« commerce », définition dans le dictionnaire Littré

commerce

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

commerce

(ko-mèr-s') s. m.
  • 1Échange, entre les hommes, des divers produits de la nature ou de l'industrie. Commerce de mer. Commerce du Levant. Pour ceux qui sont dans le commerce, Pascal, Prov. 6. Un trafiquant de Perse, Chez son voisin, s'en allant en commerce, Mit en dépôt un cent de fer un jour, La Fontaine, Fab. IX, 1. Ils ne faisaient aucun commerce au dehors, Fénelon, Tél. VIII. Le commerce qu'ils font jusqu'aux colonnes d'Hercule, Fénelon, Tél. III. Les Phéniciens sont en commerce avec tous les peuples, Fénelon, Tél. IX. Les Anglais et encore plus les Hollandais faisaient, par leurs vaisseaux, presque tout le commerce de la France, Voltaire, Louis XIV, 29. Le génie de Colbert se tourna principalement vers le commerce, qui était faiblement cultivé et dont les grands principes n'étaient pas connus, Voltaire, ib. La mort de Colbert et la guerre avaient beaucoup diminué le commerce, Voltaire, ib. Je suis bien persuadé avec vous que le pays où le commerce est le plus libre sera toujours le plus riche et le plus florissant, proportion gardée, Voltaire, Lett. Roubaud, 1er juill. 1769. Le besoin du commerce enfantera la paix, Chénier M. J. Charles IX, II, 3. Le commerce inactif expire de langueur, Delavigne, Vêp. sicil. II, 6.

    Commerce en gros, achat de marchandises par grosses portions pour revendre aux détaillants. Commerce de détail, achat en gros pour revendre aux consommateurs.

    Le corps des commerçants. Cette loi a mécontenté tout le commerce. Le haut, le moyen commerce. Chambre de commerce, réunion de négociants chargés de donner des avis officiels sur le commerce.

    Ministère du commerce, ministère qui régit les affaires commerciales dans leurs rapports avec l'État.

    Tribunal de commerce, tribunal qui statue sur les procès commerciaux.

    Liberté du commerce, principe d'économie politique qui conduit à supprimer ou à réduire notablement les entraves douanières, fiscales ou autres, qui empêchent la liberté des échanges entre les pays ou entre les provinces d'un même pays. Je crois très fermement que, si ce ministre [Colbert] avait vécu de nos jours, il aurait été le premier à presser la liberté du commerce, Voltaire, Lett. Roubaud, 1er juillet 1769.

    En termes de jurisprudence, on dit qu'une chose n'est pas dans le commerce, lorsqu'elle est inaliénable de sa nature ou par la disposition de la loi. Les choses futures, les biens dotaux ne sont pas dans le commerce.

    Dans le langage spécial de l'économie politique, le commerce est l'industrie qui met le produit à la portée du consommateur. L'agriculture, la fabrication, le commerce sont les trois branches de la production générale. Tous ont cru que le commerce consistait essentiellement dans l'échange, tandis qu'il consiste essentiellement à placer un produit à la portée des consommateurs, J. B. Say, Cours, 1840, t. I, p. 304.

    Commerce extérieur, achat ou vente de marchandises au dehors du pays, échange avec l'étranger. Commerce intérieur, échange, à l'intérieur, des produits du pays. Commerce de transport, dans un sens spécial, achat de marchandises à l'étranger pour les revendre à l'étranger. Au XVIIe siècle, les Hollandais faisaient le commerce de transport.

    Terme de douane. Commerce général, l'ensemble des importations sans égard à leur destination ultérieure, et des exportations sans égard à l'origine des marchandises. Commerce spécial, la somme des importations destinées à la consommation intérieure du pays et des exportations de marchandises nationales ou nationalisées.

  • 2Le fait de vendre des marchandises. Commerce de grains. Un commerce de vins.

    En termes de jurisprudence, le fait d'acheter des marchandises pour les revendre ou de faire des opérations qui se rattachent à cet objet. Faire le commerce. Acte de commerce. Société de commerce.

  • 3 Fig. Trafic de choses morales. Que vois-je autour de moi que des amis vendus, Qui, choisis par Néron pour ce commerce infâme…, Racine, Brit. I, 4. Spartacus ne fait point de la guerre un commerce, Saurin, Spartac. III, 4.

    Commerce se dit aussi en un sens favorable. Un prince qui fait entrer l'Église en commerce de ses victoires et en partage avec elle le fruit, Massillon, Villeroy.

    Faire un mauvais, un méchant, un vilain commerce, se mêler de quelque vilaine affaire.

  • 4Relations de société ou d'affaires, fréquentation. C'est entre les dévots un étrange commerce, Régnier, Sat. XII. Vous voyez, dit le père, que voilà une grande facilité pour le commerce du monde, Pascal, Prov. 9. L'on a vu, il n'y a pas longtemps, un cercle de personnes des deux sexes, liées ensemble par la conversation et par un commerce d'esprit, La Bruyère, V. Si l'on faisait attention à tout ce qui se dit de froid, de vain et de puéril… l'on se condamnerait peut-être à un silence perpétuel qui serait une pire chose dans le commerce que les discours inutiles, La Bruyère, ib. L'on voit des gens qui dans les conversations ou dans le peu de commerce que l'on a avec eux…, La Bruyère, ib. Trop de perversité règne au siècle où nous sommes, Et je me veux tirer du commerce des hommes, Molière, Mis. V, 1. … Oh ! l'ennuyeux conteur ! Jamais on ne le voit sortir du grand seigneur ; Dans le brillant commerce il se mêle sans cesse, Et ne cite jamais que duc, prince ou princesse ; La qualité l'en-tête…, Molière, ib. II, 5. Cette marquise agréable chez qui j'avais commerce, Molière, Bourg. gent. III, 6. Qu'avec lui vous rompiez tout commerce, Molière, Ec. des f. II, 6. Le sang de mon époux A rompu désormais tout commerce entre nous, Corneille, Pomp. IV, 4. Il interroge cet homme sur son commerce avec Arion, Fénelon, Tél. XX. Ce prélat est de nul commerce [ne fréquente pas le monde], La Bruyère, XII. Vous serez content du commerce que vous avez avec ma fille, Sévigné, 1. La honte lui fit rompre commerce avec les hommes, Bossuet, Var. 11. Entrez en commerce avec les pauvres, donnez et vous recevrez, Bossuet, Serm. Sept. Loin du commerce des affaires et de la société des hommes ces âmes sans force aussi bien que sans foi qui ne savent pas retenir leur langue indiscrète ! Bossuet, Duch. d'Orl. Parmi ces sages pensées et renfermé dans un doux commerce avec ses amis aussi modestes que lui, Bossuet, le Tellier. Les Égyptiens entrèrent en commerce avec les Grecs, Bossuet, Hist. I, 7. Vous devez avoir une consolation bien touchante dans le commerce de Mme de Choiseul, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 8 mars 1769.

    Par extension. Fières sœurs, si jamais notre commerce étroit Sur vous et vos serpents m'ont donné quelque droit, Corneille, Médée, I, 4. Entretient dans ses vers commerce avec les dieux, Boileau, Art poét. II. Les dieux supérieurs ne pouvaient avoir aucun commerce avec les hommes, Bossuet, Avert. 4. Dieu entre en commerce avec les hommes, Bossuet, I, Annonc. 3. On est dans le commerce des choses saintes et l'on a perdu la grâce, Massillon, Car. Tiéd. II. Un homme qui passe pour avoir quelque commerce avec la dévotion, Massillon, Pet. Car. Drap. Il faut n'avoir point de commerce avec Samarie, Massillon, Car. Samar. Interrompre le commerce de sagesse et de bons conseils qui doit s'établir entre le peuple et son roi, Mirabeau, Collection, t. I, p. 330. Laissons, seigneur, laissons pour les petites âmes Ce commerce rampant de soupirs et de flammes, Corneille, Sert. I, 3.

    Le commerce des lettres, des muses, les occupations littéraires.

  • 5 Absolument, manière de se comporter à l'égard d'autrui. Être d'un commerce aisé, sûr. Il est homme d'un bon commerce, La Bruyère, VII. Vit-on jamais prince d'un commerce plus aisé, plus libre, plus commode ? Bossuet, Condé. En prenant le parti de la retraite, on se retranche sur un petit nombre d'amis d'un commerce aisé, Le P. Cheminais, dans BOUHOURS Nouv. rem. J'éprouvai la même sensation qu'éprouveraient des hommes d'un commerce excellent qui auraient vécu ensemble pendant longtemps, Diderot, Éloge de Richardson.
  • 6Échange. Le commerce des pensées est un peu interrompu en France ; on dit même qu'il n'est pas permis d'envoyer des idées de Lyon à Paris, Voltaire, Lett. Beaumont, 13 janv. 1765.

    Commerce de lettres, correspondance suivie. J'espérais en vous écrivant le premier et en m'embarquant de ma franche volonté dans ce commerce…, Voiture, Lett. 88. Le commerce que j'ai avec vous, Sévigné, 113. Il me semble que vous avez bien des commerces, Sévigné, 431. Ce n'est point pour entretenir un commerce avec vous, Sévigné, 4. Je rentre en commerce par une prière qui ne vous sera pas désagréable, Bossuet, Lett. 46. Dans sa solitude du faubourg St-Jacques il ne laissait pas de lier commerce avec plusieurs savants, Fontenelle, Varignon. C'est sans aucune utilité [en ouvrant des lettres] qu'on violerait les secrets des familles, le commerce des absents, les confidences de l'amitié, la confiance entre les hommes, Mirabeau, Collection, t. I, p. 455.

  • 7Causerie. Propos, agréables commerces, Où le hasard fournit cent matières diverses ; Jusque-là qu'en votre entretien La bagatelle a part…, La Fontaine, Fabl. X. 1. Ils soutiennent l'ennui et la vanité des commerces, Massillon, Av. Épiph. Les commerces nous répandent trop au dehors, Massillon, Car Prière, 1. La prière est un commerce tendre avec votre Dieu, Massillon, ib. Prière, 2.
  • 8Liaison illicite entre deux personnes de sexe différent. Pour détourner l'attention du roi du commerce qu'elle avait avec Jermyn, Hamilton, Gramm. 6. Les Gétuliens et les Bactriens, par politesse, permettaient à leurs femmes d'avoir commerce avec les étrangers, Fénelon, t. XXII, p. 334. Toute fille qui ayant eu un mauvais commerce avec quelqu'un ne le déclarerait pas au roi, Montesquieu, Esp. XXVI, 3.

    On dit aussi : être en commerce avec.

  • 9Jeu de commerce, sorte de jeu de cartes.

SYNONYME

COMMERCE, NÉGOCE, TRAFIC. Étymologiquement, commerce est l'échange de marchandises ; négoce est l'état de celui qui ne prend pas de loisir, sens général déterminé dans notre langue à désigner les occupations commerciales ; trafic est le transport des objets de commerce d'un endroit à un autre. Cela posé, on comprend les acceptions que l'usage a établies entre ces trois mots. Commerce est le terme le plus général, représentant, sans aucune idée accessoire, l'échange qui fait passer des uns aux autres tous les objets d'utilité ou d'agrément ; c'est pour cela qu'on peut l'employer presque toujours en place de négoce ou de trafic, tandis que négoce ou trafic ne peuvent pas s'employer toujours en place de commerce ; c'est pour cela aussi que l'usage l'a préféré pour désigner collectivement l'ensemble de ceux qui se livrent au commerce. Négoce, plus restreint, désigne spécialement l'exercice du commerce ; aussi l'usage emploie-t-il négociant, de préférence à commerçant, quand on parle de celui qui exerce un négoce particulier : les négociants d'une ville, un négociant en vins. Enfin, trafic s'applique particulièrement au commerce de transport ou de commission, à l'industrie du revendeur, etc.

HISTORIQUE

XVIe s. Nous n'avons nul commerce ensemble [la médecine et moi], Montaigne, I, 131. Quelles nations eurent anciennement le commerce et trafic de l'espicerie, et qui sont celles qui font maintenant telle negociation, Du Verdier, Div. leçons, p. 351, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. comaice ; espagn. comercio ; ital. commercio ; du latin commercium, de cum, avec, et merx, mercis, marchandise (voy. MARCHAND). L'ancien français n'avait pas commerce ; il disait marcheandise.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

COMMERCE. Ajoutez :

Commerce général, spécial, voy. ces mots.