« chétif », définition dans le dictionnaire Littré

chétif

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

chétif, ive

(ché-tif, ti-v' ; les paysans des environs de Paris disent chéti et même cheti) adj.
  • 1De peu d'importance, de peu de distinction, de peu de force, en parlant des personnes. Un chétif garçon de boutique, Patru, Plaid. 2, dans RICHELET. À l'égard de ces hommes chétifs, La Bruyère, VI. Le monarque lui dit [au cerf] : Chétif hôte des bois, Tu ris ! tu ne suis pas ces gémissantes voix, La Fontaine, Fab. VIII, 14. Il vint des partis d'importance, La belle les trouva trop chétifs de moitié, La Fontaine, ib. VII, 5. Tout chétif et tout misérable qu'il est, il a été détroussé en France, Guez de Balzac, liv. VI, lett. 5. Depuis les plus chétifs jusques aux plus fendants, Régnier, Sat. XII. Un chétif centenier des troupes de Mysie, Corneille, Héracl. I, 2. Qu'entreprends-je, chétif, en ces lieux écartés ? Rotrou, St Gen. III, 2. Éryphile n'est encore digne ni de vous ni du public, ni même de moi, chétif, Voltaire, Lett. vers et prose, 17. Et celui qui chétif aux misères succombe, Sans vouloir autre bien que le bien de la tombe, Malherbe, I, 4. Quand Crésus vit Ésope, il s'étonna qu'une si chétive créature lui eût été un si grand obstacle, La Fontaine, Vie d'Ésope. … La chétive pécore S'enfla si bien qu'elle creva, La Fontaine, Fab. I, 3. Quel ton, quel ascendant ne prennent-ils pas [les riches] sur les savants, quelle majesté n'observent-ils pas à l'égard de ces hommes chétifs que leur mérite n'a ni placés ni enrichis et qui en sont encore à penser et à écrire judicieusement ! La Bruyère, VI.
  • 2En parlant des choses, qui n'a pas force, qualité. Une chétive récolte. Une plante chétive. Une mine chétive. Comme un chien qui fait fête Aux os qu'il voit n'être pas trop chétifs, La Fontaine, Jum. Une flamme pieuse autant comme chétive, Corneille, Pomp. V, I. Et mon bras n'est du sien qu'un chétif instrument Qui ne meut et n'agit que par son mouvement, Rotrou, Bélis. I, 1. Notre vigne n'est point si chétive qu'on le voudrait bien faire croire, Courier, 2e lettre particulière.

    Avoir chétive mine, avoir la mine basse, et aussi avoir l'air malade.

  • 3Misérable, pauvre. Une vie, une chère chétive. Dans quelque urne chétive en ramasser la cendre, Corneille, Pomp. II, 2.

HISTORIQUE

XIe s. [Elle] Trait ses chevels, si se clame caitive, Ch. de Rol. CCLXXIV. Dist l'uns à l'autre : Caitif que deviendrons ? ib. CXC. Que deviendrai, douloureuse caitive ? ib. CXCI. En France douce [elle] ert [sera] menée caitive, ib. CCLXVIII.

XIIe s. Ainsi nos, caitif, comperrons [payerons] Les guerres de ces haus barons, Chrestien de Troyes, dans HOLLAND, p. 266. Come chaitis [captif] mené, Ronc. p. 16. Meurent paien come chaitif dolent, ib. p. 77. À la chaitive [malheureuse] qui au mostier atent, ib. p. 173. Ceste chaitive qui de son dueil morra, ib. p. 174. Vous deüssiez querre leur delivrance [des prisonniers] ; C'est grant pechés, ses [si les] i laissez chaitis, Quesnes, Romancero, p. 100.

XIIIe s. Qui caitif sert caitif loiier en sent, L. Passy, Fragm. d'hist. litt. p. 89. Hé ! las, chetif, où irai ? que ferai ? Anonyme, dans Couci. Et li consaus de l'empereour fu tiex qu'il s'iroit à lui combatre, pour secorre les chaitis et les chaitives que il enmenoit, Villehardouin, CLXIV. Neis [même] Avarice la chetive N'ert pas si à prendre ententive, la Rose, 1439. Moult est chetis et fox naïs Qui croit que ci soit son païs, ib. 5049. Et se ne vous plet, si vous preingne pitié de ceste chietive qui ci gist, que vous attendés que je soie relevée, Joinville, 252. Car qui à chetif seigneur sert, Il en atent chetif loier, les Vers du monde. … Dan Macrobe Vestu d'une chetive robe, Bat. des 7 arts.

XVe s. Le plus petit, maigre et chetif cheval qu'il put trouver, Froissart, I, 1, 23. … Diex ! doux valet, Di-je lors, es-tu si quatis [caché] ? Par ma foi, tu es uns quetis, Quant tous seuls tu es en prison, Froissart, Le dit dou florin. Ainsi ma vie se compasse, Maleureuse, chetive et lasse, En paine et maulx dont trop recueil, Orléans, Rond. Nuz [Dieu] les crea, et puis l'ame leur mist Ou chetif corps, sans faire difference, Deschamps, L'habit ne fait pas l'homme. Vaut-il pas mieux avoir la couleur rouge et vive, Riche de beaux rubis, que si pale et chetive Ainsi qu'un buveur d'eau ? Basselin, II.

XVIe s. Aux cœurs chetifs tu remets l'esperance, Ronsard, 703. De tous les animaux qui marchent sur la terre L'homme est le plus chetif : car il se fait la guerre Luy-mesmes à soy-mesme…, Ronsard, 815. Il [l'homme] n'est pas assez chestif, si par art et par estude il n'augmente sa misere, Montaigne, I, 227.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. cheti ; Berry, ch'ti, au féminin ch'tite, chaitis ; provenç. captiu, caitiu ; anc. catal. caitiu ; anc. espagn. captivo ; espagn. mod cautivo ; portug. cativo ; ital. cattivo ; du latin captivus, prisonnier (voy. CAPTIF). Chetif, en vieux français, signifie captif, et de là, faible, misérable.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

CHÉTIF. - ÉTYM. Ajoutez : Dès le IVe siècle, captivus a eu le sens de chétif : Homines nanos, gibbesos, deformes, captivos ridiculosque, J. Firmicus, Math. VIII, 27.