« contraindre », définition dans le dictionnaire Littré

contraindre

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

contraindre

(kon-trin-dr'), je contrains, tu contrains, il contraint, nous contraignons, vous contraignez, ils contraignent ; je contraignais ; je contraignis ; je contraindrai ; contrains, qu'il contraigne, contraignons ; que je contraigne, que nous contraignions ; que je contraignisse ; contraignant ; contraint v. a.
  • 1Serrer, presser, mettre à l'étroit. Vieux en ce sens. Sa chaussure le contraint si fort…
  • 2Tenir dans la contrainte, gêner. Il ne contraint plus l'inclination qu'il a pour elle, Sévigné, 402. La violence que chacun se fait à contraindre ses larmes, La Bruyère, I. Tout ce qui vous passe et vous égale vous contraint et vous gêne, Massillon, Carême, Pardon des offenses. Pour moi, loin de contraindre un si juste courroux, Racine, Andr. IV, 5. Contraindrez-vous César jusque dans ses amours ? Racine, Brit. III, 4. Ne les contraignons point, Doris, retirons-nous, Racine, Iphig. II, 1. Mais laissez-moi de grâce un peu de solitude, Et ne contraignez point ma triste inquiétude, Racine, Théb. V, 3. Mais le peuple, indigné que la loi le contraigne, Voudrait être séduit et flatté comme un roi, Masson, Helvétiens, VI.
  • 3Forcer quelqu'un à agir contre sa volonté. Qui livrait Annibal pourra bien vous contraindre, Corneille, Nic. I, 1. Le respect me force à me taire, la reconnaissance m'y oblige, l'autorité m'y contraint, D'Alembert, Synonymes.

    Contraindre à, avec un infinitif. Elle a pour premier point Exigé qu'un époux ne la contraindrait point à traîner après elle un pompeux équipage Ni surtout de souffrir…, Boileau, Sat. X. Non, je ne vous veux pas contraindre à l'oublier, Racine, Athal. II, 7.

    Contraindre de, avec un infinitif. Deux horribles naufrages contraignirent les Romains d'abandonner l'empire de la mer aux Carthaginois, Bossuet, Hist. I, 8. Henriette, d'un si grand cœur, est contrainte de demander du secours, Bossuet, Reine d'Anglet. Si ses exploits divers Ne me contraignaient pas de voler à toute heure Au bout de l'univers, Racine, Poésies diverses, la Renommée. Et lui-même au torrent est contraint de céder, Racine, Iph. V, 3.

    Par analogie. Contraindre ses soupçons au silence, Voltaire, Catil. I, 3.

  • 4 Terme de droit. Forcer quelqu'un par voie de justice. Contraindre par corps, par saisie de biens.
  • 5Se contraindre, v. réfl. Se gêner, se retenir. Mon père est satisfait, cesse de te contraindre, Corneille, Cid, V, 6. Je dois donc me contraindre, et j'y suis résolu, Corneille, Sertor. IV, 3. Il ne pouvait se contraindre sur si peu de chose, Hamilton, Gramm. 4. Tu vois trop mon rival et tu me vois trop peu ; Il faudrait, pour ton bien, sur cela te contraindre ; Tu crois faire durer son feu, Et tu travailles à l'éteindre, Chaulieu, à Mme D. L'impatient Néron cesse de se contraindre ; Las de se faire aimer, il veut se faire craindre, Racine, Brit. I, 1. Mais hélas ! leur fureur ne pouvait se contraindre, Racine, Théb. V, 2. Son mépris pour les amusements de l'empereur ne se contraignait pas même en public, Diderot, Ess. s. Claude. Il embarrasse tout le monde, ne se contraint pour personne, ne plaint personne, La Bruyère, XI.

    Se contraindre d'une chose, ne pas la faire. S'il vous vient un petit conte à la traverse, ne vous en contraignez pas, Sévigné, t. IV, lett. 346, p. 77, dans POUGENS.

    Se contraindre de, suivi d'un infinitif. Je ne me contraignis pas devant lui de répandre quelques larmes, Sévigné, t. VII, lett. 703, p. 223, dans POUGENS.

    PROVERBE

    La nécessité contraint la loi, c'est-à-dire elle oblige à l'enfreindre.

REMARQUE

1. Les auteurs ont employé indifféremment contraindre à et contraindre de, avec un infinitif, ne consultant en cela que l'oreille. Les autres distinctions ne paraissent que des subtilités.

2. Contraindre étant formé de con-stringere, comme restreindre l'est de re-stringere, et étreindre, de stringere, l'Académie devait écrire contreindre.

SYNONYME

CONTRAINDRE, FORCER. Ces deux verbes expriment que l'on agit contre son gré. La nuance est que forcer indique une action plus forte que moi, qui me domine, qui me fait force, tandis que contraindre exprime simplement un obstacle opposé à ma volonté, quelque chose qui me serre, qui me lie. C'est là la nuance qui distingue ces deux verbes, tout en permettant de les confondre en bien des cas.

HISTORIQUE

XIIe s. La grace Deu vus fist enceindre e coruner ; Pur ço vus devez mult constraindre e guverner ; E tute vostre vie en buens murs [mœurs] afermer, Que vus puissiez as autres buens essamples duner, Th. le mart. 78.

XIIIe s. Tele pot ele estre [la convention] que Jehans doie estre constrains au tenir, Beaumanoir, VI, 6. En tel cas convenroit il que li juges contrainsist le dit Pierre à delaissier l'une de ces deux resons, Beaumanoir, IX, 5. Et se li baillis ou li prevos le contraint d'aler avant par prise de cors ou de biens, Beaumanoir, VI, 38. Si vous requerons, sire, que vous commandez à vos baillifs et à vos serjans que il contreingnent les escommeniez an et jour, parquoy il facent satisfaction à l'eglise, Joinville, 290. Il sembloit que la galie volast par les nageurs qui la contreingnoient aus avirons, Joinville, 215. Et se vous m'en osés contraindre…, la Rose, 11334.

XIVe s. Nul mescreant ne doibt estre contrainct par guerre ne aultrement, pour venir à la foi catholique ; et semble que contre les mescreans qui nous guerroient, seulement, nous deussions faire guerre, et non contre les aultres qui veulent estre en paix, Songe du Vergier, I, 54. Telles choses ne contraignent à mal faire nul homme qui ait en soy usage de raison, Oresme, Eth. 73. En cest degré de fortitude pevent estre contenus soldoiers et touz ceulx lesquiex convoitise de pecune contraint à combatre, Oresme, ib. 84. Et pour ce advient souvent que il ont contencions ensemble et veulent contraindre l'un l'autre à faire justice, Oresme, ib. 273. Ne de plus ne les pourrions contraindre [exiger davantage], Du Cange, auxilium. Vous me contraignez à ce qui en mon courage ne peut oncques mais estre, Ménagier, I, 6.

XVe s. À chose qui touche l'ame et la conscience, on ne doibt homme contraindre par force, Bouciq. III, ch. 3. Et especialement les six freres Gisebert Mahieu… estoient plus durs et plus contraints que tous les autres, Froissart, II, II, 52. Entrementes que le roi d'Angleterre seoit devant la cité de Cambray à bien quarante mille hommes, et que moult la contraignoit d'assaut et de plusieurs faits d'armes, Froissart, I, I, 84. Et avoient [les Anglais] en l'ost bien quatre cents canons, qui contraindoient durement ceux de dedans, Froissart, II, II, 29. Par vraie amour qui l'enyvra [Jésus] Et qui le contraint [contraignit] à ce faire [souffrir la passion] Pour nous et no vie refaire, Deschamps, Poésies mss. f° 540, dans LACURNE. Et si ne pouvions passer que devant eux, tant estoit le lieu contraint, Commines, VIII, 5. Le siege n'estoit pas encores si contraint, qu'on ne peust aller et saillir dehors, Commines, VIII, 7.

XVIe s. Il fut contrainct de suyvre le comte, Montaigne, I, 25. La durée du mariage est contraincte et forcée, Montaigne, I, 210. Ils allerent à la charge, le sang figé et les membres contraincts de froid, Montaigne, I, 261. Qui veult faire sa despense juste, la faict estroicte et contraincte, Montaigne, IV, 79. S'il luy eust pleu que je feusse demourée avecques la royne, il sait bien que je n'ay affaire sy contraint que je n'eusse laissé, Marguerite de Navarre, Lett. 147. J'avois du tout laissé le Creneche [le vin de Grenache] ; mais j'ay esté contrainte de le reprendre quant c'est venu sur le terme des trois mois, Marguerite de Navarre, ib. 149. Et luy fault ung grand repous, qu'elle se contraint à prendre pour se fortifier, Marguerite de Navarre, ib. 139. C'est aller à la boucherie, et pour un affaire qui n'est point si fort contraint qu'il ne se puisse bien differer à un autre temps, Despériers, Contes, XLVI. Les magistrats contraindrent l'evesque d'exhiber deniers, Palissy, 104. Romulus fut contraint de se retirer un peu en arriere de la meslée, Palissy, Rom. 28. Il se contraignit à l'endurer pour quelque temps à cause de la reverence qu'il portoit à son frere, Palissy, Lucul. 76. Tout votre peuple ni vous ne scauriez contraindre un Potier à fleschir les genoux devant des statues, D'Aubigné, Conf. II, 7. On ne peut contraindre celui qui sçait mourir, D'Aubigné, ib. En voulant contraindre les autres de recevoir leurs opinions, Lanoue, 101.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. costraigner ; catal. constrenyer ; espagn. constreñir ; portug. constranger, constringir ; ital. constringere, costrignere ; du latin constringere, de cum et stringere (voy. ÉTREINDRE).