« contrainte », définition dans le dictionnaire Littré

contrainte

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

contrainte

(kon-trin-t') s. f.
  • 1L'état d'être trop à l'étroit. Votre habit vous serre, vous devez être dans une grande contrainte.

    Fig. Gêne, difficulté. La contrainte de la mesure, de la rime. Des vers semés dans la prose annoncent la contrainte et la prétention, Barthélemy, Anach. ch. 58.

  • 2Violence exercée sur les actions. Tantôt quand je fuyais une injuste contrainte, Racine, Mithr. II, 6. Quoi ! seigneur, vous iriez jusques à la contrainte ? Racine, Iph. V, 2. C'est pour moi, répond-il, une injuste contrainte, De servir d'un rival la bassesse et la crainte, Brébeuf, Phars. VI. Libres sans déshonneur et sages sans contrainte, Voltaire, Zaïre, I, 1. Et ma flamme a grossi par l'effort des contraintes, Quinault, Bellérophon, V, 3. Il y en a d'aucunes qui prennent des maris seulement pour se tirer de la contrainte de leurs parents, Molière, Mal. im. II, 8. Combien de talents enfouis et d'inclinations forcées par l'imprudente contrainte des pères ! Rousseau, Inégal. note 1. Miraculeux effet, bonheur prodigieux, Qu'ainsi la liberté naisse de la contrainte ! Corneille, Imit. III, 10.

    Fig. [Beauté] Qui régnez sur les cœurs d'une contrainte aimable, Régnier, Élég. V.

  • 3 Terme de droit. Acte judiciaire par lequel on contraint quelqu'un à une chose.

    Contrainte par corps, voie d'exécution par laquelle un créancier prive son débiteur de sa liberté pour le forcer à remplir ses engagements. Les négociants étant obligés de confier de grandes sommes pour des temps souvent fort courts, de les donner et de les reprendre, il faut que le débiteur remplisse toujours en temps fixé ses engagements ; ce qui suppose la contrainte par corps, Montesquieu, Esp. XX, 15.

    Contrainte morale, celle qui agit sur la volonté, par opposition à la violence physique.

  • 4Contrainte, ou contrainte administrative, mandement exécutoire décerné par l'autorité administrative contre celui qui doit au fisc. Porteur de contraintes. Que la manière de percevoir ainsi la dîme eût prévenu les contraintes de même que les non-valeurs, Vauban, Dîme, p. 162. Pour avoir un peu de temps, lequel une fois expiré, les contraintes recommencent plus cruelles que jamais, Vauban, ib. p. 161.
  • 5État de celui à qui l'on fait violence. La dure contrainte où il est. Serments fallacieux, salutaire contrainte, Que m'imposa la force et qu'accepta ma crainte, Corneille, Rodog. II, 1. C'est par la que l'on tient ses voisins en contrainte, Corneille, Nicom. III, 2. Ainsi je les tiendrai tous les deux en contrainte, L'un par mon alliance et l'autre par la crainte, Corneille, Attila, I, 1. Enfin je me vois libre et je puis sans contrainte De mes vives douleurs te faire voir l'atteinte, Corneille, Cid, III, 3. Laissez un peuple au moins qui puisse quelquefois Applaudir sans contrainte au bruit de vos exploits, Racine, Alex. II, 2. De ses fausses bontés j'ai connu la contrainte, Racine, Mithr. IV, 2. C'est une étrange chose, à vous parler sans feinte, Qu'une femme qui n'est sage que par contrainte, Molière, Éc. des maris, I, 2. Par ses soins le mariage deviendra si libre, qu'il n'y aura plus à se plaindre de ses contraintes et de ses incommodités, Bossuet, dans LAVEAUX. Mais le reste du monde, esclave de la crainte, A besoin qu'on l'opprime et sert avec contrainte, Voltaire, Alz. I, 1. Mais non vous affranchir d'un reste de contrainte…, Delavigne, Vêp. sicil. III, 5.

    Par analogie. Mais un autre intérêt tient ma joie en contrainte, Corneille, Hor. II, 1. Quelle crainte Tient parmi vos transports votre joie en contrainte ? Racine, Brit. V, 1.

  • 6Retenue qu'imposent le respect, les convenances, des circonstances particulières. Le chagrin que vous allez avoir de quitter Grignan pour la contrainte des villes, Sévigné, 223. L'amour fuit la contrainte De tous ces noms que suit le respect et la crainte, Racine, Bérén. II, 4. Mais enfin bannissez cette importune crainte Qui dans nos entretiens jetait trop de contrainte, Racine, Baj. I, 1. Cependant voulez-vous qu'avec moins de contrainte L'un et l'autre une fois nous nous parlions sans feinte ? Racine, Brit. I, 2. La chasse s'étant passée dans une contrainte perpétuelle, Fénelon, Tél. VII. À mon silence, à mon air de contrainte, Irène apprit mon penchant et ma feinte, Malfilâtre, Narcisse, ch. III.

HISTORIQUE

XIVe s. Et aucunes operacions sont lesquelles l'en ne doit faire pour nulle contrainte ne pour nulle paour, Oresme, Eth. 49. Très dous pensers en li empraint, Par sa force et par sa contrainte, De ce qu'il vuet amer l'emprainte, Machaut, p. 26.

XVe s. Ils respondirent que par contrainte et sur menaces de mort, le duc d'Anjou les avoit fait devenir françois, Froissart, II, II, 8. Et là demeura de sa volonté, et sans contrainte, à ses propres despens par l'espace de quatre mois, Bouciq. I, chap. 15.

XVIe s. Cette fille avoit eu peur qu'enfin il en veinst à la contraincte, Montaigne, II, 5. Là où il estoit besoing de cette contrainte, il condemnoit à l'amende ceulx qui y faisoient faulte, Amyot, Philop. 11. Nos Allemans furent contraints de se retirer vers une cassine, tenans bataille avecques monsieur de St-Pol au mieux qu'il estoit possible, pour la contraincte du lieu, Du Bellay, M. 157. C'est dur ennui que la contrainte, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 262.

ÉTYMOLOGIE

Le participe passé contraint. L'ancien français avait constraignance et constreignement.