« écouter », définition dans le dictionnaire Littré

écouter

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

écouter

(é-kou-té) v. a.
  • 1Prêter l'oreille pour entendre, prêter son attention à ce qu'on vous dit. Écoutez-moi attentivement. Écouter la leçon du maître. On l'embrasse à plusieurs reprises, on croit l'aimer, on lui parle à l'oreille dans le cabinet… on a soi-même plus de deux oreilles pour l'écouter, La Bruyère, III. Pourquoi voyons-nous tant de gens qui, nés avec de l'esprit, ne savent cependant ni causer ni écouter les autres ? c'est qu'on les a mis de trop bonne heure dans le monde, Genlis, Adèle et Théod. t. II, lett. 33, p. 276, dans POUGENS.
  • 2 Absolument. Je suis venu ici pour écouter. Écoute cependant et tiens mieux ta parole, Corneille, Cinna, V, 1. Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter, Pour dormir et pour écouter D'où vient le vent, il laisse la tortue…, La Fontaine, Fabl. VI, 10. Il [Théophile] écoute, il veille sur tout ce qui peut servir de pâture à son esprit d'intrigue, de médiation ou de manége, La Bruyère, IX. Il serait bien à souhaiter pour vous que vous puissiez être souvent en si bonne compagnie, et vous en pourriez retirer un grand avantage, pourvu qu'avec un homme tel que M. Despréaux vous eussiez plus de soin d'écouter que de parler, Racine, Lett. à son fils, IV. Vois quel est Mahomet ; nous sommes seuls ; écoute : Je suis ambitieux, tout homme l'est sans doute, Voltaire, Mahomet, II, 5. Je ne l'entendais plus et j'écoutais encore, Ducis, Othello, I, 6. Tu parles, mon cœur écoute ; Je soupire, tu m'entends ; Ton œil compte goutte à goutte Les larmes que je répands, Lamartine, Harm. I, 8.

    Terme de théâtre. Cet acteur sait écouter, se dit d'un acteur qui est bien en scène quand l'interlocuteur lui parle.

    Écoute ! écoutez ! Apostrophe pour appeler quelqu'un ou pour fixer l'attention.

    Écouter aux portes, commettre des indiscrétions de curiosité, et aussi se tenir au courant des choses secrètes. Vous avez raison, il ne faut pas qu'on nous surprenne écoutant aux portes, Picard, Collatér. IV, 7.

    N'écouter que d'une oreille, faire peu d'attention, ne faire aucun cas de ce qu'on dit.

    Sonnez comme il écoute, se dit à une personne qui veut faire écouter un bruit qui n'existe pas réellement. Ce semble une contre-petterie plaisante pour : écoutez, comme il sonne.

    Par plaisanterie. Un écoute s'il pleut, un moulin auquel l'eau manque souvent, ou qui ne va que par écluses ; et fig. un homme faible que la moindre chose arrête ; une promesse illusoire.

  • 3 Par extension. Écouter, donner audience, entendre une réclamation, une demande, une observation. Notre sage magistrat écoutait également le riche et le pauvre, Bossuet, le Tellier. Je suis bien bon, dit-il, d'écouter ces gens-là, La Fontaine, Fabl. X, 2. Écoutez tout le monde, assidu consultant ; Un fat quelquefois ouvre un avis important, Boileau, Art p. IV. Tout va vous obéir, si le vainqueur m'écoute, Racine, Alex. III, 3.

    Écouter quelqu'un en confession, recevoir sa confession.

    Écouter un amant, ne pas repousser ses hommages. Et je n'obtiendrai point, seigneur, qu'elle m'écoute, Jusqu'à ce qu'elle ait vu votre hymen hors de doute, Corneille, Perthar. II, 3. Sur cette trahison [d'un mari] on la plaint, elle écoute ; Et cet on quelquefois qui se fait écouter, Trouve un heureux moment dont il sait profiter, Hauteroche, Appar. tromp. II, 6. Eh bien, madame, hé bien, écoutez donc Oreste, Racine, Andr. II, 1. Hélas ! pour mon malheur je l'ai trop écouté [Pyrrhus], Racine, ib. II, 1. J'adore depuis six mois une femme charmante ; j'en suis écouté, elle seule peut faire le bonheur de ma vie, Lesage, Diable boit. ch. V.

    Accueillir, ne pas repousser. Mais écouteriez-vous les conseils d'une femme ? Corneille, Cinna, IV, 3. Le choix est glorieux et vaut bien qu'on l'écoute, Molière, Tart. II, 4. Pour écouter jamais une offre si honteuse, Racine, Alex. I, 1. Il est vrai, si le ciel eût écouté mes vœux…, Racine, Baj. III, 4. Et si l'on veut, madame, écouter vos discours, Ma main de Claude même aura tranché les jours, Racine, Brit. V, 6. Les lois n'écoutent pas l'amitié paternelle, Voltaire, Tancr. II, 2.

  • 4Se laisser aller à un sentiment ou à une passion. Sabine, écoutez moins la douleur qui vous pousse, Corneille, Hor. V, 3. C'eût été démentir mon nom et ma naissance, Et ne point écouter le sang de mes parents, Qui ne crie en mon cœur que la mort des tyrans, Corneille, Héracl. III, 2. Ah ! si vous écoutez cet injuste courroux, Corneille, Sert. IV, 2. J'écoutais avec plaisir mille chimères ridicules qui vous peignaient innocent à mon cœur, Molière, le Festin de P. I, 3. J'écoute comme vous ce que l'honneur m'inspire, Racine, Alex. I, 2. Pylade, je suis las d'écouter la raison, Racine, Andr. III, 1. J'écoute trop peut-être une imprudente audace, Racine, Baj. II, 5. Je n'écoutai que ma passion, Fénelon, Tél. I. Mais n'écoutai-je point un espoir trop flatteur ? Voltaire, Brut. III, 4. Et si je n'écoutais que ta honte et ma gloire, Voltaire, Zaïre, III, 4. Permettez-moi, César, d'écouter l'espérance, Chénier M. J. Tibère, IV, 2.

    Écouter trop son mal, s'en affecter trop vivement, se trop ménager.

  • 5 Terme de manége. Écouter son cheval, être attentif à ne point le déranger de ses airs quand il manie bien.

    On dit qu'un pas écoute les talons, quand il ne se jette ni sur l'un ni sur l'autre talon.

  • 6S'écouter, v. réfl. Prêter attention aux pensées qui surgissent dans l'esprit. En ce moment, aucune nécessité de position, aucun sentiment d'amour-propre ne pouvait forcer Napoléon à combattre ses propres raisonnements et l'empêcher de s'écouter lui-même, Ségur, Hist. de Nap. II, 4.

    N'écoutez que vous-même, ne consultez que vos propres inspirations.

    S'écouter parler, et, absolument, s'écouter, se dit de quelqu'un qui parle lentement et qui affecte de bien dire. Vous êtes bien maîtresse de mettre de la pédanterie dans vos phrases, de vous écouter en parlant, Genlis, Adèle et Théod. t. III, lett. 23, p. 179, dans POUGENS.

    Se laisser aller à l'intérêt pour soi-même. Je me prie, en pleurant, d'oser rompre ma chaîne ; Le fer libérateur qui percerait mon sein, Déjà frappe mes yeux et frémit sous ma main ; Et puis mon cœur s'écoute et s'ouvre à la faiblesse : Mes parents, mes amis, l'avenir, ma jeunesse…, Chénier, Élég. XXXVI.

    S'écouter, ménager ses forces, sa santé. Il s'écoute trop. Il ne faut pas s'écouter. On se fait violence, on ne s'écoute point, on croit qu'à force de prendre sur soi, à la fin on accoutumera le corps à obéir et à nous suivre, Massillon, Confér. sur le jubilé. Il [Maisons] est surpris d'un léger dévoiement dans ce temps de crise où il n'avait pas le temps de s'écouter, Saint-Simon, 401, 238. J'étais persuadé que toute production naturelle, agréable au goût, ne peut être nuisible au corps ; cependant je m'écoutai un peu tout le reste de la journée, Rouss. Prom. 7.

HISTORIQUE

Xe s. Elle n'out eskoltet les mals conselliers, Eulalie.

XIe s. Messe et matines a li reis esculté, Ch. de Rol. X.

XIIe s. Sire compeing [compagnon], plait-il vous [vous plaît-il] escouter ? Ronc. p. 47. Li emperere s'estut [sarrêta], si escota, ib. p. 95. Si vous daignez ma priere escouter, Couci, XII. Dunc l'a fait l'apostoiles en sun estant lever, E comanda à lire les leis e esculter, Th. le mart. 57. Parole, sire, kar tis serfs [ton serviteur] esculte, Rois, XI. E home felon de Israel vindrent là, li rois ne les vot [voulut] escotier, Machabées, I, 10.

XIIIe s. Plaise à la hautece de ta maesté escouter m' oroison, Psautier, f° 104. Encores est leens sans doute Deduit orendroit, qui escoute à chanter gais rossignolés, la Rose, V. 612. En une lande il s'aresta, Por sa muete [meute] k'il escouta, Lai de Melion.

XVe s. [Il doit] le poure oïr, le plaintif escouter, Deschamps, Des vertus nécessaires au prince. Et sembloit bien qu'ils escoutassent qui seroit le plus fort ou le roy ou les seigneurs, Commines, I, 2.

XVIe s. Il me faut ici adjurer les lecteurs non pas d'escouter à mes gloses, mais de donner quelque lieu à la parole de Dieu, Calvin, Instit. 511. Frere Jean, escoute icy, je ne suys point ingrat, et ne le fuz, ne seray, Rabelais, Pant. IV, 8. Quelque bon desseing qu'ayt un juge, s'il ne s'escoute de prez [se surveille]…, Montaigne, II, 323. J'escoute à mes resveries, parce que j'ay à les enrooller, Montaigne, III, 76.

ÉTYMOLOGIE

Bourguign. acoutai ; Berry et picard, acouter ; wall. hoûter ; namur. choûter ; rouchi, ascouter ; provenç. escotar, escoutar ; catal. escoltar ; espagn. escuchar ; portug. escutar ; ital. ascoltare ; du latin auscultare. Caper, grammairien latin, remarque qu'il ne faut point prononcer ascultare, ce qui prouve que cette prononciation était populaire. C'est celle que les langues romanes ont retenue ; quelques-unes ont changé l'as initial en es, par une méprise très naturelle, tant de mots commençant par es. Les étymologistes croient que aus-cultare est composé de aus, ancienne forme, oreille, et cultare ou clutare, fréquentatif de cluere, entendre : percevoir par l'oreille.