« plaisant », définition dans le dictionnaire Littré

plaisant

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

plaisant, ante

(plè-zan, zan-t') adj.
  • 1Qui plaît. Plaisant séjour des âmes affligées, Vieilles forêts de trois siècles âgées, Racan, dans LAVEAUX. C'est une chose, hélas ! si plaisante et si douce, Molière, Éc. des f. II, 6. Pourquoi Dieu vous a-t-il défendu ce qui est si plaisant et si flatteur ? Bossuet, Élévat. à Dieu, 18e sem. 22.

    En ce sens, plaisant tombe en désuétude ; et aujourd'hui il faut bien en choisir la place et l'emploi pour s'en servir encore.

    Familièrement. Il n'est pas plaisant, il n'est pas agréable. Il n'est pas plaisant d'avoir un mauvais voisin. Je ne trouve pas plaisant que vous vous mêliez de mes affaires.

  • 2Qui divertit, qui fait rire. Alceste, à Clitandre et Acaste qui rient : Par la sambleu, messieurs, je ne croyais pas être Si plaisant que je suis, Molière, Mis. II, 7. Vous êtes trop plaisante d'avoir lu en public ma relation des chevaliers, Sévigné, 19 janv. 1689. Il n'est pas sans esprit ; mais, né triste et pesant, Il veut être folâtre, évaporé, plaisant, Boileau, Ép. IX. Il est bonhomme, il est plaisant homme, et il est excellent homme, La Bruyère, XII.

    Ironiquement. Je vous trouve plaisant, se dit pour exprimer qu'on ne reconnaît pas à la personne à qui l'on s'adresse le droit de dire ou de faire ce qu'elle fait. Parbleu ! je te trouve plaisant de me donner ce qui t'appartient, Molière, Impromptu, III. Et de quel droit, monsieur, me faites-vous la loi ? Je vous trouve plaisant de disposer de moi ! Regnard, Ménechm. V, 6.

    Il se dit aussi des choses. Je tiens cette comédie une des plus plaisantes que l'auteur ait produites, Molière, Critique, 3. En vérité, je n'ose appuyer sur rien ; tout me fait mal ; c'est une plaisante chose à une substance qui pense, que de n'oser penser, Sévigné, 13 sept. 1684. Ce vaisseau [un vaisseau qui portait des troupes pour réduire les jésuites du Paraguay] s'appelle le Pascal ; il est juste que Pascal combatte les jésuites, et cela est plaisant, Voltaire, Lett. Richel. 16 avr. 1756. C'est à présent la physique qui se met à être plaisante, depuis que la comédie ne l'est plus, Voltaire, Lett. en vers et en prose, 66. Un tour ingénieux peut n'être qu'une réflexion plaisante, telle est celle-ci de Mme de Sévigné : il n'y a rien qui ruine comme de n'avoir point d'argent, Condillac, Art d'écr. II, 10.

    Conte plaisant et récréatif, histoire plaisante et récréative, se dit par une espèce de raillerie.

  • 3Plaisant mis avant son substantif prend le sens d'impertinent, de ridicule. C'est un plaisant moyen de rétablir l'autorité royale que de chasser le ministre du roi malgré lui ! Retz, Mém. t. II, l. III, p. 426, dans POUGENS. Les humains sont plaisants de prétendre exceller Par-dessus nous [ânes] ! La Fontaine, Fabl. XI, 5. Nous sommes plaisants de nous reposer dans la société de nos semblables, misérables comme nous, impuissants comme nous, Pascal, Pens. XIV, 1, éd. HAVET. Le plaisant repos que vous avez eu à Lyon ! je l'ai prévu, ma fille, et j'ai bien compris l'accablement où vous seriez, Sévigné, 378. Plaisant homme pour dompter la mer ! Fénelon, Dial. des morts anc. (Xerxès, Léonidas). Ce sont de plaisants sages que ceux qui le sont par tempérament, Fontenelle, Dial. morts anc. et mod. II, 1. Les anciens étaient plaisants de s'imaginer que les corps célestes étaient de nature à ne changer jamais, parce qu'ils ne les avaient pas encore vus changer, Fontenelle, Mond. 5e soir. Damis est un plaisant homme de vouloir avoir deux femmes, pendant que tant d'honnêtes gens sont fâchés d'en avoir une, Lesage, Crisp. riv. de son maître, 11. Plaisante charité qui apprend aux gens à aller au bal, Marivaux, Marianne, part. 3.
  • 4 S. m. Celui qui cherche à faire rire. Les affaires d'Angleterre vont bien, le crédit du prince d'Orange diminue tous les jours ; un plaisant a mis sur la porte de Whitehall : Grande maison à louer pour la Saint-Jean ; cette sottise fait plaisir, Sévigné, 537. Je ne sais pas pourquoi je m'amuse à faire la plaisante, car je n'en ai pas le loisir, Sévigné, à Bussy, 44 juill. 1655. Mais pour un faux plaisant… Qu'il s'en aille, s'il veut, sur deux tréteaux monté, Amusant le Pont-Neuf de ses sornettes fades, Aux laquais assemblés jouer ses mascarades, Boileau, Art p. III. Il faisait le plaisant, surtout à table, Bossuet, Var. 8. Des plaisants qui font rire avant que de parler, Regnard, le Joueur, III, 6. La plaisanterie roule presque toujours sur des rapports faux, sur des équivoques ; de là vient que les plaisants de profession ont presque tous l'esprit faux autant que superficiel, Voltaire, Dict. phil. Style, 2.

    Un mauvais plaisant, un homme qui plaisante mal, qui fait de mauvaises plaisanteries. L'on marche sur les mauvais plaisants, et il pleut par tout pays de cette sorte d'insectes : un bon plaisant est une pièce rare ; à un homme qui est né tel, il est encore fort délicat d'en soutenir longtemps le personnage ; il n'est pas ordinaire que celui qui fait rire se fasse estimer, La Bruyère, V. Sais-tu que les railleurs et les mauvais plaisants D'ordinaire avec moi passent fort mal leur temps ? Regnard, Ménechm. I, 2.

  • 5Ce qui fait rire. Prince, j'aurais voulu vous choisir un sujet Où je pusse mêler le plaisant à l'utile, La Fontaine, Fabl. XII, 1. Heureux qui, dans ses vers, sait d'une voix légère Passer du grave au doux, du plaisant au sévère ! Boileau, Art p. I. Je conviens avec vous que le plaisant et le tendre sont difficiles à allier ; cet amalgame est le grand œuvre, mais enfin cela n'est pas impossible, Voltaire, Lett. d'Argental, 5 juin 1744.

    Familièrement. Le plaisant, le côté plaisant. C'est là le plaisant de l'aventure.

REMARQUE

Un plaisant homme est un homme bizarre, ridicule, singulier ; un homme plaisant est un homme qui se distingue des autres par des manières enjouées, folâtres et qui font rire. Un plaisant personnage est un impertinent digne de mépris ; un personnage plaisant est celui dont le rôle est rempli de traits divertissants, de saillies fines, de reparties ingénieuses.

HISTORIQUE

XIIe s. E quant mi mal [mes maux] lui sont bel et plaisanz, Couci, X.

XIIIe s. Blanche [elle] fut et vermeille et plaisans à devise, Berte, VI.

XIVe s. Les uns semblent estre plaisans, et veulent toutes choses loer en rapportant à la delettacion et plaisance de ceux avecques qui il conversent, Oresme, Eth. 130. Pour mieux entrer en la matiere de honorable et plaisante histoire du noble roi Edouard d'Angleterre, Froissart, I, I, 2.

XVe s. Si le conduisoit douce esperance, qui luy disoit : qu'à son retour seroit doucement receu de sa plaisante maistresse, Bouciq. I, 13.

XVIe s. Nous avons, disoit Caton, un plaisant consul, Montaigne, I, 189. À la familiarité de la table j'associe le plaisant, non le prudent, Montaigne, I, 218. Entre les livres simplement plaisants, je trouve des modernes le Decameron de Bocace, Montaigne, II, 10. Ce mot fut trouvé plaisant, Amyot, Péricl. 58. Adieu, plaisant pays de France, Ô ma patrie La plus cherie, Qui a norrit ma jeune enfance, Marie Stuart. On dit communement que les plaisans ne sont toujours plaisans, Nuits de Straparole, t. II, p. 336. La très joyeuse et très plaisante histoire composée par le loyal serviteur des faits, gestes, triomphes et prouesses du bon chevalier sans paour et sans reprouche le gentil seigneur de Bayart, titre de la Chronique de Bayart.

ÉTYMOLOGIE

Plaire ; wallon, plaihan.