« obscurcir », définition dans le dictionnaire Littré

obscurcir

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obscurcir

(ob-skur-sir) v. a.
  • 1Priver de clarté. Les ombres par trois fois ont obscurci les cieux, Racine, Phèdre, I, 3. Mille noires vapeurs obscurcissent le jour, Rousseau J.-B. Cantate, Circé. Ces oiseaux [les freux] vont par troupes très nombreuses, et si nombreuses que l'air en est quelquefois obscurci, Buffon, Ois. t. V, p. 77.

    Par extension. Madame, ou je me trompe, ou durant vos adieux Quelques pleurs répandus ont obscurci vos yeux, Racine, Brit. V, 3.

  • 2 Fig. Rendre peu intelligible. Ces sortes d'abstractions [notions abstraites réalisées] ont infiniment obscurci tout ce qu'on a écrit sur la liberté, question où bien des plumes ne paraissent l'être exercées que pour l'obscurcir davantage, Condillac, Conn. hum. sect. 5.
  • 3 Fig. Ternir, ôter du lustre. Ce grand nom d'Hasdrubal n'est-il pas obscurci ? Et de mes lâchetés ne l'ai-je point noirci ? Mairet, Mort d'Asdrub. III, 4. La splendeur de leurs noms en est-elle obscurcie ? Corneille, Cinna, I, 3. Voulez-vous de vos pleurs obscurcir le renom ? Rotrou, Herc. mour. V, 1. D'autant que les jansénistes n'obscurcissent non plus l'éclat de la Société [des jésuites] qu'un hibou celui du soleil, Pascal, Prov. VII. Quintilien, en parlant de Ménandre, ne craint point de dire que, par l'éclat de son nom et la beauté de ses ouvrages, il a obscurci ou plutôt effacé la gloire de tous ceux qui ont écrit dans le même genre, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. V, p. 142, dans POUGENS. Leurs cruautés [des conquérants de l'Amérique], mon fils, ont obscurci leur gloire, Voltaire, Alz. I, 1.
  • 4 Fig. Cacher, voiler comme d'un nuage. Jamais l'envie n'a obscurci dans mes écrits la justice et la vérité, Marmontel, Mém. X.
  • 5 Fig. Ôter la clarté aux lumières, la vivacité au sentiment. Je me console des inquiétudes qui viennent brouiller la joie de vous voir bientôt à Paris, par la crainte que j'aurais de quelque accident imprévu, si cette joie était toute pure et toute brillante ; je me la laisse donc obscurcir, afin qu'à la faveur de quelques tribulations je puisse en approcher avec plus de sûreté, Sévigné, 6 oct. 1680. Opposé non-seulement aux brigues et aux partialités qui corrompent l'intégrité de la justice et aux préventions qui en obscurcissent les lumières, mais encore aux voies irrégulières et extraordinaires, Bossuet, le Tellier. Ah ! que je crains les funestes nuages Qui de ce prince obscurcissent les yeux ! Racine, Esth. II, 9.
  • 6 Fig. Rendre aveugle intellectuellement. Il y a [dans les prophéties et les miracles] de l'évidence et de l'obscurité, pour éclairer les uns et obscurcir les autres, Pascal, Pens. XXIV, 18, éd. HAVET.
  • 7S'obscurcir, v. réfl. Perdre de sa clarté. Le temps s'obscurcit. Le soleil s'obscurcira, la terre tremblera, tous les éléments seront dans la confusion, Bourdaloue, Myst. Passion de J. C. t. I, p. 228.

    Fig. Sachant combien sa connaissance [de l'homme] s'est obscurcie par les passions, Pascal, Pensées, t. I, p. 250, édit. LAHURE.

  • 8Perdre de la faculté de voir. La vue s'obscurcit. Les yeux d'Héli s'étaient obscurcis, et il ne pouvait voir, Sacy, Bible, Rois, I, 3.

    Fig. La raison s'obscurcit.

  • 9Devenir plus foncé, plus brun, en parlant des couleurs. Les couvertures des ailes sont bordées de brun, et les grandes pennes vont toujours s'obscurcissant de plus en plus, de la base à la pointe où elles sont presque noires, Buffon, Ois. t. VIII, p. 210.

    Fig. Il se dit de la physionomie, sous l'impression du mécontentement, de la tristesse, etc. À cette confidence le front du baron s'obscurcit, Genlis, Vœux téméraires, t. I, p. 139, dans POUGENS.

HISTORIQUE

XIIIe s. …Que la veüe Li fust oscurcie et troblée, la Rose, 18323.

XIVe s. Pour chou ke li humaine conditions est oscurchie par l'empeechement de nostre premier pere, Hist. littér. de la Fr. t. xxv, p. 52. De plus n'aray rien triste n'oscurcy, Mais liez [joyeux] et gais me vorray demener, Machaut, p. 6. Et pour ce aussi la delettacion qui l'ensuit obscurcist et appetice et afflebie, Oresme, Eth. 305. Seigneurs, en icel temps dont je vous signifie, Estoit, ce dit le livre, la nuit moult obscurcie, Guesclin. 16574.

XVIe s. Un air gros et trouble, qui obscurcissoit et couvroit de tenebres la campagne, Amyot, Flamin. 12.

ÉTYMOLOGIE

Obscur. L'ancienne langue avait aussi obscurer. Dans obscurcir, le c est inorganique et épenthétique.