« sûreté », définition dans le dictionnaire Littré

sûreté

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sûreté

(su-re-té ; Bèze, au XVIe s., remarque que, bien qu'on écrivît seurté, on prononçait sûreté) s. f.
  • 1Caractère de celui sur qui l'on peut compter. La sûreté qu'on trouvait en Madame, que son esprit rendait si propre aux grandes affaires, lui faisait confier les plus importantes, Bossuet, Duch. d'Orl. Elle était surtout d'une telle sûreté dans le commerce, d'une telle fidélité dans la société, que ses ennemis même n'avaient pas besoin de se cacher d'elle, Rousseau, Confess. IX. Elle trouvait dans Mme Scarron une sûreté parfaite et d'excellents conseils, Genlis, Mme de Maintenon, t. I, p. 8, dans POUGENS.

    Terme de chasse. Les chiens chassent en sûreté, lorsqu'ils suivent la même voie, le nez collé à terre, et crient également.

  • 2État de celui qui n'a rien à craindre pour sa personne ou pour sa fortune. Vous devez un exemple à la postérité, Et mon trépas importe à votre sûreté, Corneille, Cinna, v, 1. Mais, au moins, y a-t-il sûreté ici pour moi ? Molière, Préc. 10. [Dans le combat] il [Condé] commande et il agit tout ensemble, et tout marche en concours et en sûreté, Bossuet, Louis de Bourbon. Le prince par son campement avait mis en sûreté non-seulement toute notre frontière et toutes nos places, mais encore tous nos soldats, Bossuet, ib. Laissez mourir un fat dans son obscurité ; Un auteur ne peut-il pourrir en sûreté ? Boileau, Sat. IX. Je vous sacrifiais mon rang, ma sûreté, Racine, Iphig. IV, 4. La vraie sûreté [d'un roi] est de ne faire que du bien, et d'intéresser le monde entier à sa conservation, Fénelon, Dial. des morts anc. dial. 39. Le bon roi Sésostris était en sûreté au milieu de la foule des peuples, comme un bon père dans sa maison, environné de sa famille, Fénelon, Tél. III. Idoménée nous a contraints de l'attaquer ; nous ne demandions que la paix… mais nous ne pouvions plus trouver aucune sûreté avec lui, Fénelon, ib. x. Nos voisins, à peine autrefois en sûreté dans leurs places les plus reculées, semblent déjà méditer la conquête de nos provinces, Massillon, Carême, Motifs de convers. Comment concilier la sûreté de l'État avec la sûreté de la personne ? Montesquieu, Esp. v, 14. Laissez faire, lui dit le roi [Frédéric II, à la Mettrie], on presse l'orange [Voltaire], et on la jette quand on a avalé le jus… je résolus de mettre en sûreté les pelures de l'orange, Voltaire, Mém. Voltaire.

    Faire sa sûreté, se mettre en sûreté. M'étant fait cet effort, j'ai fait ma sûreté, Corneille, Poly. v, 4.

    En sûreté de conscience, sans que la conscience soit blessée. On peut [d'après les casuistes] tuer les médisants en sûreté de conscience, Pascal, Prov. VII.

    Fig. En sûreté de, dans la sûreté de, à l'abri de. Je craindrais l'avarice, qui est ma bête ; mais je suis bien en sûreté de cette vilaine passion, Sévigné, 24 juill. 1689. Nous revînmes gaiement à la faveur des lanternes et dans la sûreté des voleurs, Sévigné, 4 déc. 1673.

    Verrou, serrure de sûreté, verrou, serrure difficile à ouvrir ou à forcer.

    Soupape de sûreté, voy. SOUPAPE.

  • 3Ce qui fait la sûreté. Ah ! ma fille, quelle sûreté pour ma santé, quand la vôtre prend le chemin de se rétablir ! Sévigné, 14 juin 1677. Ma maison cependant est votre sûreté ; Jouissez-y des droits de l'hospitalité, Voltaire, Brut. I, 2. On n'a jamais trop de sûreté sur ce qui intéresse vivement le cœur, Mme de Tencin, Œuv. t. III, p. 198, dans POUGENS.

    Lieu de sûreté, un lieu où l'on n'a rien à craindre. Le bois le plus funeste et le moins fréquenté Est au prix de Paris un lieu de sûreté, Boileau, Sat. VI. Il n'est temple si saint, des anges respecté, Qui soit contre sa muse un lieu de sûreté [où il n'assaille les gens pour leur lire ses vers], Boileau, Art p. IV.

    Mettre quelqu'un en lieu de sûreté, le mettre en un lieu où il n'ait rien à craindre.

    Mettre quelqu'un en lieu de sûreté, signifie aussi le mettre en lieu d'où il ne puisse s'échapper, en prison. Mettons-la cependant en lieu de sûreté, Corneille, Veuve, IV, 7.

  • 4Sécurité. Et c'est cette tranquillité Dont je ne puis souffrir l'indigne sûreté, Racine, Alex. III, 1.
  • 5Mesure de précaution. Deux sûretés valent mieux qu'une, Et le trop en cela ne fut jamais perdu, La Fontaine, Fabl. IV, 15. Contre cet accident j'ai pris mes sûretés, Molière, Éc. des fem. I, 1. Songe à bien prendre tes sûretés avec lui, Molière, Fourber. II, 10. M. de Vauban a augmenté toutes les précautions et toutes les sûretés qu'il a accoutumé de prendre pour la conservation des assiégeants, Sévigné, 466.
  • 6Il se dit quelquefois pour assurance, certitude. Mais sous le ciel tout change, et les plus valeureux N'ont jamais sûreté d'être toujours heureux, Corneille, Sur. III, 2. Léontine : Mon témoignage seul peut-il en décider ? - Martian : Quelle autre sûreté pourrions-nous demander ? Corneille, Héracl. v, 8.
  • 7Caution, garantie. Le bon abbé est fort surpris qu'on ne trouve pas de sûreté à la dette que vous avez si bien et si honnêtement mise devant la vôtre, Sévigné, 28 janv. 1685. Sa réception [de la sœur Berin] dans une des maisons ne dépend point de la réserve de ses droits, mais de moi uniquement : je lui donnerai toutes les sûretés qu'elle pourra désirer, Bossuet, Lett. relig. 27. Il fallait leur offrir [aux Dauniens] toutes les sûretés qu'ils auraient demandées, et établir des peines rigoureuses contre ceux de vos sujets qui auraient manqué à l'alliance, Fénelon, Tél. X. Le juge faisait donner sûreté de l'appelant qu'il soutiendrait son appel, Montesquieu, Esp. XXVIII, 27. Un de ses amis lui voulut un jour emprunter de l'argent avec de bonnes sûretés, Rousseau, Confess. v. Ce prince, au lieu de venir trouver le roi, lui fit demander des sûretés, Duclos, Œuv. t. II, p. 233.

    Places de sûreté, places qu'un État donne ou retient pour la sûreté de l'exécution d'un traité.

  • 8Fermeté du pied pour marcher, de la main pour écrire, pour faire une opération chirurgicale, etc. La sûreté du pied du mulet. Il a une grande sûreté de main. La sûreté de la main est nécessaire à un chirurgien.

    Fig. Sûreté de tact, de coup d'œil, de goût, de mémoire.

    PROVERBE

    La méfiance est la mère de sûreté, ou méfiance est mère de sûreté.
    Il était expérimenté, Et savait que la méfiance Est mère de la sûreté, La Fontaine, Fabl. III, 18.

HISTORIQUE

XIIe s. …Car m'otroiez por Dé [pour Dieu] Un douz regart… Si atendrai en cele seürté Joie d'amours…, Couci, XI.

XIIIe s. Sire, fis-je, or m'entendés : Ne sai por quoi vous demandés Pleiges [gages] de moi, ne seürtés, la Rose, 1989. Et se li oir qui sont ne voelent fere bone seurté de rendre le [la] droite partie à cix qui naistront…, Beaumanoir, XX, 4. Il demanderent au conseil le roy quel seurté il donroient par quoi il reussent Damiete, Joinville, 237.

XVe s. Et selon l'amoureuse loy, De nos deux vouloirs, pour seurté, Fist une seule voulenté, Orléans, Ball. 30. Et luy escripvit ledit duc une lettre de sa main portant seurté d'aller et retourner bien ample, Commines, II, 5. S'enfuyt où il pensoit estre à seureté, Commines, II, 13.

XVIe s. Je vous asseure que vos lettres m'ont donné beaucoup de plaisir de m'avoir donné seurté de la bonne santé du roy, Marguerite de Navarre, Lett. 68. Pendant le parlement, et qu'ils musoient sur leurs seuretez…, Montaigne, I, 27. Je m'estois chargé de crainte [en portant de l'argent], tantost de la seurté des chemins…, Montaigne, I, 315. Qui n'a seureté n'a nul bien, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 398.

ÉTYMOLOGIE

Bourg. seuretai, seurtai ; provenç. segurtat ; espagn. seguridad ; ital. sicurtà ; du lat. securitatem, de securus, sûr.