« organe », définition dans le dictionnaire Littré

organe

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organe

(or-ga-n') s. m.
  • 1 Terme de mécanique. Nom donné à diverses parties d'une machine. Les organes d'une locomotive.
  • 2Partie du corps vivant, envisagée par rapport à sa fonction. Les jambes sont les organes qui suffisent pour marcher, Pascal, Prov. II. Qu'est-ce que l'esprit dont les hommes paraissent si vains ?… une heureuse conformation d'organes qui s'usent, Fléchier, Mme de Mont. Une grande passion est une espèce d'âme, immortelle à sa manière, et presque indépendante des organes, Fontenelle, Du Verney. La délicatesse des organes donne à l'âme plus de facilité à saisir les nuances, Bonnet, Ess. anal. âme, ch. 23. Homme, songe que c'est à la faiblesse de tes organes que tu dois la qualité qui te distingue des animaux, Diderot, Claude et Nér. II, 61. Il est évident que vous sentez un objet que vous touchez, comme si votre âme était dans votre main ; que vous sentez un objet que vous voyez, comme si votre âme était dans vos yeux ; et qu'en un mot, toutes vos sensations paraissent être dans les organes, qui n'en sont que la cause occasionnelle, Condillac, Art. de rais. I, 6. L'homme est une intelligence servie par des organes, Bonald, Recherches sur les premiers objets de nos connaissances morales.

    Fig. Les fils du télégraphe électrique, ces frêles organes de la communication entre les peuples.

  • 3 Fig. Se dit de ce qui sert comme d'instrument. La science est l'organe le plus nécessaire pour la conduite et pour l'instruction des hommes, Patru, Plaidoyer 4. Il ne suffit pas de lui [au monde] opposer des raisons et des maximes contraires… autant d'hommes qui nous parlent, autant d'organes qui nous les inspirent [les maximes du monde], Bossuet, Sermons, Vérit. convers. I. La parole est devenue l'organe de la dissimulation, Fléchier, Duc de Mont. La raison est l'organe du vrai, le goût est l'organe du beau, Marmontel, Œuvr. t. X, p. 28.
  • 4La voix. Ce chanteur n'a pas d'organe. Veuillent les immortels, s'expliquant par ma bouche, Prêter à mon organe un pouvoir qui le touche ! Voltaire, Mort. de Cés. III, 2. Il y a un acteur excellent, à ce qu'on dit, garçon d'esprit, belle figure, bel organe, plein de sentiment, Voltaire, Lett. Richelieu, 22 oct. 1764. Et, dégradant son généreux organe, Il ne fut plus qu'un orateur profane, Gresset, Ver-vert, ch. 3. L'organe humain ne veut ni raideur, ni mollesse ; Trop faible il nous échappe, et trop fort il nous blesse, Delille, Convers. III.
  • 5Personne dont on se sert pour déclarer ses volontés, ses désirs, ses sentiments. La volonté de Dieu dont les supérieurs sont les organes, Massillon, Profess. relig. 3. De vos dieux cependant interrogez l'organe, Voltaire, Œdipe, III, 3. Et quand ce saint pontife organe du Seigneur…, Voltaire, Zaïre, IV, 1. Organes odieux d'un jugement inique, Voltaire, Tancr. III, 6. Un philosophe illustre [Fontenelle], qui a été si longtemps le digne organe de cette compagnie [l'Académie des sciences], Condorcet, Malouin. Il en est de l'historien et de l'orateur comme du poëte : éclairés et vertueux, ce sont les organes de la justice, les flambeaux de la vérité ; passionnés et corrompus, ce ne sont plus que les courtisans de la prospérité, les vils adulateurs du crime, Marmontel, Fragm. philos. mor. gloire. Tirésias, que le destin éclaire, De ce destin organe involontaire, à ces amants, près de combler leurs vœux, Avait prédit cet avenir affreux, Malfilâtre, Narcisse, ch. II.
  • 6Journal. Les libéraux sentaient le besoin d'un organe.
  • 7Nouvel organe, Novum organum, titre de la deuxième partie de la Grande rénovation de F. Bacon ; c'est Aristote qui avait donné ce nom à sa logique, et c'est d'après lui que Bacon a nommé son ouvrage Novum organum. Bacon a donc eu bien raison de dire que nous avions besoin d'un novum organum, et que non-seulement nous avions besoin de créer cet organe tout nouveau, mais que…, De Tracy, Logique, Disc. prélim.

REMARQUE

On fait, en quelques provinces, organe féminin : une belle organe. C'est une faute ; mais le fait est que jadis ce mot a été souvent féminin, en raison de sa terminaison féminine.

HISTORIQUE

XIVe s. L'anathomie des orgues de l'oïe et des oreilles, H. de Mondeville, f° 1.

XVe s. Quant obfuscation extraordinaire n'empesche l'orguan, c'est à dire l'instrument qui est le corps, par maladie ou autre accident, Christine de Pisan, Charles V, I, 9. Mon rude concepvoir s'est esclercy, mon gros entendement s'est ouvert, et mes organes se sont ampliez comme pour recevoyr ung don supernaturel, Jeh. Lemaire, 1er livre.

XVIe s. Flesches et traictz, lances et pertuysanes, Avec grand bruit sortant de leurs organes, Marot, J. V, 19. Quand soubdain les musiciens de la bande argentée cessarent, seullement sonnoient les organes de la bande aurée, Rabelais, Pant. v, 25. Si ont requis que chanter on la face, Disant qu'elle a l'organe mal seraine, Marot, II, 263. D'un organe bien aimé [sa femme] et d'une probité esprouvée, les suasions furent si violentes qu'elles mirent l'admiral [Coligny] à cheval, D'Aubigné, Hist. I, 133. Vous estes le motif, je ne suis seulement Que l'organe qui sert à vostre mandement, Ronsard, 672.

ÉTYMOLOGIE

Lat. organum, de ὄργανον, dérivé de ἔργω, faire, pour ϝέργω ; comparez l'all. Werk, l'angl. work, œuvre ; le sanscr. vraj, aller, procéder, faire. L'ancien français disait orgue, qui est la forme régulière, l'accent étant sur or dans le latin organum.