« idole », définition dans le dictionnaire Littré

idole

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idole

(i-do-l') s. f.
  • 1Figure, statue représentant une divinité et exposée à l'adoration. Une idole de pierre, de bois. Les prêtres des idoles. Si nous ne courbons les genoux Devant une muette idole, Racine, Esth. II, 9. Si personne ne sait quand les hommes commencèrent à se faire des idoles, on sait qu'elles sont de l'antiquité la plus haute, Voltaire, Dict. phil. Idolâtrie.

    Fig. Ces pasteurs cruels… qui font servir les trésors du sanctuaire à des décorations profanes, qui érigent des idoles des débris de l'autel…, Massillon, Or. fun. Villars.

    La divinité même que l'idole représente. Jusque à quand, trompeuse idole [Fortune], D'un culte honteux et frivole Honorerons-nous tes autels ? Rousseau J.-B. Ode à la Fortune.

    Fig. Fléchir le genou devant l'idole, se courber devant une personne riche, puissante, etc. On crut que tout fléchirait devant cette idole de la cour, Patru, Plaid. 13, dans RICHELET. On ne sait pas combien il reste de bonnes gens qui n'ont pas fléchi le genou devant l'idole, Rousseau, Ém. V.

    Dans le style élevé. Idole d'iniquité, l'iniquité considérée comme une idole que l'on sert. Elle renonce à cette idole d'iniquité qu'elle s'est faite dans sa colère, Patru, Plaid. 2, dans RICHELET.

  • 2 Fig. Personne à qui on prodigue les honneurs, les louanges. Il y a toujours eu, dans les cours, des idoles et des idolâtres, Guez de Balzac, le Prince, 5. Au premier imposteur… Qui… Voudra servir d'idole à son zèle charmé, Corneille, Héracl. I, 1. Quelle erreur à une chrétienne, et encore à une chrétienne pénitente, d'orner ce qui n'est digne que de son mépris, de peindre et de parer l'idole du monde, de retenir comme par force et avec mille artifices autant indignes qu'inutiles, ces grâces qui s'envolent avec le temps ? Bossuet, Anne de Gonz. Quelle créature fut jamais plus propre à être l'idole du monde ? mais ces idoles que le monde adore, à combien de tentations délicates ne sont-elles pas exposées ? Bossuet, Duch. d'Orl. Ces petites délicatesses qu'on remarque en la plupart des grands, auprès de qui un simple oubli est un crime qu'à peine mille soins et de longues assiduités peuvent expier ; vaines idoles qu'on ne peut aborder qu'en rampant…, Massillon, Villars. Il n'est point de prince ni de grand, malgré la bassesse et le déréglement de ses mœurs et de ses penchants, à qui de vaines adulations ne promettent la gloire… il est vrai que le monde, qui avait élevé ces idoles de boue, les renverse lui-même le lendemain, Massillon, Petit carême, Gloire.

    L'idole du jour, de la veille, personne qui excite l'enthousiasme, l'admiration aujourd'hui, qui l'excitait hier.

  • 3Personne qui est l'objet d'une affection excessive. Que je faisais de vous une idole dans mon cœur, Sévigné, 48. Le prince [le duc du Maine] est l'idole du roi ; plus sa tendresse pour le fils augmente, plus il semble que son amour pour la mère [Mme de Montespan] diminue, Maintenon, Lett à Mme de St Géran, 28 oct. 1679. Te voilà seul avec toi-même qui étais ton idole, Fénelon, Tél. XVIII. Quand je fus de retour auprès de ma mère, j'avais tellement l'air de la cour et du monde qu'elle eut du respect pour moi, au lieu de me gronder de mon entêtement pour les armes ; j'étais son idole, Hamilton, Gramm. 9. Le cœur… se lasse de ses propres idoles, Massillon, Carême, Pécheresse. Le duc de Guise était l'idole des troupes et du parti catholique, Saint-Simon, 374, 3. Gustave Vasa, le héros et l'idole de la Suède, Voltaire, Mœurs, 119. Blanca de Sivar était l'idole de son père, Chateaubriand, Dern. Abenc.
  • 4Ce qui fait le sujet de l'affection, de la passion de quelqu'un. Cet honneur a toujours été l'idole des hommes, Pascal, Prov. 14. Je veux me faire une idole de la réputation et de l'amitié, Fénelon, t. XVIII, p. 36. Il y a longtemps que les hommes, toujours vains, font leur idole de la gloire, Massillon, Petit car. Gloire.
  • 5Il se dit d'un homme qui se tient à ne rien faire. Il est là comme une idole. D'abord nous n'avons su non plus que d'une idole Lui tirer de la bouche une seule parole, Mairet, Soliman, III, 8. Et de n'entrevoir point de plaisirs plus touchants Qu'une idole d'époux et des marmots d'enfants, Molière, Femmes sav. I, 1. Lysimon : Le second de mes fils n'est qu'une franche idole ; Vous le savez. - Pyrante : Eh bien ? - Lysimon : J'en ai fait un abbé, Destouches, Irrésolu, I, 1.

    Une idole, en parlant d'une femme, celle qui n'a guère d'esprit et qui paraît insensible comme une statue. Elle est belle, mais c'est une idole, une vraie idole. Poppée est bien [dans son buste] la jolie idole que devait élever puis briser un caprice de Néron, Ampère, Hist. rom. à Rome, Introd. p. LV.

  • 6Idole des Maures, poisson de la mer des Indes.

    Idole des nègres, boa devin.

    Coquille univalve.

REMARQUE

Le genre de ce mot a varié ; idole est masculin dans Corneille, dans la Fontaine : Et Pison ne sera qu'un idole sacré Qu'ils tiendront sur l'autel pour répondre à leur gré, Corneille, Othon, III, 1. Jamais idole, quel qu'il fût, N'avait eu cuisine si grasse, La Fontaine, Fabl. IV, 8. Chifflet disait qu'idole était mieux au masculin, Gramm. p. 249. Il est féminin dans Malherbe : Telle qu'une plaintive idole, III, 1. C'est ce genre qui a prévalu. Ceux qui faisaient idole masculin obéissaient à l'étymologie (latin idolum) ; ceux qui le faisaient féminin obéissaient à la terminaison, qui est féminine.

HISTORIQUE

XIe s. Touz les yd les que il seult adorer, Ch. de Rol. CLXXXV. [Ils] Froissent ymages et toutes les ydeles, ib. CCLXVIII.

XIIe s. Li pecchiez de ydle aürer [adorer], Rois, p. 56.

XIIIe s. Ne ne revoil dire, biau prestre, Où tex [telles] ydoles ont lor estre, la Rose, 18460. Et dès ce commencement les gens aorerent les ydles, Latini, Trés. p. 31.

XVIe s. Si un homme se pouvoit nourrir d'or, o que ce seroit un bel idole ! Palissy, 226. Ore en mes bras, ore devant mes yeux, Tu fais errer l'idole [l'image] de ma dame, Ronsard, 17. Brisant les idoles feints De tes mains, De leurs dieux tu seras maistre, Ronsard, 443. Masques de rois, idoles animées, Et non pasteurs ny princes des armées, Ronsard, 652. Embrassant pour le vrai l'idole du mensonge, Ronsard, 256. Ignorez-vous que, quand cette idole de M. l'eschevin aura donné le mot, qu'ils ne le changent pas entre eux ? Carloix, IV, 14.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et ital. idola ; espagn. et portug. idolo ; du lat. idolum ; qui vient du grec εἴδωλον, image, statue, idole ; de même radical que εἶδος, forme, idée (voy. IDÉE). Dans idōlum, l'accent est sur do, et la forme régulière est, en français, idole ; cependant, en de très anciens textes, on trouve idle ; il faut donc admettre qu'il y a eu, dans la latinité, du moins à l'époque de formation des langues romanes, une prononciation avec accent sur i conforme à l'accentuation grecque ; comparez ENCRE, qui offre un cas pareil.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

IDOLE. - REM. Corneille qui a fait idole du masculin, l'a fait aussi du féminin : Angélique n'a point de charmes Pour me défendre de vos coups ; Ce n'est qu'une idole mouvante, Place Royale, II, 3. Malherbe, qui l'a fait féminin, l'a fait aussi masculin : Votre honneur, le plus vain des idoles, t. I, p. 227, éd. Regnier.