« contredire », définition dans le dictionnaire Littré

contredire

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

contredire

(kon-tre-di-r'), je contredis, tu contredis, il contredit, nous contredisons, vous contredisez, ils contredisent ; je contredisais ; je contredis, nous contredîmes ; je contredirai ; contredis, contredisez ; que je contredise, que nous contredisions ; que je contredisse ; contredisant ; contredit v. a.
  • 1Dire, prétendre le contraire de quelqu'un ou de quelque chose. L'accusé contredit les témoins sur ce point. Contredire une proposition. Ces conclusions ont acquis un titre de certitude qui ne peut plus être balancé, encore moins contredit par nos perceptions particulières, Boulainvilliers, Réfut. de Spinosa, p. 145. Je n'avancerais rien en vous contredisant ; J'ordonnais autrefois et je prie à présent, Rotrou, Antig. II, 4. Jésus parle de sa doctrine comme devant être prêchée, contredite et reçue par toute la terre, Bossuet, Hist. II, 6. Il y faut joindre encor la revêche bizarre, Qui sans cesse, d'un ton par la colère aigri, Gronde, choque, dément, contredit un mari, Boileau, Sat. X.

    Contredire quelque chose à quelqu'un. En l'état où je suis, les maux dont je soupire M'ôtent la liberté de te rien contredire, Corneille, dans LAVEAUX.

    Contredire quelqu'un de quelque chose. Ce billet de ma main que vous venez de lire, De tout ce que je dis ne peut me contredire, Fénelon, (un parent de l'archevêque de Cambrai), Alexandre, IV, 3 (en 1753)

    Absolument. Il aime à contredire. Et ne faut-il pas bien que monsieur contredise ? Molière, Mis. II, 5. Enclin à contredire, Voltaire, Catil. II, 3.

    Terme de palais. Combattre par des écritures les conclusions et les moyens de la partie adverse. Contredire un moyen. Et absolument, prendre communication et contredire.

  • 2 Fig. Être en opposition, ne pas répondre à. Et bien souvent l'effet contredit l'apparence, Régnier, Sat. II. Parle, t'a-t-on surprise en ce fatal devoir Qui si visiblement contredit mon pouvoir ? Rotrou, Antig. IV, 3. J'approchais de quinze ans alors qu'empoisonnée Pour avoir contredit mon fatal hyménée, Elle mêla ces mots à ses derniers soupirs, Corneille, Héracl. III, 1. En un âge tendre, on n'ose produire des désirs qui contrediraient leurs desseins [de ses parents], Massillon, Car. Vocation. La vertu toute seule est un mérite que rien ne peut partager avec le juste, un mérite que tout contredit au dedans de nous et dont chacun ne trouve en soi que les oppositions et les répugnances, Massillon, ib. Respect humain. Vous suivez ces usages ; mais avez-vous examiné si l'Évangile ne les contredit point ? Massillon, ib. Salut. Ah ! c'est trop contredire Le dépit qui me ronge et l'ardeur qui m'inspire, Voltaire, Scythes, II, 5.
  • 3 V. n. Le seul moyen de leur contredire, Corneille, Ex. du Cid. Tout le monde en convient et nul n'y contredit, Molière, Mis. I, 1. J'ai contredit aux saintes maximes que vous avez apportées au monde, Pascal, Prière. S'ils nient la vérité de notre justice, ils contredisent à l'Écriture, Bossuet, Réfut. La vérité nous est présentée par l'Église, et le prélat même qui y est le plus intéressé n'y contredit point, Fléchier, Serm. II, 316. Les dieux ont prononcé ; loin de leur contredire, C'est à vous à passer du côté de l'Empire, Racine, Brit. II, 3. Il n'oserait toucher l'oint du Seigneur, ni contredire aux pontifes de la loi, Massillon, Panég. St Bern.
  • 4Se contredire, v. réfl. Être en contradiction avec soi-même. Cet auteur se contredit en beaucoup d'endroits. Comme Aristote se contredit souvent et qu'on peut appuyer presque toutes sortes de sentiments par quelques passages tirés de lui, Malebranche, Recherche, éclaircissements, liv. I, t. IV, p. 34, dans POUGENS.

    Être en contradiction. Ces deux propositions semblent se contredire. Quand vous leur donnez des préceptes qui se contredisent, quels fruits espérez-vous de vos soins ? Rousseau, Ém. II.

    Être en contradiction les uns avec les autres. Ils se contredisent sans cesse.

REMARQUE

Des auteurs ont dit à la deuxième personne du pluriel contredites, au lieu de contredisez, qui est seul usité aujourd'hui. Si vous me contredites, vous renversez la vocation gratuite à la grâce, Fénelon, III, 215.

HISTORIQUE

Xe s. La domnizelle celle kose non contredist, Eulalie.

XIe s. S'or i a cel qui veulle contredire [refuser], Ch. de Rol. CCLXVIII. En piez se dresse, si lui vint cuntredire, ib. XI.

XIIe s. Le Rin [ils] ont trespassé, n'est qui leur contredie, Sax. VII. Qui donc veïst le duc ses alues [alleux] contredire [défendre], Et tenoit un espié dont la hante ert [était] entire, ib. X. Davit li reis qui out en sei saint esperit, Quant il out Salomun sun fil à rei escrit, Grant partie del pueple li aveit contredit, Et si unt Adonie sun fil à rei eslit, Th. le mart. 27. As fous et as feluns i out plasible lei ; Contredire la deit chascuns hum qui ad fei ; Car par tut desplaiseit al celestien rei, ib. 63. Li reis respundi : Si alcuns te cuntredit, fai le venir devant mei, e pois en iert fins, Rois, 169.

XIIIe s. En ceste maniere fu li plais requis ; mais il fu moult contredit de ceus qui volontiers vosissent que li os [armée] se departist, Villehardouin, XXXVIII. Il n'i ot si hardi qui riens lui contredie, Berte, LX. Et vous, sire patriarche, jurés, dist la roïne, que vous ne me contredirez jamais d'autre signor prendre, Chr. de Rains, p. 20. Et d'enki en avant li rois tint Normendie et toute la contrée, ne n'en fu qui li contredisist, ib. 141. Forest qui est au conte tote quite Et à tote gent contredite, Fors sol au conte et à sa gent, Ren. 16140.

XIVe s. … Par quoy il semble que il se contredie, Oresme, Eth. 51. Et ne leur contrarient ou contredient en rien, Oresme, ib. 130. Il ne reçoit ou accepte les paroles des autres ou ne les contredit pas par amisté ne par inimisté, Oresme, ib. 131.

XVe s. Veez-ci, la vierge concevra Un filz, et sy le portera ; Celuy sara le bien eslire, Et le bien du mal contredire, Nativité de N. S. J. C. Il pensoit qu'ilz ne contrediroient point à son vouloir, Commines, III, 1.

XVIe s. Outre ce que leur argument ne vaut rien, l'Escriture leur contredit apertement en plusieurs lieux, Calvin, Instit. 781. Dieu, auquel il n'y a point d'ouy et nenni : c'est à dire, qui ne se change ne contredit point, Calvin, ib. 1147. Mais Trivulce y contredit [à cela], Montaigne, I, 15. Ils cherchent qu'on les contredie, pour…, Montaigne, II, 231. Les historiens ne contredisent en rien aux poëtes tragiques, en ce qui touche les malheurs qui luy advindrent, Amyot, Thésée, 36. Lors Cassander alla disant qu'il ne se contredisoit point à soy mesme, pource que…, Amyot, Démosth. 19. … Car le peuple mesdit De celuy qui de mœurs aux siennes contredit, Ronsard, 893. Je croy que nul ne me contredira que la pieté, la verité et la justice ne doyvent marcher devant la fortitude, Lanoue, 201. … Ce qui est si veritable qu'on n'y peut contredire, Lanoue, 207.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. contradire ; espagn. contradecir ; ital. contradire ; du latin contradicere, de contra, contre, et dicere, dire.