« selon », définition dans le dictionnaire Littré

selon

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

selon

(se-lon) prép.
  • 1Eu égard à, conformément à, à proportion de. Ses châtiments [de Dieu] égalent sa miséricorde, et il juge l'homme selon ses mœurs, Sacy, Bible, Ecclésiastiq. XVI, 13. Nous étions selon son goût, Sévigné, 345. Il y a toute sorte d'apparence que tout ira selon nos désirs, Sévigné, 467. Homme enfin selon le cœur de Dieu, Bossuet, Hist. I, 5. Depuis quarante-deux ans qu'il servait le roi, il avait la consolation de ne lui avoir jamais donné de conseil que selon sa conscience, Bossuet, le Tellier. Et cette guerre, Arcas, selon toute apparence, Aurait dû plus longtemps prolonger son absence [d'Achille], Racine, Iph. I, 1. La terre, cette bonne mère, multiplie ses dons selon le nombre de ses enfants qui méritent ses fruits par leur travail, Fénelon, Tél. V. Les lois selon lesquelles il [Dieu] a créé, sont celles selon lesquelles il conserve, Montesquieu, Esp. I, 1.

    Selon le monde, dans l'esprit du monde, du siècle. Mon Dieu, quel fléau pour un siècle, quel malheur pour les peuples, qu'un grand selon le monde, qui ne vous craint pas, qui ne vous connaît pas, et qui méprise vos lois et vos ordonnances éternelles ! Massillon, Pet. carême, Vices et vert.

    Selon moi, selon ce que je pense. Selon le docteur, je suis fort bien ; et selon moi, je suis fort mal, Maintenon, Lett. à Mme de Glapion, t. III, p. 200, dans POUGENS.

    On dit de même : selon vous, selon cet auteur, etc. Selon Voiture, le secret pour avoir de la santé et de la gaieté, est que le corps soit agité, et que l'esprit se repose, Rollin, Traité des Ét. III, 3, art. 2, § 2. La terre, selon Bourguet et tous les autres, doit finir par le feu ; selon Leibnitz, elle a commencé par là, Buffon, Hist. nat. Preuv. théor. Œuvr. t. I, p. 283.

    L'Évangile selon saint Matthieu, l'Évangile selon saint Jean, etc. l'Évangile de saint Matthieu, l'Évangile de saint Jean.

  • 2 Absolument, selon les occurrences, selon les différentes dispositions des personnes. Cléante : Nul obstacle, je crois, Ne vous peut empêcher d'accomplir vos promesses. - Orgon : Selon, Molière, Tart. I, 6. Est-il permis de rechercher les occasions de pécher ? ou plutôt n'est-on pas obligé de les fuir ? cela serait assez commode. Non pas toujours, me dit-il, c'est selon. Selon quoi, lui dis-je ? Ho ! ho ! repartit le père, et, si on recevait quelque incommodité en fuyant les occasions, y serait-on obligé à votre avis ? Pascal, Prov. V. Ismène : Sera-t-il son époux ? - Jacinte : C'est selon, Boursault, les deux Nicandres, I, 5.
  • 3Selon que, loc. conj. En proportion que. Chacun le suit d'un pas ou plus ou moins pressé, Selon qu'il se rencontre ou plus ou moins blessé, Corneille, Hor. IV, 2. Selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir, La Fontaine, Fabl. VII, 1. Nous devons travailler sans cesse à nous conserver cette joie qui modère notre crainte, et à conserver cette crainte qui modère notre joie, et, selon qu'on se sent trop emporter vers l'une, se pencher vers l'autre pour demeurer debout, Pascal, Lett. à Mlle de Roannez, 6. Selon qu'il [Néron] vous menace ou bien qu'il vous caresse, La cour autour de vous ou s'écarte ou s'empresse, Racine, Brit. IV, 1.

    Conformément à la circonstance où. On a une différente manière d'argumenter, selon qu'on porte une robe blanche, grise ou noire, ou selon qu'on est affublé d'un manteau ou d'une chasuble, Voltaire, Pol. et lég. Avis au public, Causes étranges de l'intolérance.

HISTORIQUE

XIe s. Il li rendra demi, seluc ceo que il est nez, Lois de Guill. 13. Sulun, ib. 38.

XIIe s. Conseillez m'ent [de cela] D'envoier en Herupe selonc vostre esciant, Sax. XX. Som sa valor, som sa poissance, Benoit de Sainte-Maure, V. 8388.

XIIIe s. Et la dame n'ot pas assez de vesteure, Selon ce qu'elle ert [était] tendre et jeune creature, Berte, XLII. Renart saut sus, plus n'i demeure, Son charme fist, puis s'en torna, Selonc le bois un mont trova, Ren. 3670. S'il veut dire qu'il ne soit faus segont les coutumes dou païs, je sui près d'atandre l'enqueste des sages jougeors dou païs, Liv. de jost. 16. Là desous, en un camp qui plains ert de sablon, Heberja Estatins, qui ot cuer de baron, Et li quens de Nevers est hebergiés selon, Ch. d'Ant. IV, 61. Segont le mesfait, Ass. de Jérus. II, 22. Soulonc ce que je serai requis de par lui, Du Cange, auxilium. Li bestiaires seon les dis des anciens philosophes, Bibl. nat. fonds franç. n° 9215, f° 37.

XIVe s. Appareilier toutes viandes soronc divers usages de divers païs, Bibl. des ch. 5e série, t. I, p. 224. Nous avons dit que felicité est operacion selon vertu, Oresme, Eth. 18.

XVe s. Vous monterez à cheval et chevaucherez selon cette riviere, Froissart, I, I, 119. Il leur sembloit que l'emprise estoit si haute et si perilleuse, selon le discord et les grands haines qui estoient adonc entre les hauts barons et les communes d'Angleterre, et selon ce que les Anglois sont communement envieux…, Froissart, I, I, 16. Une chose ont ils assez honneste selon leur mauvaistié ; car à la personne du prince ilz ne toucherent jamais, Commines, II, 4. Fevre convient, je n'en doubt mie, Pour tous ars, pour charpenterie, Pour faire tout mondain ouvrage ; C'est le premier selon [après] clergie, Deschamps, Poésies mss. f° 79.

XVIe s. Le nocher gouverne selon l'experience qu'il a, Montaigne, II, 295.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. segon ; catal. segons ; espagn. segun ; portug. segundo ; ital. secondo. Étymologie controversée. Ménage le tire du lat. secundum, selon. Diez et Burgui y voient une composition de secundum et de longum ; enfin Orelli et Scheler supposent une forme sublongum signifiant le long de. Il est bien certain que, dans toutes les langues romanes, excepté le français, et dans le français pour segond et les contractions seon et som, c'est secundum qui a fourni le mot. Quant aux formes avec l, Diez et Scheler arguënt du c final qu'elles présentent pour en inférer la présence de longum ; bien que l'existence de ce c, même dans les textes anciens, ne soit pas tout à fait constante, cependant elle l'est assez pour éliminer une mutation du c ou g en l (remarquez qu'il y a même une forme en r : soronc). Il faut donc admettre l'introduction de longum, introduction d'autant plus nécessaire que lonc se trouve au sens de selon : Lonc le coustume de la court, Charte du 3 oct. 1351, Trésor des chartes, jj82, p. XII**, XII, f° 171. Maintenant, selonc représente-t-il secundum-longum, ou sublongum ? La forme soulonc indique sublongum. D'après cela, l'ancien français a deux formes, segond, qui est rare, de secundum, et selonc, de sublongum.