« impossible », définition dans le dictionnaire Littré

impossible

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

impossible

(in-po-si-bl') adj.
  • 1Qui ne peut être, qui ne peut se faire. Tout ce qui n'est pas aisé, ils [les lâches conseillers] le nomment impossible, Guez de Balzac, De la cour, 5e disc. À qui sait bien aimer il n'est rien d'impossible, Corneille, Médée, V, 8. J'eusse eu tort de tenter un espoir impossible, Rotrou, Bélis. IV, 2. Le miracle qu'elle attendait est arrivé : elle croit, elle qui jugeait la foi impossible ; Dieu la change par une lumière soudaine, Bossuet, Anne de Gonz. Il est, dit-elle, impossible de s'imaginer les étranges peines de mon esprit sans les avoir éprouvées, Bossuet, ib. Une hardiesse sage et réglée… qui se mesure avec ses forces, qui entreprend les choses difficiles et ne tente pas les impossibles, Fléchier, Turenne. Ce qui est impossible à ma nature si faible, si bornée, et qui est d'une durée si courte, est-il impossible dans d'autres globes, dans d'autres espèces d'êtres ? Voltaire, Philos. ignor. quest. 12e. Bien des choses ne sont impossibles que parce qu'on s'est accoutumé à les regarder comme telles, Duclos, Consid. mœurs, ch. 2. Mais qui peut du tonnerre expliquer les effets ? Impossible est un mot que je ne dis jamais, Collin D'Harleville, Malice pour malice, I, 8.

    Il est impossible que, avec le subjonctif. Il est impossible, dit-il [saint Paul], qu'une telle âme [celle qui est tombée après avoir connu la lumière] soit renouvelée par la pénitence ; impossible : quelle parole ! Bossuet, Anne de Gonz. Mais je vois présentement que je courais un grand hasard, et qu'il n'était pas impossible que je demeurasse sans aucun bien, Fontenelle, Athénaïs, Icasie. Des particuliers avaient des richesses immenses, et il est impossible que les richesses ne donnent du pouvoir, Montesquieu, Rom. 8.

    Elliptiquement. Impossible, cela ne se peut. Ces raisons, me les direz-vous ? reprit Oswald. - Impossible, s'écria Corinne, impossible, Staël, Corinne, VI, 4.

  • 2 Par extension, qui est très difficile. Il est impossible, quelque résolution que l'on fasse, de n'être pas un peu alarmée des désordres de la poste, Sévigné, 391.
  • 3 Terme de politique. Qui ne peut être employé dans telle ou telle position, ne peut entrer dans telle ou telle combinaison de gouvernement. Il s'est rendu impossible.
  • 4 S. m. L'impossible, ce qui ne peut être fait, advenir. Qui doute que vous ne le puissiez, et qui ne sait que pour votre esprit il n'y a point d'impossible ? Voiture, Lett. 55. Ce beau feu dont pour vous mon cœur est embrasé Trouvera tout possible et l'impossible aisé, Rotrou, Vencesl. V, 2. Alléguer l'impossible aux rois, c'est un abus, La Fontaine, Fabl. VIII, 3. Que si l'homme, qui n'est que faiblesse, tente l'impossible [par amour], Dieu, pour contenter son amour, n'exécutera-t-il rien d'extraordinaire ? Bossuet, Anne de Gonz. L'impossible, qui, par manière de parler, a deux degrés de néant, puisque ni il n'est ni il ne peut être, ce qui est par là, si on veut, au-dessous du néant même…, Bossuet, Ét. d'orais. IX, 2. Je n'examinais rien, j'espérais l'impossible, Racine, Bérén. IV, 5. Sans cette audace [courage d'esprit], un faux impossible s'étendrait presque à tout, Fontenelle, Chazelles. Etes-vous obligé à l'impossible pour vous sauver ? Massillon, Carême, Voc.

    Par exagération. Faire l'impossible, façon hyperbolique d'assurer qu'on fera tout ce qu'on peut. Et tu sais que mon âme, à tes ennuis sensible, Pour en tarir la source y fera l'impossible, Corneille, Cid, II, 3. Si vous m'aimez, ma fille, et si vous croyez vos amis, vous ferez l'impossible pour venir cet hiver, Sévigné, 170. Il portait une lettre du roi, que j'ai vue, toute remplie de ce qui fait obéir, et courir, et faire l'impossible, Sévigné, 574.

    Réduire quelqu'un à l'impossible, en exiger ce qu'il ne peut faire, et, en termes de logique, le réduire à ne pouvoir répondre sans tomber en contradiction.

    Familièrement. Gagner l'impossible, perdre l'impossible, etc., gagner beaucoup, perdre beaucoup.

  • 5Par impossible, en faisant une supposition qui paraît impossible ou tout à fait improbable. Le monde eût été mauvais si, par impossible, il eût été créé sans l'incarnation du Verbe, Fénelon, t. III, p. 156.

    Terme de scolastique. Supposition par impossible, supposition dans laquelle on pose une alternative impossible.

    PROVERBE

    À l'impossible nul n'est tenu.

REMARQUE

Pascal et Sévigné ont dit plus impossible, bien que cet adjectif soit négatif et contienne quelque chose d'absolu : Rien n'est plus impossible que cela, Pascal, dans COUSIN. Je sais que c'est pour le petit moment que nous sommes en cette vie que nous voudrions être heureux ; mais il faut se persuader qu'il n'y a rien de plus impossible, Sévigné, Lett. à Bussy, 13 août 1688. Le latin a dit impossibilior (QUICHERAT, Addenda).

HISTORIQUE

XIVe s. C'estoit impossible et non creable que li Volques peussent…, Bercheure, f° 54, recto.

XVe s. Ils rapporterent qu'ils estoient tellement fortifiez que impossible chose seroit d'y rien faire qui peust proficter, Juvénal Des Ursins, Charles VI, 1420. [Il] s'adresse vers la plus grant huée, là où le chevalier au griffon faisoit droit impossible d'armes, Perceforest, t. I, f° 146.

XVIe s. La difference entre l'impossible et l'inusité, Montaigne, I, 202. Contraindre à quelque rançon excessifve et impossible, Montaigne, II, 55. Il les mena batant jusques en des lieux dont il estoit impossible que gens de cheval se peussent tirer, Amyot, Pompée, 11.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. impossible ; espagn. imposible ; portug. impossivel ; ital. impossibile ; du lat. impossibilis, de in négatif, et possibilis, possible.