LAVEAUX. Mme de Montespan travaillait pour les pauvres à des ouvrages bas et grossiers, comme des chemises et autres besoins semblables, Saint-Simon, 180, 155.
  • 5Exigence, conjoncture difficile, embarras. En de si grands besoins, Racine, Mithridate, II, 1. Quel important besoin Vous a fait devancer l'aurore de si loin ? Racine, Iphigénie, I, 1. La mouche en ce commun besoin Se plaint qu'elle agit seule, La Fontaine, Fab. VII, 9. Ainsi donc au besoin ton courage s'abat, Corneille, Cid, V, 1. Mais que mon jugement, au besoin, m'abandonne, Corneille, Cinna, IV, 3. Qu'est le feu de ton zèle au besoin devenu ? Malherbe, I, 4.

    Sans besoin, sans que la chose soit exigée, sans nécessité. Mais porter dès l'abord les choses à l'extrême, Madame, et sans besoin faire des mécontents…, Corneille, Sert. IV, 2.

    Au besoin, si la chose est exigée, en cas de nécessité. Prenez ces cent écus ; gardez-les avec soin, Pour vous en servir au besoin, La Fontaine, Fab. VIII, 2. Dieu fait part, au besoin, de sa force infinie, Corneille, Poly. II, 6. Quelques-uns vous diront, au besoin, Quels dieux du haut en bas renversent les profanes, Corneille, Nicom. III, 2.

    En un besoin, même sens. Comment voulez-vous que je croie Qu'un hibou pût jamais emporter cette proie ? Mon fils, en un besoin, eût pris le chat-huant, La Fontaine, Fab. IX, 1.

    Impersonnellement. Il est de besoin, il est nécessaire. Un peu plus plate ou plus voûtée, selon qu'il est de besoin, Descartes, L'homme. Laissez-moi, j'aurai soin De vous encourager, s'il en est de besoin, Molière, Femmes sav. V, 2. Mais qu'est-il de besoin de les aller choquer ? Régnier, Sat. XI.

    Aujourd'hui on dit de préférence sans la préposition de, il est besoin. Il est besoin que je parte bientôt. Il est besoin de partir. Qu'est-il besoin de tant de paroles ? Qu'est-il besoin que nous allions à Paris ? Toutes les fois que besoin sera. Peut-être que vous avez jugé qu'il était besoin que toute la rhétorique fût employée pour me persuader que vous ne m'aviez pas oublié, Voiture, Lett. 1. Aimez-les et mourez, s'il est besoin, pour eux, Corneille, Rod. V, 3. Eh bien, s'il est besoin de répondre autre chose…, Corneille, Nicom. II, 3.

HISTORIQUE

XIe s. Si alcun jete les chatels [effets] fors de la nef senz busun…, Lois de Guill. 38. Car de ferir ai je si grant besoign, Ch. de Rol. CIV. Chevauche, reis, bosuign [nous] avons d'aïe, ib. CXXIV.

XIIe s. Ainc [onque] nel sona [le cor], se ne fust besoig granz, Ronc. p. 84. Quì lui [à Dieu] faudra à cest besoin d'aïe [la croisade], Sachez que il lui faudra à greigneur, Quesnes, Romancero, p. 93. Quant Diex verra que ses besoins [de Quesnes] est grans, Il lui faudra, car il lui a failli, Hues D'Oisi, ib. p. 103. Prouesse doit avoir le prix ; Car qui l'a, onc ne fera faille En nul besoing où il aille, Le Conte de Bretagne, ib. p. 161.

XIIIe s. Ains. avoient paor que quant ce vendroit au besoing, qu'il ne se tornassent vers Johannis, Villehardouin, CLXI. Car jamais à si grant besoing ne secorroient nule terre, Villehardouin, CXLVII. Qu'à cest besoin [il] me veuille, s'il lui plait, conseiller, Berte, XXXIX. Au besoing estes vous apensée et gentis, ib. LXXV. Que vaut quanque tu estudies, Quant li sens au besoing te faut ? la Rose, 6811. Aucune foiz apele l'en droit, besoing ; si comme droit en aucune chose ou par lignage ou par affinité, Liv. de just. 3. Compains, dit-il, tu as moult fole entencion, Qui cuides qu'il te doie aidier à cest beson, Ch. d'Ant. I, 146. Au besoin que le roy a de chevaliers, Joinville, 261. Tel preudomme comme il estoit, devoit bien estre attendu à un tel besoing, Joinville, 215. Biau sire saint Jacque, que j'ai requis, aidiés moy et secourrez à ce besoing, Joinville, 226.

XIVe s. Ah ! sire de Berguettes, Dieux vous doint bonne vie ! Quel besoing vous amene en icelle partie ? Guesclin. 17132. Car il estoit amez grandement au païs, Et il n'est riens qui vaille au besoing bons amis, ib. 19387.

XVe s. Si escripsit [le duc d'Anjou] devers messire Jean d'Armignac, que à ce besoin il ne lui voulsist faillir, Froissart, II, II, 1. Mais au besoing ils m'ont failli, Et m'ont laissié sans recouvrance, Orléans, Bal. 22. Et besoing luy en fut, Commines, I, 2. À qui on envoyoit de la maison du roy tout ce qu'il luy faisoit besoing, Commines, IV, 10.

XVIe s. Ilz fuyrent et laissarent leur bon maistre on besoing, Rabelais, Garg. I, 39. Alors que descendismes ces degrez, nous furent bien besoing premierement noz jambes, secundement, nostre preclare lanterne, Rabelais, Pant. V, 36. Armes jamais on besoing ne faillirent, quand bon cueur est associé de bon bras, Rabelais, ib. V, 36. Il n'est point besoing que vous prenez la peine de venir encores, pour les raisons que je vous manderai, Marguerite de Navarre, Lett. 153. La medecine a besoing que la fortune preste la main à ses operations, Montaigne, I, 30. Je ne veulx pas qu'on refuse aux charges qu'on prend, la sueur, et le sang au besoing, Montaigne, IV, 152. Il feint, il ploye, il differe, selon le besoing des occasions, Montaigne, IV, 153. Besoing fait la vieille trotter, H. Estienne, Précell. p. 178.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. besonh, bezonh ; anc. catal. bessonh ; ital. bisogno ; pays de Coire, basengs ; bas-latin, bisonium ; de soin (voy. ce mot), et d'une préposition be qui fait difficulté. Est-ce la préposition germanique bi (allemand moderne, bei) ? Mais alors comment se fait-il qu'un composé germanique (car soin est d'origine germanique) se trouve dans les langues romanes sans exister dans les langues allemandes ? Est-ce la préposition romane bes ou bis (voy. bes- préfixe), qui a un sens péjoratif ? Diez objecte le sens, puis l'orthographe ; le sens : mais pourquoi bes-soin, qui voudrait dire un mauvais soin, n'aurait-il pas pris le sens de gêne, et de là les significations successives ? l'orthographe : mais la double s, qui manque dans le français, dans le provençal et l'italien, se trouve dans l'ancien catalan. Les raisons pour bes, roman, semblent donc avoir du poids.