« sou », définition dans le dictionnaire Littré
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sou
- 1Sou d'or, monnaie de l'empire romain.
Monnaie employée en France sous la première race. La taille de ces sous d'or était de soixante et douze à la livre.
Sou d'argent, le vingtième de la livre d'argent.
Nous appelions, du temps de Charlemagne, une monnaie courante, faisant la vingtième partie d'une livre, un solide, du com romain solidum ; c'est ce solide que nous nommons un sou
, Voltaire, Pol. et lég. Observ. sur Lass, Melon et Dutot.Supposé qu'une ville de France dût à une autre, au temps de Charlemagne, cent vingt sous ou solides de rente, soixante-douze onces d'argent ; elle s'acquitterait aujourd'hui de sa dette en payant ce que nous appelons un écu de six francs
, Voltaire, Mœurs, 19. - 2 Anciennement. Monnaie de compte, la vingtième partie de l'ancienne livre, valant douze deniers (l'ancienne livre avait d'abord valu effectivement une livre d'argent ; mais, de réduction en réduction, elle en était venue à ne valoir qu'un peu moins d'un franc).
Qu'un sou, quand il est assuré, Vaut mieux que cinq en espérance
, La Fontaine, Fabl. IV, 2.Valère est un vrai fou, Qui jouerait votre bien jusques au dernier sou
, Regnard, le Joueur, II, 2.Ces politiques… qui, n'ayant pu gouverner une servante, se mettent à enseigner les rois à deux sous la feuille
, Voltaire, Mél. litt. Obs. sur le livre de la Félicité publique.La monnaie de cuivre qui avait cette valeur. Un sou bien marqué.
Un petit sou, manière des enfants de demander en aumône un sou.
Donnez ; peu me suffit, je ne suis qu'un enfant, Un petit sou me rend la vie
, Guiraud, Poëmes, élég. le Petit Savoyard.Un gros sou, pièce de monnaie valant deux sous.
Les pièces de deux sous, dont l'empreinte est presque effacée, sont un objet perpétuel de disputes
, Mercier, Tabl. de Paris, ch. 535.La cour des monnaies a voulu que la pièce de deux sous, marquée ou non marquée, eût son cours ; tout vendeur s'était obstiné à vouloir la réduire à six liards, de sa propre autorité ; à cet effet, on les rayait d'une croix, pour désigner celles qui s'étaient usées ; on s'égosillait pendant vingt minutes avant de pouvoir fixer le taux d'une pièce
, Mercier, ib.Terme d'ancienne pratique. Sou tournois, sou de douze deniers. Sou parisis, sou de quinze deniers.
Sou marqué, ancienne pièce de cuivre valant quinze deniers.
Ils composaient un trésor pour un homme qui n'avait jamais eu que des sous marqués dans sa poche
, Marivaux, Pays. parv. 1re part. ch. 536.Au sou la livre, au prorata de ce que chacun a mis de fonds dans une entreprise. Cette expression vieillit. On dit habituellement : au marc le franc, ou mieux au centime le franc.
Le sou pour livre, profit d'un vingtième.
Je me contente de la livre pour sou, je veux dire du sou pour livre ; grâces au ciel j'exerce rondement ma profession
, Lesage, Gil Bl. I, 15.Avoir un sou dans une affaire de finance, y être pour un sou, pour deux sous, y avoir un vingtième, un dixième. Ces phrases ont vieilli.
Ancien terme de finances. Avoir un sou en dehors, avoir le droit de lever, outre la somme principale, un sou par livre pour les frais de recouvrement. On a un sou en dedans, lorsqu'on a, pour profit, un sou par livre de la somme principale.
Sou pour livre, se disait de certains droits additionnels qu'on payait en sus de la taxe ou du prix convenu ; c'est ce qu'on nomme aujourd'hui centimes additionnels.
- 3Aujourd'hui, la vingtième partie du franc, et valant cinq centimes.
Je suis un sou de bon aloi, Mais en secret argentez-moi, Et me voilà fausse monnaie
, Béranger, Refus.Une pièce de cent sous, une pièce de cinq francs.
Propre comme un sou, très propre.
- 4 Familièrement. Il n'a pas un sou, pas le sou, il n'a sou ni double, ni sou ni maille, il n'a pas le sou vaillant, il n'a pas d'argent.
Le roi rend à M. de Nevers toutes ses charges ; de sorte que cette belle, qui n'a pas un sou, lui vaut mieux que la plus grande héritière de France
, Sévigné, 8.Toute la cour est pleine de joie et de plaisirs pour le mariage de Monsieur de Chartres et de Mademoiselle de Blois ; il y aura un grand bal, où tous ceux qui disent qu'ils n'ont pas un sou, font des dépenses de deux ou trois cents pistoles
, Sévigné, à Bussy, 27 janv. 1692.Ni la maison, ni moi n'avons un sou
, Maintenon, Lett. à Mme de Caylus, 1er avr. 1718.Cela est résolu ; il faut aujourd'hui même, quoique je n'aie pas le sou, que je me donne un habit neuf
, Brueys, Avoc. Pat. I, 1.Nos Français sont en pleine paix, et nous n'avons pas le sou
, Voltaire, Lett. à Cath. II, 14 janv. 1772.Je voudrais être assez riche pour pouvoir disposer de tous les exemplaires ; ce serait une demi-publicité qui me conviendrait fort, mais je n'ai jamais un sou
, Courier, Lett. I, 277.Ne pas avoir le premier sou, n'avoir aucun argent disponible, prêt pour une dépense.
La plus incroyable chose du monde, c'est la dépense que font ces dames sans avoir le premier sou
, Sévigné, 322.N'en avoir pas le premier sou, en parlant d'une entreprise, d'un payement, n'avoir pas la moindre somme pour commencer une entreprise, une opération, ou effectuer un payement. Je dois rembourser cette semaine dix mille francs, je n'en ai pas le premier sou.
Sans un sou, sans le sou, pas le sou, sans un sou comptant, sans argent.
Mis dehors, pas le sou ; ne savoir chez qui vivre
, Boursault, les Deux Nicandres, I, 10.Ce serait un beau mouvement pour les pauvres courtisans qui reviennent sans un sou
, Sévigné, 295.Vous êtes né gentilhomme, mais sans un sou
, Maintenon, Lett. à M. d'Aubigné, 23 mai 1681.Il est un petit homme… Qui sans un sou comptant Vit content
, Béranger, le P. homme gr.Bonheur étrange, Je bois et je mange, Sans un sou comptant
, Béranger, Voy. au pays de Coc.Ne pas pouvoir disposer d'un sou, n'avoir pas d'argent disponible.
Je vis au milieu de l'éclat de la fortune, et je ne puis disposer d'un sou
, Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virg.N'avoir pas un sou de quelque chose, n'en retirer aucun argent.
Il [d'Andilly] n'a jamais eu un sou d'aucun de ses livres
, Sévigné, 74.Il n'a pas un sou de bien, il n'a aucune propriété.
Heureux ceux qui n'ont pas un sou de rente viagère !
Mercier, Tabl. de Paris, ch. 652.Ne pas laisser un sou, se dit de celui qui trompe l'espoir de son héritier, soit qu'il ne laisse rien, soit qu'il dispose de ce qu'il laisse en faveur d'autres personnes.
J'aimerais mieux voir mes biens au fond de la mer que de leur laisser jamais un sou
, Al. Duval, les Hérit. 15.Populairement. Il a mangé ses quatre sous, il a mangé son peu de fortune. Je veux conserver mes quatre sous.
- 5 Familièrement. Cette terre vaut cent mille francs comme un sou, elle les vaut amplement.
Ce coquin-là vaut vingt mille livres de rente comme un sou, à un enfant de famille
, Regnard, Retour imprév. 6. - 6Mettre sou sur sou, épargner sur les plus petites choses pour amasser.
- 7Sou à sou, sou par sou, par petites sommes.
Il va marchander avec eux sou à sou
, Lesage, Diable boit. 17.Pissot, mon libraire… me donnait toujours très peu de chose de mes brochures, souvent rien du tout… il fallait attendre longtemps, et tirer sou à sou le peu qu'il me donnait
, Rousseau, Conf. VIII.Le peu qui lui restait a passé, sou par sou, En linge, en aliments, ici, là, Dieu sait où
, Lamartine, Joc. Prol. 29. - 8 Fig. Un sou, un peu.
Bien plus, si pour un sou d'orage en quelque endroit S'amassait d'une ou d'autre sorte, L'homme en avait sa part
, La Fontaine, Fabl. IV, 8. - 9Soudenier, sorte d'ancien impôt.
Ces divers droits… sou-denier, travers…
, Boisguillebert, Factum de la France, X.
PROVERBES
Il a fait de cent sous quatre livres et de quatre livres rien, il a mangé son avoir en mauvaises affaires.
Un sou amène l'autre, dans un commerce, à force de vendre de petits articles, on finit par gagner de l'argent.
HISTORIQUE
XIe s. E cent solz de forfait
, Lois de Guill. 1.
XIIIe s. Sixante sols [un cheval] cousta, un an a, en certain
, Berte, LXXIII. [Le bailli] y met le seel de le [la] baillie, et prent pour le seel de le [la] livre un sol
, Beaumanoir, I, 40. Mais li sers ne pot lessier en son testament plus grant somme que cinq sous
, Beaumanoir, XII, 3. Li arpens de bois, selonc drois pris, est prisiés dix sous l'arpent
, Beaumanoir, XXVII, 12.
XVIe s. Un noble prince n'a jamais un sou ; thesauriser est fait de vilain
, Rabelais, I, 33. Je veis avant hier un enfant que deux hommes et une nourrice… conduisoient pour tirer quelque soul de le montrer à cause de son estrangeté…
, Montaigne, III, 136.
ÉTYMOLOGIE
Bourguig. sô ; provenç. sol ; espagn. sueldo ; portug. et ital. soldo ; du lat. solidus, pièce d'or, proprement pièce entière, solide (voy. SOLIDE). Un sol qui se prononce un sou, comme un fol un fou,
Des Accords, Bigarrures, t. I, p. 121, Paris, 1662.