« veiller », définition dans le dictionnaire Littré

veiller

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

veiller

(vè-llé, ll mouillées, et non vè-yé) v. n.
  • 1S'abstenir de dormir pendant le temps destiné au sommeil. Veiller très tard. Toute la nature sommeille ; Mais non, j'ai tort, je m'aperçoi Que, dans ce beau lit où je veille, Mes puces veillent avec moi, Sarrasin, dans RICHELET. Je ne saurais veiller sans en être fort incommodée, Maintenon, Lett. à d'Aubigné, 5 août 1685. Mme du Deffant, après avoir veillé toute la nuit chez elle-même ou chez Mme de Luxembourg, qui veillait comme elle, donnait tout le jour au sommeil, Marmontel, Mém. VIII. Il faut que les hommes veillent sans relâche pour saisir les circonstances de ces mouvements inaltérables [des corps célestes], et pour connaître la nature, qui ne se repose jamais, Bailly, Hist. astr. Disc. prél. p. 2. Et ne veillez-vous qu'au bal ? - Un peu aussi pour le pharaon, un peu dans les petits soupers donnés à Mme la vicomtesse, Genlis, Théât. d'éduc. Dangers du monde, I, 3.

    Fig. Veille, ma lampe, veille encore ; Je lis les vers de Dufresnoi, Béranger, Ma lampe.

    Substantivement. En vain par le veiller on acquiert du savoir, Régnier, Sat. IV.

  • 2Ne point dormir, être dans l'état de veille. Ne sens-je pas bien que je veille ? Ne suis-je pas dans mon bon sens ? Molière, Amph. I, 2. Est-ce donc pour veiller qu'on se couche à Paris ? Boileau, Sat. VI. Lorsque l'âme a la perception ou le sentiment réfléchi de la suite de ses modifications, elle veille, Bonnet, Causes prem. VI, 24.

    Veillé-je ? sorte d'interrogation qu'on se fait à soi-même pour s'assurer que l'on veille en effet, et que ce qu'on voit, ce qu'on entend est réel. Elle me fuit ! veillé-je ? ou n'est-ce point un songe ? Racine, Iphig. II, 7.

  • 3Être de garde. Le pauvre en sa cabane où le chaume le couvre, Est sujet à ses lois [de la mort] ; Et la garde qui veille aux barrières du Louvre, N'en défend pas nos rois, Malherbe, VI, 18. Une chose qui caractérise encore le despote, c'est la faiblesse ; plus il veut qu'on dépende, plus il dépend lui-même ; sa garde, qui veille pour lui, veille aussi contre lui, Condillac, Hist. anc. Lois, ch. 4.
  • 4 Fig. Prendre garde, appliquer son attention à quelque chose. La reine d'Angleterre veillait sans relâche sur sa conscience, Bossuet, Reine d'Anglet. Le prince, par son campement, avait mis en sûreté non-seulement toute notre frontière et toutes nos places, mais encore tous nos soldats ; il veille, et c'est assez, Bossuet, Louis de Bourbon. Ces pieux fainéants… Veillaient à bien dîner, Boileau, Lutr. I. Depuis six mois entiers j'ai cru que, nuit et jour, Ardente, elle veillait au soin de mon amour, Racine, Bajaz. IV, 4. Ils conjuraient ce Dieu de veiller sur vos jours, Racine, Esth. III, 4. Les lois veillent sur les crimes connus ; et la religion, sur les crimes secrets, Voltaire, Pol. et lég. S'il est utile d'entret. le peuple dans la superst. Ces deux partis [whig et tory] veillent l'un sur l'autre, ils s'empêchent mutuellement de violer le dépôt sacré des lois, Voltaire, Princ. de Babylone, 8. Dans tous les États du monde la police veille avec le plus grand soin sur ceux qui instruisent, qui enseignent, qui dogmatisent ; elle ne permet ces sortes de fonctions qu'à gens autorisés, Rousseau, Lett. de la Mont. 5.
  • 5 Terme de marine. Se dit de l'état d'un rocher dont la partie supérieure se découvre à mer basse,

    Veille au grain ! voy. GRAIN, n° 23.

  • 6 V. a. Passer la nuit auprès de quelqu'un pour le soigner. Elle le veilla tout le temps de sa maladie, elle reçut son dernier soupir, Genlis, Mme de Maintenon, t. II, p. 177, dans POUGENS.

    Veiller un mort, passer la nuit auprès d'un mort.

    Terme de fauconnerie. Veiller un oiseau, empêcher un oiseau de dormir, afin de le dresser ensuite plus aisément.

    Fig. Veiller quelqu'un, surveiller sa conduite. Je ne pouvais douter que je ne fusse veillé à l'œil, Mirabeau, Lett. orig. t. I, p. 380. Ils le veillèrent si bien qu'ils surprirent des lettres écrites à des partisans du roi, Anquetil, Ligue, III, p. 273.

    PROVERBE

    Jeunesse qui veille et vieillesse qui dort, c'est signe de mort.

HISTORIQUE

XIIe s. …On songe bien en villant ; Aussi de voir [vrai] com de mencoigne Sont li penser comme li songe, Chrestien de Troyes, dans HOLLAND, p. 266. Mil eschargaite [sentinelles] les gaitent en voillant, Ronc. p. 111. Et souspirer et veiller sans dormir, Couci, x. En salmes e oreisuns tute la nuit veilla, Th. le mart. 162. Tuit cil ki desirent faire ce ke al munde atient, font alsi com voilier ; et tuit cil ki quierent lo deventrier [intérieur] repaus et par pense fuient la noise del munde, font alsi com dormir, Job, p. 479.

XIIIe s. Sainte Eglise se plaint ; ce n'est mie mervelle ; Cascuns de guerroier contre li s'aparelle ; Si fil sont endormi ; n'est nul qui por li velle ; Elle est en grant peril, Rutebeuf, 233. Quant Flores dort et ses cuers [son cœur] velle, Fl. et Bl. 1485.

XIVe s. Les gardes des cités doivent celui [Dieu] doubter, sans la garde duquel l'en veille pour noient, J. de Vignay, Eschès, f° 74.

XVIe s. …le triste veiller m'est pire que la mort, Et le songe m'est vie heureuse et favorable, Desportes, Imitation de l'Arioste. Il n'y en a point qui me veillent [surveillent] de si prez, Montaigne, I, 108. Assez veille qui bien fait, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Wallon, veuy ; bourguig. vaillé ; provenç. velhar ; espagn. velar ; ital. vigliar ; du latin, vigilare, qui vient de vigil, éveillé ; comparez le goth. vakan, allem. wachen, veiller.