« consommer », définition dans le dictionnaire Littré

consommer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

consommer

(kon-so-mé) v. a.
  • 1Achever, accomplir. En peu de jours il consomma l'affaire, La Fontaine, Rem. On va achever et consommer la démonstration, Pascal, Géom. Ce bon père a consommé son sacrifice, Bossuet, Lett. 114. A-t-il mené une vie douce et agréable, lui qui a porté sa croix dès le premier instant de sa vie mortelle, et qui a consommé sa course par la consommation de ses souffrances ? Massillon, Car. Riche. Vous vous promettez encore la grâce qui fait mourir dans la sainteté et dans la justice ; la grâce qui consomme la sanctification d'une âme, Massillon, ib. Impénit. Un seul sentiment de douleur sincère supplée à de longues années de vertu, et peut consommer la sanctification, Massillon, ib. Impénit. La philosophie a préparé en silence leur destruction [des jésuites] ; les jansénistes ont sonné la charge, et la justice a consommé l'ouvrage, D'Alembert, Éloges, Fleury.

    Par extension. Il ne resterait plus, pour consommer la gloire de ce patriarche, que d'imiter ses actions, de marcher sur ses traces, de réformer nos mœurs sur les siennes, Fléchier, Panég. I, p. 401. Il consomme en nous ses miséricordes ou ses justices, Fléchier, Dauph. Il consomme son amour en mourant, Massillon, Car. Pass. Près de voir consommer mon destin déplorable, Voltaire, Triumv. I, 4. … Sa main consommant ces tristes sacrifices, Elle tombe, elle expire…, Voltaire, Brut. V, 5. Tu veux donc jusqu'au bout consommer ta fureur, Voltaire, Alz. V, 7.

  • 2 Terme de droit. Consommer son droit, se dit lorsque le droit qu'on a à quelque chose a son effet. Le collateur d'un bénéfice a consommé son droit, lorsqu'il a fait la nomination de quelqu'un.
  • 3Consommer le mariage, se dit de l'union charnelle entre les époux. Si pendant deux ans il n'avait pas consommé le mariage…, Montesquieu, Esp. XXIX, 16.

    Absolument. Le maréchal de Plessis va l'épouser à Metz, et Monsieur va consommer à Châlons, Sévigné, 95.

    Fig. et mystiquement. Le lit où il consomme son mariage avec l'humanité, Bossuet, II, Visit. 2.

  • 4Donner la dernière perfection. La justice les consomme dans cette unité sainte, Bossuet, Jean, III. Soit qu'il [le Seigneur] ait dessein de lier plus étroitement ses membres, et de les consommer dans l'unité et dans la charité, en rendant les ministères des uns utiles et nécessaires aux autres, Massillon, Car. Lazare. Sa vie [de la reine d'Angleterre] n'a été qu'une suite de malheurs qu'elle a portés dans les bonnes œuvres continuelles et toutes les vertus qui consomment les saints, Saint-Simon, 484, 12.
  • 5Employer des choses qui se détruisent par l'usage. Consommer des denrées, du vin, du bois, etc.

    Absolument. On consomme beaucoup dans cette maison. La France trouvera de l'avantage dans la vente de ses grains, si, ne se bornant pas à vendre à ceux qui consomment chez elle, elle vend encore à ceux qui consomment dans les États où il lui est permis d'importer, Condillac, Comm. gouv. part. I, ch. 29.

    Terme d'économie politique. Détruire l'utilité d'une chose. Les peuples civilisés, riches et industrieux, consomment beaucoup plus que les autres, parce qu'ils produisent incomparablement davantage, J. B. Say, Cours, t. II, p. 216.

    Par extension, il se dit des choses qui en absorbent d'autres. Ces confitures consomment beaucoup de sucre. Ce poêle consomme beaucoup de bois.

    Par une autre extension. Ces divisions consommèrent du temps, Voltaire, Mœurs, 57. L'affliction que j'ai eue de la mort de Mme Aubry, laquelle, sans mentir, a été assez grande pour achever de m'accabler et a pensé consommer les restes de ma patience, Voiture, Lett. 71. On disait qu'il était infaillible que les Espagnols auraient pourvu Corbie de toutes les choses nécessaires, ayant eu deux mois de loisir pour cela, et que nous consommerions devant cette place beaucoup de millions d'or et beaucoup de milliers d'hommes, Voiture, Lett. 74.

  • 6Se consommer, v. réfl. Se parfaire. La vertu fait ses soins, et son cœur s'y consomme Jusques à s'offenser des seuls regards d'un homme, Molière, Éc. des mar. II, 4. La charité se consomme par ces derniers mouvements, Fléchier, Aig.

    Se cuire de manière à faire un consommé. Il faut que cette soupe se consomme. Et, avec ellipse du pronom personnel, faire consommer la viande, la faire tellement cuire que tout le suc passe dans le bouillon.

    Être consommé. Les provisions qui se consomment dans une grande ville.

REMARQUE

La langue a pendant quelque temps hésité entre consommer et consumer, prenant ces deux verbes l'un pour l'autre. Ainsi dans les exemples suivants, consommer a le sens que nous donnons aujourd'hui à consumer : Afin donc qu'en discours le temps je ne consomme, Régnier, Sat. XI. Mon temps en cent caquets sottement je consomme, Régnier, Sat. IV. Ce vaisseau… Qui survécut au temps qui l'avait consommé, Régnier, Sat. X. Mais Dieu ! que me sert-il de pleurs me consommer ? Régnier, Élég. 2. Tous les hommes passeront et seront consommés par le temps, Pascal, P. om. Proph. Et quoi que l'on reproche au feu qui vous consomme, Molière, Dép. am. III, 9. L'historique montre que cette confusion de consommer et consumer remonte bien plus haut. Aujourd'hui on distingue exactement ces deux verbes de cette façon : consommer suppose une destruction utile, employée à quelque usage, à quelque fin, tandis que consumer ne présente qu'une destruction pure et simple, abstraction faite de tout autre rapport. Une cheminée qui consomme beaucoup de bois est une cheminée où l'on fait grand feu ; une cheminée qui consume beaucoup de bois est une cheminée mal construite où l'on brûle plus de bois qu'il ne faut pour produire une certaine quantité de chaleur. D'autre part, on voit que Voltaire a pu dire que les divisions consomment du temps, vu que les affaires en consomment ; les bâtisses consomment de l'argent ; la guerre consomme des hommes, etc.

HISTORIQUE

XIVe s. Puisque les vices sont consommés et confermez ou endurcis, c'est fort de les detruire ou adnuller et oster, Oresme, Eth. 74. Nulz ne pevent savoir se il sont amis ensemble, si ques à tant que il aient consumé ou gasté et despendu ensemble une mesure de sel, Oresme, ib. 235.

XVe s. Et par un trou [le tonnerre] entra, et en une chambre rencontra un jeune enfant, lequel il tua et luy consomma la chair, les os et tout, et ne luy laissa que la peau, Juvénal Des Ursins, Charles VI, 1405. Il n'est chose que femme ne consumme [ne vienne à bout], Deschamps, Ball. de l'empire des femmes.

XVIe s. La justice gist en une observation entiere et consommée de la volonté de Dieu, Calvin, Instit. 657. À laquelle entreprinse parfaire et consummer, je n'ay ri espargné, Rabelais, Pant. II, 8. Quant est de leur estude, elle est toute consummée à la lecture des livres pantagruelicques, Rabelais, ib. II, 34. Il les amuserent jusques à ce qu'ils eussent consommé leurs victuailles, Montaigne, I, 298. Toute l'Asie se perdit, et se consomma en guerres pour le macquerellage de Paris, Montaigne, II, 188. Les vers luy rongent les membres, et la terre les consomme, Montaigne, II, 255. Une pierre ne luict point au feu, et, qui pis est, elle s'y consomme, Montaigne, II, 278. Ceste qualité estouffe et consomme les aultres qualités vrayes et essentielles, Montaigne, III, 7. Un homme consumé aux affaires d'Estat, Carloix, IV, 14. Consommé aux affaires d'Estat, Carloix, VIII, 17. Aux autres sciences, il s'y faut aucunement consommer en les apprenant, premier que l'apprenty s'en sçache ayder pour gagner sa vie, La Boétie, 225. Et quand on le voit luy mesme se consommer en son esprit et tout enflammé, on luy attise encores le feu ! La Boétie, 336. La souche (ce dit l'on) au feu fut consommée, La Boétie, 451. Homme consommé en un fort rare sçavoir, Amyot, Préf. XXI, 48. Du temps des guerres civiles, le feu et l'autel furent ensemble tous consommez, Amyot, Numa, 17. La longueur du temps, lequel on estimoit devoir miner et consommer les forces de Hannibal…, Amyot, Marcel. 39. Cela fait, soit consommé [réduit] à la moitié, tierce ou quarte partie, selon qu'il sera requis, Paré, XVI, 8.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et espagn. consumar ; ital. consumare ; du latin consummare, de cum, avec, et summa, somme, s. f. ; faire la somme, c'est achever ; de là le sens assez semblable à consumer, que consommer présente quelquefois. Au reste le XVIe siècle a confondu ces deux verbes.