« subtil », définition dans le dictionnaire Littré

subtil

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

subtil, ile

(sub-til, ti-l') adj.
  • 1Délié, fin, menu, par opposition à grossier, épais. Un feu subtil s'allume, et ses brandons épais Sur votre don fatal courent de toutes parts, Corneille, Médée, v, 1. Pour ceux qui ont le sang si extrêmement subtil, il me semble qu'il ne faut rien pour embraser toute la machine, Sévigné, 9 juill. 1677. Comme un homme que la curiosité a tiré de son élément, et qui ne peut ni respirer, ni vivre dans un air subtil, Vauvenargues, Max. CCLIX. Euler et plusieurs autres, voulant expliquer mécaniquement les phénomènes magnétiques, ont adopté l'hypothèse de Descartes, qui suppose, dans la substance de l'aimant, des conduits et des pores si étroits, qu'ils ne sont perméables qu'à cette matière magnétique, selon eux plus subtile que toute autre matière subtile, Buffon, Min. t. IX, p. 117.

    La matière subtile, matière imaginée par Descartes dans les tourbillons. Mais le vide à souffrir me semble difficile, Et je goûte bien mieux la matière subtile, Molière, Femmes sav. III, 2. L'autre, qui se croyait même son disciple zélé [de Descartes], lui écrivait qu'il avait vu enfin sa matière subtile voltiger aux rayons du soleil, qui donnaient à travers les fentes d'un volet, Le P. Castel, dans Mém. de Trévoux, 1725, t. I, p. 304.

    Ancien terme de marine. Galères subtiles, galères les plus étroites, surtout à la poupe.

  • 2Qui est de nature à pénétrer, à s'insinuer promptement. Le vif-argent est fort subtil. Un poison subtil. Et la morsure du serpent Est moins aiguë et moins subtile, Que le venin caché que sa langue répand, Rousseau J.-B. Odes, IV, 1.

    Terme de fauconnerie. Mal subtil, maladie particulière aux faucons, dans laquelle ces oiseaux paraissent toujours être affamés.

  • 3Il se dit des sens qui ont de l'acuité, quand on sent, voit, entend ce que les autres ne perçoivent que difficilement. Avoir la vue subtile, l'œil subtil. Avoir l'ouïe subtile, l'oreille subtile. Le tact est le moins subtil des sens. Ce sujet si zélé qui, d'un œil si subtil, Sut de leur noir complot développer le fil, Racine, Esth. II, 3.
  • 4Qui est adroit de la main, qui exécute avec une grande dextérité des tours de main, sans qu'on puisse voir comment ils se font. Un subtil voleur. Main subtile pour escamoter. Un joueur de gobelets fort subtil.

    On dit à peu près dans le même sens : Le renard est un animal fort subtil ; le singe est subtil.

    On dit de même : Ce tour, ce vol est subtil, il est fait avec beaucoup d'adresse. Cette fuite et cette course insensible du temps n'est qu'une subtile imposture pour nous mener insensiblement au dernier jour, Bossuet, Sermons, Nécess. de la pén. 2.

  • 5Qui a dans l'esprit l'adresse exprimée pour la main par subtil. Comment ! ce peuple [Athéniens], qui se pique D'être le plus subtil des peuples d'aujourd'hui A si mal entendu la volonté suprême Du testateur ! La Fontaine, Fabl. JJ, 20. Il y a du plaisir à voir ce savant casuiste pénétrer dans le pour et le contre d'une même question qui regarde les prêtres, et trouver raison partout, tant il est ingénieux et subtil, Pascal, Prov. VI. Leur subtil conducteur [des révolutionnaires anglais, Cromwell] qui, en combattant, en dogmatisant, en mêlant mille personnages divers…, Bossuet, Reine d'Anglet. Son adversaire était M. Rolle, le plus profond de nos algébristes, et en même temps subtil, artificieux, fécond en certains stratagèmes, dont on ne croirait pas trop que des sciences démonstratives fussent susceptibles, Fontenelle, Saurin. La philosophie d'Aristote ayant été portée en Occident, elle plut beaucoup aux esprits subtils, qui, dans les temps d'ignorance, sont les beaux esprits, Montesquieu, Esp. XXI, 20.

    S. m. Personne subtile. Ces subtils qui croyaient régner dans les assemblées… n'ont pu se défendre, Guez de Balzac, liv. I, lett. 7. Tout ce qu'il y a de meilleur en nous tourne et dégénère en excès ; les simples sont grossiers, les subtils sont présomptueux, Bossuet, 4e sermon, Circoncision, 2. Ces faux subtils pensent-ils apprendre au monde…, Bossuet, Ét. d'orais. II, 23. Souvent dans son orgueil un subtil ignorant Par d'injustes dégoûts combat toute une pièce, Boileau, Art p. IV.

  • 6En parlant des choses, fin, ingénieux, adroit. Stratagème subtil, Mairet, Mort d'Asdr. v, 1. Si tu n'as pas de ruse plus subtile…, Corneille, Héracl. IV, 6. Mais à me tourmenter ma crainte est trop subtile, Racine, Esth. II, 1. Les lois ne doivent point être subtiles, elles sont faites pour des gens de médiocre entendement, Montesquieu, Espr. XXIX, 16.
  • 7Trop raffiné, qui échappe à l'intelligence par un excès de finesse, en parlant des personnes et des choses. Ce que vous dites là est trop subtil pour moi. Un philosophe subtil. La différence est si subtile qu'à peine nous pouvons la marquer, Pascal, Prov. I.

    S. m. Ce qu'il y a de subtil. Viser au subtil.

HISTORIQUE

XIIIe s. Tel conseil [je] sai donner qui est bon et soutis, Berte, LXXV. Pour ce que elle soit plus soutille de son mestier garder et faire, Liv. des mét. 384. Renart, qui moult estoit soutis, Ren. 19862. Et disoit que l'ennemi [le démon] est li soutilz, Joinville, 197. Il m'apela une foiz, et me dist : je n'ose parler à vous, pour le soutilz senz dont vous estes, de chose qui touche à Dieu, Joinville, 194.

XIVe s. Que nuls, par son serement, ne vendra… aucune marchandise à livre soutive, qui doit estre livrée et pesée à la livre grosse, Ordonn. février 1321. Adonques s'avisa la royne jolie D'un tour assez subtil, dont elle fut moult lie, Baud. de Seb. II, 582.

XVe s. Le roi Charles de France, qui fut sage et soutil, et bien le montra tant que il vesquit, Froissart, II, II, 26. Lors respondit philosophie, Qui oncques ne fut assouffie D'arguer par soubtieves voies, Froissart, Buiss. de jonece. Au voir dire, ce François Acreman estoit moult habile… pour faire de soutives emprises, Froissart, II, II, 229. Il n'est paintre, tant soit subtil, Qui sceüst la flour d'un courtil Adroit seulement contrefaire, Deschamps, Poés. mss. f° 480. Et par mer avoit en navire sept galées subtiles et deux grosses galées, Bouciq. III, 20.

XVIe s. Subtil à rechercher les faultes d'aultruy, Amyot, Cimon et Lucull. 2. Ils faulsoient leurs espées, qui avoient les lames fort tenues et subtiles, Amyot, Cimon, 70. Les compresses seront faites de linge mol et subtil, Paré, VIII, 16. Je suis ennemy des actions subtiles et feintes, Montaigne, I, 96. De quoy se faict la subtile folie, que de la plus subtile sagesse ? Charron, Sagesse, I, 15.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, sûti, sage, spirituel ; bourg. sutil, suti, au fém. sutie ; provenç. subtïl, sotil ; espagn. sutil ; ital. sottile ; du lat. subtilis, qui, selon Corssen, Ausspr. 2e édit. I, 643, est pour sub-telis, de sub, et tela, toile : finement tissé, fin, délicat.