« crime », définition dans le dictionnaire Littré

crime

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

crime

(kri-m') s. m.
  • 1Très grave infraction à la morale ou à la loi, ou punie par les lois, ou réprouvée par la conscience. Le crime de meurtre, de faux. Un crime politique. Crime de trahison, de lèse-majesté. Il y a quatre sortes de crimes : ceux de la première espèce choquent la religion ; ceux de la seconde, les mœurs ; ceux de la troisième, la tranquillité ; ceux de la quatrième, la sûreté des citoyens, Montesquieu, Espr. XII, 4. Les crimes contre la religion doivent être punis par la privation des biens que la religion procure ; les crimes contre les mœurs, par la honte ; les crimes contre la tranquillité publique, par la prison ou l'exil ; les crimes contre la sûreté, par les supplices, D'Alembert, Anal. Espr. des lois, Œuvres, t. VI, p. 310, dans POUGENS. Toute l'horreur du crime a sa source dans l'âme, Tristan, Mort de Chrispe, II, 1. Règne, de crime en crime enfin te voilà roi, Corneille, Rod. V, 4. Celui-là fait le crime à qui le crime sert, Corneille, Médée, III, 3. C'est ce qu'on nomme crime et ce qu'il a puni, Corneille, Hor. V, 3. Non qu'en un coup d'État je n'approuve le crime ; Mais, s'il n'est nécessaire, il n'est point légitime, Corneille, Pomp. I, 1. À tout prix un grand cœur achète un grand crédit, Et tout crime est permis lorsqu'il vous agrandit, Rotrou, Bélis. II, 8. Ainsi que les vertus, les crimes enchaînés Sont toujours ou souvent l'un par l'autre traînés, Rotrou, Vencesl. IV, 6. Et pour ce cœur instruit par une âme si noire, Des crimes éclatants ressemblent à la gloire, Brébeuf, Phars. VIII. Le crime heureux fut juste et cessa d'être crime, Boileau, Sat. X. J'ai conçu pour mon crime une juste terreur ; J'ai pris la vie en haine, et ma flamme en horreur, Racine, Phèd. I, 3. Quelques crimes toujours précèdent les grands crimes, Racine, ib. IV, 2. Je veux de tout le crime être mieux éclairci, Racine, ib. V, 4. Si de vos flatteurs vous suivez la maxime, Il vous faudra, seigneur, courir de crime en crime, Racine, Brit. IV, 3. A-t-on tant de vertus après un si grand crime ? Voltaire, Sémiram. IV, 2. … Les crimes secrets ont les dieux pour témoins, Voltaire, ib. V, 8. Quand le crime est sans fruit, on n'aime plus le crime, Chénier M. J. Gracques, II, 3. Est-ce un dieu qui trompe le crime ? Toujours d'une auguste victime Le sang est fertile en vengeur ! Toujours, échappé d'Athalie, Quelque enfant que le fer oublie, Grandit à l'ombre du Seigneur, Lamartine, Méd. I, 15. La fortune toujours du parti des grands crimes, Les forfaits couronnés devenus légitimes, Lamartine, ib. I, 7.

    Crime contre nature, se dit des crimes qui outragent la nature, le parricide par exemple, et quelquefois, plus particulièrement, des débauches contre nature. Cette soif insatiable de l'or a donné naissance au plus infâme, au plus atroce de tous les commerces, celui des esclaves ; on parle des crimes contre nature et l'on ne cite pas celui-là comme le plus exécrable, Raynal, Hist. phil. XIX, 15.

    Crime d'État, crime commis contre la sûreté de l'État et aussi crime politique, crime qui a pour but de conserver ou de prendre le pouvoir. Quand le crime d'État se mêle au sacrilége, Le sang ni l'amitié n'ont plus de privilége, Corneille, Poly. III, 3. Tous ces crimes d'État qu'on fait pour la couronne, Corneille, Cinna, V, 2. J'en saurai près de lui faire un crime d'État, Corneille, Théod. V, 7. On n'attend point alors qu'il s'ose tout permettre, C'est un crime d'État que d'en pouvoir commettre, Corneille, Nicom. II, 1.

    Fig. Faire un crime d'État de quelque chose, y attacher un blâme excessif, injuste. Et d'un mot innocent faire un crime d'État, Boileau, Sat. IX.

    Terme de jurisprudence. Infraction punie d'une peine afflictive ou infamante et jugée par la cour d'assises, par opposition à délit ou simple contravention.

  • 2En général, faute, acte répréhensible. L'ingratitude est un crime. Jésus-Christ a porté la peine de nos crimes. Hélas ! si jeune encore, Par quel crime ai-je pu mériter mon malheur ? Racine, Esther, I, 5. Des offenses d'autrui malheureuses victimes, Que nous servent, hélas ! des regrets superflus ? Nos pères ont péché, nos pères ne sont plus, Et nous portons la peine de leurs crimes, Racine, ib. Vous qui deviez être mon sauveur, vous devenez mon crime, Massillon, Av. Disp. Vous nous dites si souvent que votre conscience ne vous reproche pas de grands crimes, que vous n'êtes ni bon ni mauvais, et que votre seul péché c'est l'indolence et la paresse, Massillon, Avent, Jag. univ. Le crime est d'obéir à des ordres injustes, Voltaire, Orphel. III, 3.
  • 3 Par exagération, action blâmable. C'est un crime d'avoir abattu de si beaux arbres. Le clergé a trouvé des terres incultes : il y a fait croître des moissons… il a appliqué ses revenus à des monuments publics, vous l'accusez à la fois du crime de deux bienfaits, Chateaubriand, Génie, IV, VI, 8.

    Faire un crime à quelqu'un d'une chose, 'en blâmer et souvent avec injustice. Ô ciel ! m'auriez-vous fait un crime De cette insensibilité ? Molière, Psyché, II, 4. Il vous fait un crime des choses les plus innocentes, Fénelon, Tél. VII. Mais les républicains ne se font pas un crime D'immoler un tyran, Voltaire, Triumv. II, 2. Gourmands, cessez de nous donner La carte de votre dîner ; Tant de gens qui sont au régime Ont droit de vous en faire un crime, Béranger, Gourm.

    Voir du crime à une chose, blâmer, incriminer une chose innocente ou indifférente. Un détail que certaines gens qui voient du crime à tout ne manqueraient pas d'accuser d'irréligion, Diderot, Lett. sur les aveugles.

    Imputer à crime, accuser quelqu'un de quelque chose comme d'un crime.

    Son crime est, tout son crime est, se dit de légers manquements qu'on veut atténuer contre des gens qui les exagèrent. Tout mon crime est d'avoir parlé avec trop de franchise.

    Ce n'est pas un grand crime, est-ce donc un grand crime ? se dit pour atténuer un reproche excessif au sujet de quelque infraction que nous regardons comme légère ou même comme indifférente.

    Tenir à crime, regarder comme un crime. Mais je tiendrais à crime une telle pensée, Corneille, Héracl. II, 7.

  • 4 Fig. Au sing. nom collectif de ceux qui sont criminels. Je ne sais de tout temps quelle injuste puissance Laisse le crime en paix et poursuit l'innocence, Racine, Andr. III, 1. C'est ainsi que le crime, à lui-même odieux, Jusque dans son repos se trahit à ses yeux, Ducis, Abuf. IV, 1.
  • 5Vie de désordre. L'habitude du crime. Être porté au crime. Être endurci dans le crime. Ainsi que la vertu, le crime a ses degrés, Racine, Phèd. IV, 2. Le crime quelques fois suit de près l'innocence, Voltaire, Fanat. III, 3. Du crime ainsi toujours le crime ouvre la route, Lemercier, Agam. V, 11.

HISTORIQUE

XIVe s. Pour quelque crim ou excès, se le crim n'est capital, Ordonn. des rois de France, t. V, p. 706.

XVe s. Cas de crime est trop vilain, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 256.

XVIe s. Le roy voyant la grant crime et forfaict Que Genevoys envers luy avoient faict, Marot, J. V, 24.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et catal. crim ; espagn. crimen, portug. crime ; ital. crimine ; du latin crimen, grec ϰρῖμα, jugement, de ϰρίνειν, juger (voy. CRISE).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

CRIME. - HIST. Ajoutez : XIIe s. De tanz crimnes [un archevêque] fu acusez E de tanz lais vizes provez Que la croce ne pout tenir, Benoit de Sainte-Maure, Chronique des ducs de Normandie, V. 35 109, t. III, p. 116.

XIIIe s. Cis rois Clotaires fu douzimes, Et moult haï, felons et crismes, Ph. Mouskes, Chronique, V. 1564.