« celui », définition dans le dictionnaire Littré

celui

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

celui

(se-lui), m. sing. CELLE (sè-l'), f. sing. CEUX (seû), m. plur. CELLES (sè-l'), f. plur. Pron. démonstr.
  • 1Suivi de la préposition de. Je ne connais d'avarice permise que celle du temps. Celles de ma naissance ont horreur des bassesses, Corneille, Rodog. III, 6. L'amour est celui de tous les dieux qui sait le mieux le chemin du Parnasse, Racine, Lett. 5, à M. le Vasseur. J'ai tout réduit à trois stances, et j'ai ôté celle de l'ambition, qui me servira peut-être ailleurs, Racine, Lett. 29, à M. le Vasseur. Ceux de Crotone ont perdu contre lui deux batailles, Fénelon, Tél. X.
  • 2Suivi de qui, que, dont. Ceux qui font des heureux sont les vrais conquérants, Voltaire, Lett. à Christian VII. Celui qui met un frein à la fureur des flots Sait aussi des méchants arrêter les complots, Racine, Ath. I, 1. Celui qui fait tout vivre et qui fait tout mouvoir, S'il donne l'être à tout, l'a-t-il pu recevoir ? Racine L. Religion, I. Aimer ceux qui vous haïssent, ceux qui vous persécutent, et les aimer lors même qu'ils travaillent avec le plus d'ardeur à vous opprimer, c'est la charité du chrétien, c'est l'esprit de la religion, Bourdaloue, Serm. pour la fête de St-Étienne. Mes craintes t'offensaient : tu n'étais pas de celles Qui font jeu de courir à des flammes nouvelles, Chénier, 137.

    Il n'y a celui, celle qui, c'est-à-dire il n'est personne qui. Il n'y avait celui qui ne prévît une prochaine rupture avec la famille de Lorge, de l'humeur si connue de M. de Lauzun, Saint-Simon, 28, 72.

REMARQUE

1. Celui, celle, ceux, celles ne pouvant être employés qu'avec la préposition de ou les pronoms relatifs qui, que, dont, il en résulte qu'ils ne peuvent être suivis d'un adjectif ou d'un participe. Les construire ainsi est une faute très commune et ancienne. Girault-Duvivier en cite cet exemple de Racine : Je joins à ma lettre celle écrite par le prince ; et celui-ci de Montesquieu : La blessure faite à une bête et celle faite à un esclave. Il faut mettre en regard cette phrase de Voltaire : Nous sommes incertains si le paquet pour votre altesse royale et celui pour votre aimable ambassadeur… Lettr. Prusse, 30. Domergue, Solutions grammat. a réuni plusieurs exemples pris à différents écrits de son temps : " Les nombres ordinaux se forment des cardinaux ; dans ceux terminés en f, on change f en vième. - Le goût de la philosophie n'était pas alors celui dominant. - Pline dit que Carès inventa les augures tirés des oiseaux, et qu'Orphée inventa ceux tirés des autres animaux. - Je ne puis mieux finir cette lettre qu'en vous faisant part de celle écrite par M. de Buffon à cette dame respectable. - Elle débite à tout venant les choses les plus futiles et souvent celles les plus ridicules. " Dans tous ces cas il faut employer le relatif qui : celle qui est écrite ; celui qui est dominant ; ceux qui sont terminés, etc.

2. Celui, celle peut être suivi d'un adjectif ou d'un participe, quand l'adjectif ou le participe appartiennent à une incise, après laquelle vient qui, que, dont. Votre exemple et celui, si généreux, qu'a donné votre lettre. Ma lettre, et celle, écrite par mon ami, qui vous sera remise.

3. Après celui qui, il arrivait souvent, dans l'ancien style, que l'on reprenait la phrase principale par il ou elle Autrefois on regardait ce pléonasme comme donnant force et clarté ; aujourd'hui on le regarde comme fautif. Celui qui méprise le remède, il touche de près à sa chute, Bossuet, Rech. 2.

4. Je ne suis pas celui qui vous a fait tort, et non pas, qui vous ai fait tort, le verbe s'accordant avec celui, qui est de la troisième personne. Cependant Bossuet a dit dans une phrase célèbre, en parlant de Dieu : Je suis celui qui suis. Cette construction n'était pas sans exemple dans l'ancienne langue : Je ne suis pas celui qui veux Paris reprendre D'avoir manqué si tost à Pegasis de foy, Ronsard, 144. C'est d'ailleurs une imitation du latin : Sum qui sum.

HISTORIQUE

Xe s. Cel edre [lierre] sost [sous] que cil sedebat, Fragm. de Valenc. p. 468. Cilg edre fu seche, ib. En cele duretie e en cele encred uliteit, ib. p. 469. Chi [qui] rex eret [était] à cels dis [jours] sovre pagiens, Eulalie. La domnizelle celle cose non contredist, ib.

XIe s. E se algons [aucun] meïst main en celui qui…, L. de Guill. 1. Cil sont montez qui le message firent, Ch. de Rol. VII. Par cels de France veut-il du tout errer, ib. X.

XIIe s. N'i a celui qui de pitié ne plor, Roncisv. 37. Que si haut don [l'amour] sait merir [à] Ceus qui servent sans traïr, Couci, 3. Quant pour vous n'a de moi cure Cele à qui m'avez doné, ib. 4. Onques Tristans, cil qui but le breuvage, Plus loyaument n'aima sans repentir, ib. 19. Et quand l'haleine douce vente Qui vient de cel doux païs, Où cil est qui m'atalente, Dame de Faiele, dans Couci.

XIIIe s. Ilec trouverent Guillaume de Braiecuel et cex qui avoec lui estoient, Villehardouin, 138. Et quand cil oïrent ce, Villehardouin, 59. Cil [je] sui que demandez, sachiez le vraiement, Berte, XLVII. Tout droit à celui temps que je ci vous devis, ib. V. À tous ceuz qui ces presentes letres verront ou orront, Beaumanoir, 76.

XVe s. Comme celle qui ne savoit à qui ni en quel pays trouver confort ni soutenance, Froissart, I, I, 13. Adonc demanderent à leurs varlets s'il y avoit celui qui voulut porter les lettres qu'ils avoient escrites, Froissart, I, I, 228. J'en parle comme de celui que j'ai connu, en beaucoup de choses traité avecques lui, Commines, VII, 2. Et se jeta à deux genoux devant moi comme celui qui cuidoit dejà estre mort, Commines, IV, 7. Je suis celui qui de ci ne partirai, Louis XI, 18.

XVIe s. Ceux de Besse, de Montsoreau et autres lieux confins, Rabelais, Garg. 1, 47. Les hommes de celui temps, Rabelais, Pant. II, 1. Il n'y eut celui qui ne beust vingt cinq ou trente muids, Rabelais, II, 20. Mais qui est cil ne celle en cestui monde, En qui douleur par faux rapport n'abonde ? Marot, I, 383. Ils estoient proches parents, comme ceux qui estoient enfants de deux cousins germains, Amyot, Thésée, 8. Celui emportoit le prix, non qui estoit le plus viste entre les vistes, mais le plus vertueux entre les vertueux, Amyot, Lyc. 55. C'est celui Philippe qui depuis fit la guerre aux Grecs pour leur oster leur liberté, Amyot, Pélop. 48. Celui aime peu, qui aime à la mesure, La Boétie, 441. Que celui sorte de la cour qui veut estre pieux, D'Aubigné, Conf. II, 9. Ceux de Bordeaux maintiennent que la verge de St-Martial est celle mesme d'Aaron, D'Aubigné, 176. Ceux estoient du nombre des peres, desquels l'on a dit que…, Calvin, Inst. Dédic.

ÉTYMOLOGIE

Picard, cho, chelle, celle, cheule, même sens, cholle, chol, même sens, cheux, ceusses, ceutes, ceux, chelle-lo, celle-là ; Saintonge, cheul, cheu, ce, cet, chéle, chelé, celle, chelés, ceux, celles ; provenç. cel, celh, sel, sell, celui, cela, celha, cella, sela, celle, cil, cill, cilh, sill, ceux pour le nominatif pluriel, cels, ceux au régime, celui, selui, selhui, celui ; anc. catal. cell, ce, cet, cells, ceux au régime, cella, celle ; espagn. aquello ; ital. quello, colui, colei. Le vieux français est cil ou cel, féminin cele, au nominatif singulier, celui au régime singulier pour les deux genres ; cil ou cel, féminin celes, au nominatif pluriel ; cils, cels, féminin celes, au régime pluriel ; cils ou cels ont donné le mot actuel ceux. Cil ou cel est formé de ecce-ille ; celui, de ecce-illius, comme autrui de alterius (voy. IL).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

CELUI. Ajoutez :
3Celui séparé du pronom relatif qui lui appartient. Celui vraiment les a perdus [les dons], qui les a estimés perdus incontinent après les avoir donnés, Malherbe, Lexique, éd. L. Lalanne. C'est une bonne tournure.
ID.Celui que je vous suis, l'homme tel que je suis pour vous. Ce n'est pas vivre avec moi comme veut celui que je vous suis, Malherbe, ib.

REMARQUE

Ajoutez :

5. Celui, celle, etc. dans le langage ancien, pouvait se supprimer devant un substantif. D'autres secrets plus fins que de philosophie [que ceux de philosophie], Régnier, Sat. III. Cet archaïsme ne doit pas être absolument rejeté ; et peut-être y a-t-il des cas où il serait reçu.