« obscur », définition dans le dictionnaire Littré

obscur

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obscur, ure

(ob-skur', sku-r'. Au XVIe siècle, on prononçait oscur, d'après Bèze) adj.
  • 1Où il n'y a point de lumière. Une nuit obscure. Cette obscure clarté qui tombe des étoiles, Corneille, Cid, IV, 3. Fumée obscure, Rotrou, Herc. mour. III, 4. Par un chemin obscur une esclave me guide, Racine, Bajaz. I, 1.

    Il fait obscur, le jour a peu de lumière.

    Il fait obscur en cet endroit, ce lieu n'est pas bien éclairé, on n'y voit pas bien clair.

    Chaleur obscure, chaleur sans aucune lumière, comme celle qui est donnée par un boulet chauffé à deux ou trois cents degrés. Pour reconnaître les effets de la chaleur obscure, c'est-à-dire de la chaleur privée de lumière, de flamme, et du feu libre, autant qu'il est possible, j'ai fait quelques expériences en grand, dont les résultats m'ont paru très intéressants, Buffon, Hist. min. Introd. Œuv. t. VII, p. 98.

    Chambre obscure, voyez, au mot NOIR, CHAMBRE NOIRE.

    S. m. L'obscur, ce qui est privé de clarté. C'est ainsi que la peinture divise en grandes masses ses clairs et ses obscurs, Montesquieu, Goût, variété.

    Fig. Que le poëte se ménage avec soin des passages du clair à l'obscur, du gracieux au terrible ; mais que cette variété soit harmonieuse, et qu'elle ne prenne jamais rien sur l'analogie du lieu de la scène avec l'action qui doit s'y passer, Marmontel, Élém. de litt. t. VI, p. 457, dans POUGENS.

    Clair-obscur, voy. CLAIR-OBSCUR.

  • 2En parlant de couleurs, de teintes, foncé, plus brun, plus chargé. Couleur obscure. Le reste du dessous du corps est d'une couleur jaunâtre, variée de taches longitudinales d'un vert obscur, Buffon, Ois. t. XIII, p. 152.

    Terme de peinture. Dont la couleur participe plus du brun que du clair. Tableau obscur. Ton obscur.

    Fig. Il se dit de l'apparence, de la figure qui est sans vivacité. La tête mal faite, les oreilles placées bas, des yeux trop petits et couverts, l'air obscur, les mouvements gauches, toute la figure ignoble, informe, un cri qui paraît machinal, Buffon, Quadrup. t. II, p. 231.

  • 3 Fig. Qui n'est pas bien marqué. Et bien qu'en ses douceurs mon déplaisir se noie, Je ne passe de l'une à l'autre extrémité Qu'avec un reste obscur d'esprit inquiété, Corneille, Oth. V, 7.
  • 4Qui n'est pas bien intelligible, qui se fait difficilement comprendre. J'évite d'être long et je deviens obscur, Boileau, Art p. I. Selon que votre idée est plus ou moins obscure, L'expression la suit ou moins nette ou plus pure, Boileau, ib. I. …Vous croyez dans vos rimes obscures Aux Saumaises futurs préparer des tortures, Boileau, Sat. IX. Il a fait assembler ceux qui savent le mieux Lire en un songe obscur les volontés des cieux, Racine, Esth. II, 1. Il n'y a point, dans toute l'antiquité, d'histoire plus obscure, ni plus incertaine que celle des premiers rois d'Égypte, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. I, p. 114, dans POUGENS. Les affaires n'eurent jamais rien d'obscur que M. de Villeroi n'éclaircît, Massillon, Orais. Villeroi. Quand il [Malebranche] a voulu développer cette grande vérité, que tout est en Dieu, tous les lecteurs ont dit que le commentaire est plus obscur que le texte, Voltaire, Philos. tout est en Dieu. Je n'aurais point percé les ténèbres frivoles D'un vain sens déguisé sous d'obscures paroles, Voltaire, Œdipe, II, 3. Non, non : chercher ainsi l'obscure vérité, C'est usurper les droits de la divinité, Voltaire, ib. IV, 1. Les remords de Cassandre et ses obscurs discours, Voltaire, Olympie, I, 3. Le vrai moyen d'écrire d'une manière obscure, c'est de ne faire qu'une phrase où il en faut plusieurs, ou d'en faire plusieurs où il n'en faut qu'une, Condillac, Art d'écr. III, 3. L'étude opiniâtre des obscurs livres de Rameau, Rousseau, Conf. V.

    Glose d'Orléans, plus obscure que le texte, se dit d'une chose qu'on a rendue plus obscure, plus difficile, à force de la commenter, de l'expliquer (locution prise de l'ancienne école de droit d'Orléans et de ses disputes).

    Obscur, qui ne comprend pas très bien. Les esprits des hommes sont ordinairement faibles et obscurs, Port-Royal, logiq. III, 1.

  • 5Qui appartient aux classes inférieures et sans renom de la société. Osmin : Ce palais est tout plein…Acomat : Oui, d'esclaves obscurs Nourris loin de la guerre, à l'ombre de ses murs, Racine, Bajaz. IV, 7. Dans le vulgaire obscur si le sort l'a placé [un enfant], Racine, Athal. II, 5. Je suis un homme de lettres, et je n'ai jamais rien publié ; ainsi je suis plus obscur que beaucoup de mes confrères qui ont écrit, Voltaire, Lett. écrite sous le nom de l'abbé Bigex, 30 avril 1769. Mais c'est peu qu'indignés d'un honteux esclavage, Des mécontents obscurs soient pour nous déclarés, Delavigne, Vêpr. sicil. I, 1.

    Cet homme est d'une naissance, d'une famille obscure, est né de parents obscurs, c'est-à-dire il n'est pas né dans une classe distinguée. Virgile naquit dans un village nommé Andes, près de Mantoue, de parents fort obscurs, sous le consulat de Cn. Pompeius Magnus et de M. Licinius Crassus, Rollin, Hist. anc. t. XII, p. 86, dans POUGENS.

    Les obscurs, en italien gli oscuri, nom que prennent les membres d'une académie de Lucques.

    Il se dit des choses, dans un sens analogue. Mon cœur libre d'ailleurs, sans craindre les murmures, Peut brûler à son choix dans des flammes obscures, Racine, Bérén. III, 1. Vous, dont j'ai pu laisser vieillir l'ambition Dans les honneurs obscurs de quelque légion, Racine, Brit. I, 2. Heureux qui, satisfait de son humble fortune,… Vit dans l'état obscur où les dieux l'ont caché ! Racine, Iph. I, 1. Il n'y a point de vertu, quelque obscure qu'elle soit, qui ne soit utile et nécessaire au bonheur de la société, Condillac, Ét. hist. III, 4.

  • 6Qui est sans renom, sans gloire. Voudrais-je, de la terre inutile fardeau… Attendre chez mon père une obscure vieillesse ? Racine, Iph. I, 2. Montrez-moi seulement dans vos mœurs des traces légères de pénitence ; quoi ! les lois de l'Église ? mais elles ne regardent plus les personnes d'un certain rang, et l'usage en a presque fait des devoirs obscurs et populaires, Massillon, Carême, Élus. Ni souffrir que l'amour, remplissant ce grand cœur, Enchaînât près de moi votre obscure valeur, Voltaire, Œdipe, II, 3. À travers tant d'écueils les dieux qui m'ont sauvé, Au plus obscur trépas ne m'ont point réservé, La Fosse, Marius à Mint. II, 1.
  • 7Inconnu, caché. L'obscur avenir. Et les siècles obscurs devant moi se découvrent, Racine, Athal. III, 7.

SYNONYME

OBSCUR, SOMBRE. Obscur dit plus que sombre : un jour est sombre, une nuit est obscure.

HISTORIQUE

XIIe s. Lieu oscur, Ronc. 147. La merciz m'est tant obscure Que je ne la puis veoir, Couci, IV. E quant il s'en ala la nuit en l'oscur seir [soir], Th. le mart. 52.

XIIIe s. Et la nuis estoit mout et hideuse et oscure, Berte, XLII. El [Beauté] ne fu oscure ne brune, Ains fu clere comme la lune, la Rose, 999.

XIVe s. Ce n'est pas chose non manifeste ou obscure, que l'en ne doit pas rendre ou faire à tous unes meismes choses, Oresme, Eth. 261. Garin, poure homme, sourt, malade de maladies obscures [épilepsie], desquelles il chiet [tombe] souvent soubdainement, Du Cange, morbus.

XVIe s. Maistre et remettre, aussi cueurs et obscurs, Ce sont beaux mots : mais en rithme ils sont durs, Marot, II, 208. Il ne faisoit pas si obscur que l'on ne veist du tout goutte, Amyot, Pompée, 49. Ville obscure et de peu de renommée, Amyot, Démosth. 1. Appele ne representa pas sa naïfve couleur, ains le feit brun et plus obscur qu'il n'estoit au visage, Amyot, Alex. 6. Eslever en haut d'un mouvement obscur [insensible], Paré, I, 28. Un son grave et obscur, Paré, IV, 10. Au fon d'enfer va pleurer tes ennuis, Parmy l'obscur des eternelles nuicts, Du Bellay, J. II, 32, verso. L'obscur m'est jour ; le jour m'est une nuit, Ronsard, 80.

ÉTYMOLOGIE

Picard, oscur ; du lat. obscurus, de ob, et scurus, qui n'existe pas, mais que l'on conjecture, comme nom d'agent, de la même racine qui a donné scutum, bouclier ; ob-scu-rus signifierait recouvrant tout autour ; comparez le sanscrit sku, couvrir.