« chère », définition dans le dictionnaire Littré

chère

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

chère

(chê-r') s. f.
  • 1Visage. Ce sens a vieilli.
  • 2Bon accueil, réception caressante. Voulant cacher ma honte et sa colère, Elle couvrit son front d'une meilleure chère, Régnier, Élég. IV. Ne sachant quelle chère me faire, Sévigné, 291. À qui la mère Pour ne se découvrir fait plus mauvaise chère, Régnier, Sat. II. S'il y avait auprès de vous une personne bien faite, qui vous fît bonne chère, Voiture, Lett. 187.

    Chez les cabaretiers, tant pour la bonne chère, tant pour le couvert et les autres menus frais. Ce sens a vieilli.

  • 3 Par extension, faire bonne chère a passé du sens de faire bon accueil à faire un bon repas, parce qu'un bon repas est une partie d'un bon accueil. Dans ce sens chère comprend tout ce qui regarde la quantité, la qualité et la préparation des mets. Aimer la bonne chère. Le lieu de la ville où l'on faisait la chère la plus délicate, Hamilton, Gramm. III. Faisant chère et vivant sur la bourse publique, La Fontaine, Fabl. IV, 12. Hélas ! que sert la bonne chère Quand on n'a pas la liberté ? La Fontaine, ib. IV, 3. Je dois faire aujourd'hui bonne chère ou jamais, La Fontaine, ib. VIII, 9. Alexandre disait que la bonne chère n'était point de saison, quand on avait de grandes affaires, Du Ryer, Supplément de Quinte-Curce, liv. II, ch. 8. Repose-toi, fais grande chère, Bossuet, Char. 1. Elle disait hier à table, qu'en Basse-Bretagne on faisait une chère admirable, Sévigné, 68. Votre intendant jure qu'on ne peut pas faire une meilleure chère, ni plus grande, ni plus polie, Sévigné, 427. Comment appelez-vous ce traiteur de Limoges qui fait si bonne chère ? Molière, Pourc. I, 6. Nous feras-tu bonne chère ? Molière, l'Av. III, 5.

    Faire petite chère, maigre chère, avoir un repas insuffisant en quantité ou en qualité.

    Homme de bonne chère, celui qui aime la table et s'y connaît. C'était un homme de bonne chère ; et il devient sobre et tempérant, Bourdaloue, Pensées, I, 392. Vous avez dit que c'était un homme de bonne chère, Massillon, Panég. St. Jean-Bapt.

    Chère entière, grand repas suivi de plusieurs divertissements.

    Chère de commissaire, un repas où l'on sert viande et poisson, locution qui vient du temps où il y avait des chambres mi-parties de catholiques et de protestants, les commissaires faisant les uns maigre les autres gras.

    Faire grande chère et beau feu, faire une très grande dépense.

    Faire chère lie, faire bonne chère et vie joyeuse. La galante fit chère lie, La Fontaine, Fabl. III, 17. … lui-même ayant fait grand fracas, chère lie… Il devint pauvre tout d'un coup, La Fontaine, ib. VII, 14.

PROVERBES

Il n'est chère que de vilain, c'est-à-dire lorsqu'un avare se résout à donner un repas, il y met plus de profusion qu'un autre.

Chère d'homme fait vertu, c'est-à-dire la face, la présence de l'intéressé fait vertu, rien ne vaut la présence d'un homme pour le succès de ses affaires.

HISTORIQUE

XIe s. [Il] plore des oilz, toute sa chere embronche, Ch. de Rol. CCLVI.

XIIe s. Li cons [comte] Rollant o [à] la chiere hardie, Ronc. p. 10. Le nez [il] ot beau et chiere de baron, ib. p. 20.

XIIIe s. À moi pert [paraît] bien au vis et à la chiere, Que vostre amor m'est trop estrange et fiere, Eust. le Peintre, dans Couci. À tant es vous la vieille qui fait mout lie chiere, Berte, XI. Sa fille [elle] a embracée, si la baise en la chiere, ib. [Elle] Mout faisoit laide chiere, et mout ert [était] emplorée, ib. XVI. Ysengrin n'iert pas endormiz, Saut sus, ne fist pas chiere morte, Ren. 20384. Car l'en a la chose moult chiere Qui est donnée à bele chiere, la Rose, 2271. À regarder lores me pris Les cors, les façons et les chieres, Les semblances et les manieres Des gens qui ilec karoloient, ib. 805. Ne ne faites chiere nesune De haïne ne de rancune, ib. 7375. Combien qu'il facent fiere chiere, ib. 7650. Les gardes dou champ doivent partir le soleil, si qu'il ne soit contre la chiere de l'un plus que de l'autre, Ass. de Jérus. I, 169.

XIVe s. Le corps a grant et fort, et le viaire fier ; Il a moult bien la chiere de maisement paier, Guesclin. V. 13690. Car nuls homs n'est, s'il pert, qui ait la chiere lie, Baud. de Seb. VII, 154.

XVe s. Et fit la porte de la ville ouvrir, et fit bien chere et maniere de defense, Froissart, I, I, 86. [Le roi d'Angleterre à ses chevaliers avant la bataille de Crecy] et leur disoit ces langages de si lie chere, que qui fust tout desconforté, si se pust il reconforter en lui oyant et regardant, Froissart, I, I, 284. Quelque chere que ils fissent, ils n'estoient pas bien à seur, Bouciq. II, ch. 6. Il nous fera, sans faillir, bonne chiere, Orléans, 1. Et sur ce leur monstra plusieurs inconveniens qui leur pourroient advenir, le plus gratieusement qu'il peut, et feirent bonne chaire au gentilhomme, Juvénal Des Ursins, Charles VI, 1382. Il fut loué de sa fuyte ; et plus encores de son retour lui fist chascun bonne chere, Commines, I, 4. Après disner le duc et le roy se veirent en grant chiere, Commines, II, 13. Homme de bonne chere et de plaisir, Commines, V, 16. Il me fit la plus grande chere du monde, Commines, VII, 1. Le pelletier en fut content, Car il ne vouloyt que repaistre, Et alla tout incontinent Faire grant chere avec le prestre, Villon, Repues. Je ne vous ai dit chose que je ne fasse, et faites bonne chere [soyez tranquille], Louis XI, Nouv. XLVII.

XVIe s. … Et puis appaisoit sa cholere Tout soudain qu'on luy faisoit chere, Du Bellay, J. VII, 40, verso. Où recueillis y furent à bonne chere Des habitans et sans la vendre chere, Marot, J. V, 150. Tout ainsi que si une femme impudique, pour navrer davantage le cœur de son mari, devant ses yeux faisoit chere à son paillard, Calvin, Instit. 284. Le tout est que je laissay le roy faisant, dieu mercy, très bonne chere [en santé], et commençant bien à se fortifier, Marguerite de Navarre, L. 46. Le roy faict tousjours la chere que vous m'aviés promise, dont je sçay de plus en plus l'obligacion que j'ay à vous, Marguerite de Navarre, ib. 140. Faictes leur tant de bonne chere qu'il vous plaira, Montaigne, I, 71. Au milieu de leurs festins, et par my leur meilleure chere, Montaigne, I, 76. Avec une chere basse et morne sans mot dire, Amyot, Numa, 18. Il voulut que ceulx qui avoient porté leur part du labeur de cultiver la terre, eussent aussi part au plaisir de faire bonne chere des premiers fruicts d'icelle, Amyot, Lyc. et Num. comp. 2. Valerius adonc descendit avec un bon visage sur la place, et avec une chere ouverte fut le premier qui jura…, Amyot, Publ. 3. Il ne se laissa eschapper de la bouche pas une parole insolente, ny ne monstra à sa face une chere joyeuse, Amyot, Marcel. 50. Belle chere et cœur arriere, H. Estienne, Précellence, 216 et 217. Belle chere vaut bien un mets, H. Estienne, ib.

ÉTYMOLOGIE

Norm. chère, visage ; wallon, caire, mine, air ; provenç. et espagn. cara ; du latin cara, face, qui se trouve pour la première fois dans Corippus, poëte du VIe siècle, et qui est le grec ϰάρα, tête. On voit la série des sens : visage, puis bon accueil, c'est-à-dire bon visage, et enfin bon repas, qui est une des manières du bon accueil.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

CHÈRE. - ÉTYM. Ajoutez : À Lamballe, Côtes-du-Nord, on dit faire des chères, pour dire : faire une mine gracieuse, faire des caresses.