« briser », définition dans le dictionnaire Littré

briser

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

briser

(bri-zé) v. a.
  • 1Mettre en pièces. Briser un roseau. La foudre brisa le chêne. Allons briser ces dieux de pierre et de métal, Corneille, Poly. II, 6. Emporter tout ce qu'on peut, briser tout ce qu'on ne peut emporter, Diderot, Princ. de polit. 100.

    Par extension. Il semble qu'on entend les ondes gémissantes Briser contre un rocher leurs vagues impuissantes, Brébeuf, Phars. VI.

    Terme de cardeur. Briser la laine, la démêler.

  • 2 Fig. Rendre impuissant, inutile. Briser les ressorts de l'âme et de corps. Briser un traité. Briser des liens d'amitié. Briser son avenir, sa carrière, perdre, par sa volonté, les espérances qu'on avait de fonder son existence à venir, de réussir dans sa carrière. Briser l'effort des vents. La digue brise la fureur des flots. Alors que ta fureur à nous perdre s'apprête, Il tient le bras levé pour te briser la tête, Corneille, Attila, V, 3. Rome n'a point de lois que tu n'oses briser, Corneille, Pomp. V, 4. Pour briser en vainqueur cet hymen s'il s'achève, Corneille, Ser. III, 4. … Que si près du port, contre toute apparence, Un orage si prompt brisât notre espérance, Corneille, Cid, III, 4. Brisez votre alliance et rompez-en la chaîne, Corneille, Hor. II, 6. Bientôt Agamemnon, triomphant, redouté, Brisera ton injuste et frêle autorité, Lemercier, Agamemnon, II, 6.

    Briser ses fers, briser le joug, s'affranchir d'une tyrannie. Il peut confondre Aman, il peut briser nos fers, Par la plus faible main qui soit dans l'univers, Racine, Esth. I, 3. … jusqu'à ce que ma main de ses fers le dégage ; J'irai jusque dans Rome en briser les liens, Corneille, Nicom. V, 6. Je brise avec honneur mon illustre esclavage, Corneille, Rodog. III, 3.

    Briser l'orgueil de quelqu'un. Que n'ai-je point tenté ? Que pouvais-je plus faire Pour fléchir, pour briser ton cruel caractère ? Voltaire, Oreste, II, 5.

    Briser le cœur, causer une vive affliction. Elle me brise le cœur par l'état où elle est, Sévigné, 126.

  • 3Accabler. Briser quelqu'un de coups.
  • 4Fatiguer, harasser, importuner. Je suis brisé. Briser le tympan à quelqu'un, l'étourdir.
  • 5 Terme de grammaire. Briser une période, en détruire l'ensemble et les proportions, ou, dans un sens favorable, la couper pour lui ôter ce qu'elle aurait de pesant ou de forcé.
  • 6Briser un discours, cesser de parler. Brisons là ce discours, Molière, la Princesse, IV, 4.

    Absolument et familièrement. Brisons là, brisez là-dessus, ne continuons pas ce discours, n'insistez pas sur ce point. Brisons là, ce discours deviendrait ennuyeux, Corneille, Othon, IV, 4. Brisons là, je crains de trop entendre, Corneille, Poly. IV, 5. Brisons là s'il vous plaît, Molière, Éc. des f. IV, 8.

  • 7 Terme de blason. Briser un écu, le charger de brisures, telles que lambel, bordure, etc. comme font les cadets qui portent les mêmes armes que leurs aînés. Guy prit le nom de Laval, et brisa la croix de Montmorency de cinq coquilles, Saint-Simon, 188, 8.
  • 8 V. n. Terme de blason. Même sens que le précédent. La branche cadette brise d'une bordure de gueules.

    Terme de mer. Heurter les rochers, en parlant de la mer. Le fracas des vagues qui brisent au loin sur les récifs, Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virg. Et devant ces sommets abaissant leur orgueil, [les nuages] Brisent incessamment sur cet immense écueil, Lamartine, Méd. II, 3.

    Terme de chasse. Marquer le chemin avec des branches.

    Briser bas, rompre les branches des arbres et les jeter sur le sentier par où la bête a passé ; briser haut, les laisser pendre à hauteur d'homme.

  • 9Se briser, v. réfl. Être mis en pièces. Vaisseaux en danger de se briser contre les rochers, Fénelon, Tél. II. Un verre se brise en tombant de son propre poids, Bossuet, Conn. de Dieu, V, 9.

    Avec suppression du pronom personnel. Il a vu briser son navire contre vos rochers, Fénelon, Tél. I.

    Fig. Combien à cet écueil se sont déjà brisés ! Corneille, Cinna, I, 2. Quelquefois l'un se brise où l'autre s'est sauvé, Corneille, Cinna, II, 1. Que toute hauteur soit venue se briser contre la faiblesse de douze pêcheurs, Massillon, St Franç. de Paule. Le Christ ressentait des douleurs ; son cœur se brisait comme celui d'un homme, Chateaubriand, Génie, IV, III, 1.

  • 10 Par analogie, rejaillir avec fracas contre un obstacle, en parlant des vagues. Les vagues qui vont se briser contre ces écueils, Fénelon, Tél. IX. L'onde approche, se brise et vomit à nos yeux…, Racine, Phèd. V, 6.
  • 11Se plier l'une sur l'autre, en parlant de parties ou de pièces de certains ouvrages. Ce compas se brise. Ces volets se brisent.
  • 12 Terme de physique. Se réfracter. Les rayons lumineux se brisent en passant de l'air dans l'eau.

PROVERBE

Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se brise, c'est-à-dire s'exposer souvent au même danger, commettre souvent la même imprudence, la même faute, amène à la fin mécompte ou malheur.

HISTORIQUE

XIe s. [Il] Tranche le piz [poitrine], si lui brise les os, Ch. de Rol. XCI. L'espée cruist [résonne], ne froisse ne ne brise [se brise], ib. CLXX.

XIIe s. [Il] En fait les murs briser, Ronc. p. 5. [Ils] Venu sont à Hauteme, s'ont la vile brisie, Sax. VII. Tuz ses comandemenz sumes près de furnir, E chastals e citez brisier et asaillir, E perils de nos cors e des anemes [âmes] suffrir, Th. le mart. 134. Mais quant Richarz li Brez le vit si abatu E sur le pavement gesir tut estendu, Un poi en bescoz l'ad des autres colps feru, Qu'à la pierre ad brisié en deus son brant moulu, ib. 150. Ja iert mes chevax si destrois, Que je crain qu'il se brit la cuisse, la Charrette, 1620.

XIIIe s. Et là ot Guillaumes de Champlite le bras brisié d'une pierre, Villehardouin, LXXV. Et brisierent bien tresqu'à quatre des portes, et entrerent ens, Villehardouin, CV. [Elle] ne briseroit son veu pour souffrir discepline, Berte, LVI. Et i ot mainte lance brisie sur escu, ib. CXXXVII. Et Crestien entrerent ens par force de toutes parts par le mur qui estoit brisiés, et fu la cité prise, Chron. de Rains, 39. Li rois rechut la lettre et brisa le seel et la lut, ib. 132. Si ne seroit mie bon que vous comencissiez la mellée, ne brisissiez l'aloiance, ib. p. 217. Tant va pot à l'eve que brise, Ren. 13650. Quatre costes li ont brisié ; à bien petit l'ont mort laissié, ib. 6435. Et croi que, se plusors osassent, Lor mariages en brisassent, Et de foi ne lor sovenist, la Rose, 14336. Et se tu sés lances brisier, Tu t'en pues moult faire prisier, ib. 2209. Si comme s'aucuns est pris et mis en prison, et il brise la prison, Beaumanoir, XXX, 13. Li sergans qui va penre par commandement de segneur, pot et doit brisier ce qu'on ferme contre li, Beaumanoir, LIV, 8. Et si n'est pas li establissemens brisiés, car l'entention des establissemens n'est pas por tollir autrui droit, Beaumanoir, XLVIII, 1. Si deïssiez à sa maniere Qu'ele menjast (ce n'est pas fable) Plus que nus qui fust à la table, Que çà et là le pain brisoit, Rutebeuf, II, 171. Mes neveus, venés à moy aidier et vous et vostre gent ; car les Alemans brisent le moustier, Joinville, 234. Il y ot bien douze vins vessiaus, que grans que petiz, brisiez et perdus, Joinville, 219.

XIVe s. Les aides des Latins brisées et faillies, Bercheure, f° 35, recto. Miex estoit les courages esmeus ploier que briser, Bercheure, f° 36, recto.

XVe s. Pour ce qu'il avoit trespassé le commandement de son seigneur le roi et brisé son arrest et sa prison, et s'en estoit parti sans congé…, Froissart, I, I, 154. Et l'eust fait sans faute [pendre], si n'eust esté le dit messire Jean de Hainaut, qui lui brisa son ire et excusa le dit messire Godemon, Froissart, I, I, 296. Et brisa le roi tout ce voyage… [défendit l'expédition qui se préparait pour Isabelle], Froissart, I, I, 10. Beau frere, jà à Dieu ne plaise que votre bon propos je vous brise ni oste, Froissart, I, I, 17. Et feroit [frappait] à tas de son espée sur le bassinet du seigneur de Sconnevort ; mais le sire de Sconnevort, qui bien estoit armé et monté, brisoit les coups à la fois et les recevoit moult vassalment, Froissart, I, I, 140. Quand le roi d'Angleterre entendit ces nouvelles, il fut moult pensif, et eut une espace une imagination et propos de briser son siege [le siége de Vannes où il étoit en personne], Froissart, I, I, 209.

XVIe s. Navré du cautere de son peché, et comme brisé de terreur de l'ire de Dieu, Calvin, Instit. 461. Pour saisie brisée il y a amende de 60 sols, Loysel, 827. Qui brise une franchise [ne peut être reçu en un asile], brise toutes les autres [ne peut être reçu en aucune], Loysel, 828. Le vent se renforça si violentement qu'il brisa, abbatit et froissa en un moment tous ces engins, Amyot, Lucull. 20. Les lanskenets voyans les Suisses brisez de tant de charges, D'Aubigné, Hist. I, 168. Par coups de boulets ou autre chose brisante, Paré, XIII, 14.

ÉTYMOLOGIE

Wall. brihî ; provenç. brisar. Diez le tire de l'ancien haut allemand brestan (au présent bristu), briser ; allemand moderne, bersten, crever. Le changement de l'st en s ne fait pas difficulté ; voy. huissier, de ostium. Dans les patois anglais on trouve brise, brisse, briss, où l'st a déjà disparu. Il n'est pas sûr que le gaélique bris, rupture, soit d'origine celtique. Il y a aussi dans le gaélique bruis, bris, morceau ; angl. to bruise, meurtrir ; ce qui fait difficulté c'est l'u dans bruis ; mais le français supprime quelquefois un u devant une voyelle ; voyez milan d'une forme telle que miluanus ; il se pourrait donc que briser vînt du celtique.