« réveiller », définition dans le dictionnaire Littré

réveiller

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

réveiller

(ré-vé-llé, ll mouillées, et non révè-yé) v. a.
  • 1Éveiller de nouveau ; sens propre qui n'est pas usité (réveiller n'ayant ce sens qu'au fig.).
  • 2Faire cesser le sommeil. Qui vous réveille donc avant que la lumière Ait du soleil naissant commencé la carrière ? Rotrou, Vencesl. IV, 4. On sait que le lendemain [jour de la bataille de Rocroy], à l'heure marquée, il fallut réveiller d'un profond sommeil cet autre Alexandre, Bossuet, Louis de Bourbon.

    Réveiller quelqu'un d'un assoupissement, d'une léthargie, l'en tirer.

    Fig. Il ne faut pas réveiller ou éveiller le chat qui dort, voy. CHAT.

    Absolument. Tenir éveillé. Rien ne réveille tant qu'une extrême joie, ou que l'attente certaine d'un grand bonheur, Marivaux, Marianne, part. 4.

  • 3 Fig. Exciter, animer, appeler l'attention, avec un nom de personne pour régime. Il n'est rien qui si fort nous réveille l'esprit, Régnier, Sat. X. Je souhaite… que l'amitié que vous avez pour moi fasse un effet qui est de vous réveiller sur le soin que vous devez avoir de vous, Sévigné, 25 déc. 1679. Il [le jeune Grignan] est sensible à tout ce que vous faites pour lui… il n'est pas même besoin de le réveiller là-dessus, Sévigné, 16 fév. 1689. Mon fils a bien de l'esprit, et d'un esprit cultivé, qui réveille le mien, Sévigné, à Bussy, 11 juin 1690. Quand, pour punir les scandales ou pour réveiller les peuples et les pasteurs, il [Dieu] permet à l'esprit de séduction de tromper les âmes hautaines, Bossuet, Reine d'Angleterre. C'est une chose étrange que les hommes aient besoin d'être réveillés sur cela [la différence entre l'homme et la bête], Bossuet, Conn. V, 6. Qu'il [le poëte dramatique] soit aisé, solide, agréable, profond ; Que de traits surprenants sans cesse il nous réveille, Boileau, Art p. III. Cela [une remarque sur ses procédés] le réveilla ; car il ne s'en serait jamais aperçu, Hamilton, Gramm. IV.

    Absolument. La description que vous me faites… est une chose divine ; elle réveille malgré qu'on en ait, Sévigné, 20 juin 1672.

  • 4 Fig. Éveiller de nouveau, renouveler, ranimer, avec un nom de chose pour régime. Il y a une grande différence entre lire un livre toute seule, ou avec des gens qui relèvent les beaux endroits, et qui réveillent l'attention, Sévigné, 68. Votre souvenir… m'a réveillé tout l'agrément de notre ancienne amitié, Sévigné, à Ménage, 23 juin 1656. Si vous aviez la bonté de le voir [M. Guillart], et de réveiller l'affection qu'il avait pour moi, Sévigné, 1er mai 1691. Les saintes prières des agonisants réveillent sa foi ; son âme s'épanche dans les célestes cantiques, Bossuet, le Tellier. Il [Cyrus] sut réveiller la jalousie des peuples voisins contre l'orgueilleuse puissance de Babylone, Bossuet, Hist. III, 4. Et la honte en leurs cœurs réveillant leur audace, Racine, Mithr. V, 4. Ceux mêmes dont ma gloire aigrit l'ambition, Réveilleront leur brigue et leur prétention, Racine, Iphig. I, 1. De Troie en ce pays réveillons les misères, Et qu'on parle de nous ainsi que de nos pères, Racine, Andr. IV, 3. Les objets qui réveilleront les plaies anciennes de votre cœur, Massillon, Carême, Prière 1. Faut-il errer dans les tombeaux d'Athène, Ou réveiller la cendre des Latins ? Gresset, Épître Mus. …réveiller les feux sous la cendre assoupis, Delille, Én. v.
  • 5Susciter de nouveau. Je crois qu'il n'y a qu'à lui laisser entre les mains [à M. Guillart] les papiers de cette affaire …j'espère qu'elle ne sera jamais réveillée, puisqu'elle ne l'a point été, Sévigné, 4 août 1691. Des traitants inventaient de nouveaux offices, de nouveaux droits sur les consommations, réveillaient d'anciennes prétentions domaniales, Voltaire, Henr. VII, notes. Je ne réveille point les bruits sur Mme de Soubise [qu'elle était la maîtresse de Louis XIV], qui fortifia souvent les soupçons par son affectation à les écouter, Duclos, Œuv. t. V, p. 181.

    Réveiller un procès, le recommencer.

  • 6Faire naître. C'est Phocion, me dit-il ; et ce nom doit à jamais réveiller dans votre esprit l'idée de la probité même ; sa naissance est obscure ; mais son âme est infiniment élevée, Barthélemy, Anach. ch. 7.
  • 7 Terme de marine. En parlant de la rose des vents, presser un peu du bout du doigt la glace de la boussole contre cette rose, afin de la mettre en mouvement lorsqu'elle s'arrête.
  • 8Se réveiller, v. réfl. Cesser de dormir. J'ai crié, mais en vain, et, fuyant sa fureur [d'un dragon en un rêve], Je me suis réveillé plein de trouble et d'horreur, Boileau, Lutr. IV. Elle [la mort] ressemble au sommeil comme deux gouttes d'eau ; ce n'est que l'idée qu'on ne se réveillera plus, qui fait de la peine, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 9 mai 1764. [la tombe] Où pour l'éternité l'on croise les deux bras, Et dont les endormis ne se réveillent pas, Musset, Don Paez.

    Par extension. Pécheurs, disparaissez ; le Seigneur se réveille, Racine, Athal. III, 7.

    Se réveiller de son assoupissement, de sa léthargie, cesser d'être assoupi, d'être en léthargie.

    Fig. Se réveiller de son assoupissement, sortir de son inaction, de son indolence, de son erreur. Les peuples se réveillent d'un si long assoupissement, Bossuet, Hist. II, 13. Dieu détermine jusqu'à quand doit durer l'assoupissement, et quand aussi se doit réveiller le monde, Bossuet, Reine d'Anglet.

  • 9 Fig. Se ranimer, en parlant des personnes. On ne se soucie point des choses publiques ; on ne se réveille que pour les grands événements, Sévigné, 8 juill. 1671. Ma fille, ses belles-filles, le coadjuteur même, tout cela se réveille à votre nom, et vous demande la continuation d'un souvenir qui leur est bien cher, Sévigné, à Moulceau, 1er juin 1684. Ô âme, réveille-toi, reviens à Dieu, Bossuet, la Vallière. Cependant Voltaire se réveille : le Pauvre diable, le Russe à Paris, la Vanité, une foule de plaisanteries en prose se succèdent avec une étonnante rapidité, Condorcet, Vie de Voltaire.
  • 10 Fig. Être renouvelé, ranimé, avec un nom de chose pour sujet. Son mérite particulier a beaucoup servi à ce choix [menin du Dauphin] : une réputation distinguée, de l'honneur, de la probité, de bonnes mœurs, tout cela s'est fort réveillé, Sévigné, 23 févr. 1680. Au seul nom de l'Église, toute la foi de la reine se réveillait, Bossuet, Mar.-Thér. La jalousie s'était réveillée entre les patriciens et le peuple, Bossuet, Hist. I, 8. Quel feu mal étouffé dans mon cœur se réveille ? Racine, Phèd. IV, 5. Les trois anciennes factions s'étaient réveillées, et formaient trois partis différents, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. II, p. 576, dans POUGENS. Ma tendresse s'est réveillée, Montesquieu, Lett. pers. VI. Je sentais de temps en temps se réveiller en moi le désir de rentrer dans la carrière littéraire, Marmontel, Mém. V.

HISTORIQUE

XIIIe s. Mais li fols negligens se veut touz temps dormir ; Et, quant il se resveille, de manger a desir, Six manieres de fols. Un dous penser qui me resveille, Poésies mss. avant 1300, t. II, p. 748, dans LACURNE. Amis, la nuit en mon couchier, En dormant, [je] vous cuid embrassier ; Et quant j'i faille au resveiller, Nule riens ne m'i peut aidier, Romancero, p. 43.

XIVe s. Le chien qui dort [il] a fait laidement revellier, Guesclin. 7748.

XVe s. Le seigneur de Coucy reveilla chevaliers et escuyers d'Artois, de Vermandois, de Picardie, et fit son mandement à Peronne en Vermandois, Froissart, II, II, 65. L'empereur, messire Charles de Boheme, ne dormit pas sur celle besogne, mais se reveilla tellement que je le vous dirai, Froissart, II, III, 93. Je n'ai nulle puissance [il s'agit d'un lutin de nuit] de faire autre mal que de toi reveiller et destourber, quand on devroit le mieux dormir, Froissart, II, III, 22. Et lui fut dit qu'il reveillast son droit envers la duchesse de Brabant, Froissart, II, III, 94. Les nouvelles s'espandirent par le païs d'Auvergne, que grand secours leur venoit de France ; si en fut tout le païs bien reveillé et rejoui, Froissart, liv. IV, p. 62, dans LACURNE. L'entente et emprise de venir reveiller [attaquer] les compaignons françois qui dedans se tenoient, Froissart, liv. III, p. 244.

XVIe s. Lui esveillé, tous les autres esveilla, chantant à pleine voix la chanson : ho, Regnault, reveille toi, veille, o Regnault, reveille-toi, Rabelais, I, 41. Tant dort le chat qu'il se resveille, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Re…, et éveiller ; bourg. revaillé ; prov. revelhar ; ital. risvegliare.