« défaillir », définition dans le dictionnaire Littré

défaillir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

défaillir

(dé-fa-llir, ll mouillées, et non pas dé-fa-yir) v. n.

L'Académie dit qu'il n'est guère usité qu'au pluriel du présent de l'indicatif : nous défaillons, vous défaillez, ils défaillent ; à l'imparfait, je défaillais ; au prétérit, je défaillis, j'ai défailli, et à l'infinitif défaillir. Il faut y ajouter le présent singulier de l'indicatif : je défaus, tu défaus, il défaut, donné par de bons auteurs ; le futur : je défaudrai, et le conditionnel : je défaudrais (et quand M. Cousin, Fragments philos. 2e éd. 1833, p. 206, a dit : où manquerait l'action intérieure, défaillerait la perception ; il s'est mépris sur la conjugaison, et l'on dira : défaudrait la perception) ; il faut y ajouter encore le subjonctif : que je défaille, que nous défaillions, que je défaillisse ; le participe présent : défaillant, et le participe passé : défailli, donné par Bossuet.

  • 1Être en moins, faire défaut, manquer. Toutes choses commençaient à leur défaillir. Cours la Flandre où jamais la guerre ne défaut, Régnier, Épît. I. Leur âge défaudra plutôt que la matière, Régnier, Sat. IX. À qui le désir manque aucun bien ne défaut, Rotrou, St Gen. V, 2. La force lui défaut et le teint lui pâlit, Tristan, Marianne, V, 3.

    Se défaillir à soi-même, se manquer à soi-même. Je ne veux pas me défaillir tant à moi-même que de donner sujet à ceux qui me survivront de me reprocher…, Descartes, Méth. 6.

  • 2S'affaiblir. Il voit défaillir son corps avant son esprit. Que si la frayeur nous saisit de sorte que le sang se glace si fort que tout le corps tombe en défaillance, l'âme défaut en même temps, Bossuet, Conn. de Dieu. III, 11. (l'édition de Lebel porte : le courage tombe avec les forces). J'ai senti défaillir ma force et mes esprits, Racine, Baj. V, 1. Le courage de Corinne défaillit, Staël, Corinne, XVII, 9. Il n'y a vol si haut et si fort qui ne défaille dans l'immensité des cieux, Chateaubriand, dans le Dict. de DOCHEZ. Et la moitié du ciel pâlissait, et la brise Défaillait dans la voile, immobile et sans voix, Lamartine, Harm. II, 2.
  • 3Tomber en faiblesse, s'évanouir. Elle se sent défaillir. Je l'ai vue défaillir dans les bras de sa mère.

HISTORIQUE

XIe s. Hoi nous defalt la leials compaignie, Ch. de Rol. CXXIX. Rolans mis niez [mon neveu] hoi cest jour nous defalt, ib. CLIV.

XIIe s. Pur ço ne defaldrad jà ocisiun de ta maisun, ço que tu as mei en despit, e pris as la femme Urie à ton oes [à ta volonté] à tort, Rois, 159. Et [je] lor prie pour Dieu qu'il delivrent les dons et aumosnes que j'ai aumosnées, se de mi defaut [si je viens à mourir], Tailliar, Recueil, p. 9.

XIIIe s. Il voloient miels [mieux] ilec metre tout leur avoir, et aler povre en l'ost nostre Seigneur, que li ost se departist et defallist, Villehardouin, XXXVI. Lombart defaillirent du parlement, que il n'i vinrent point, H. de Valenciennes, XXXIII. Et quant vint au jour, si contremanda encore jusques à quarante jours, et à celui jour defali dou tout, Chr. de Rains, p. 133. Et se il estoit ainsint que li mestre à l'aprentis deffausist ainz son terme acompli, Liv. des mét. 93. Il [les payens] lor vont seure, ses [si les] assalent, Et li pelerin se defalent De combatre tot li pluisor, Fl. et Bl. 89. Il en porra aveir tel dreit de lui come de defailli de servise, Ass. de J. 73. Autrement iroit, se je n'avoie ne pere ne mere ne hoir qui fust issus de mon cors, et je avoie aiol ou aiole, et après defaloit de moi, Beaumanoir, XIV, 23. Et tout ainsi s'il defalent de venir as jours as quix [auxquels] il sont ajornés de lor segneurs, Beaumanoir, XXX, 31. Et s'il le porsuit et li ajornés le defaut, il doit estre justiciés por les defautes, Beaumanoir, XIV, 55.

XIVe s. Et chascun qui scet aucun art et s'i exercite, il y doit adjouster se aucune chose y deffault, Oresme, Eth. X, 16. Defaillir de aide à son frere est plus dure chose que faillir à un estrange, Oresme, ib. 245.

XVe s. Toutes choses necessaires à une si grande entreprise leur defailloient, Commines, Prol.

XVIe s. Et plustoust defauldroyent de vie corporelle que de ceste subjection naturellement deue à leur prince, Rabelais, Pant. III, 1. Suppleant à ce que defailloyt, ce que abundoyt ravallant, et pardonnant tout le passé, Rabelais, ib. Si l'esprit humain s'efforce de monter si haut, il defaudra cent fois au chemin, Calvin, Instit. 101. Combien que plusieurs aides de ceste vie nous defaillent, Dieu ne nous defaudra jamais, Calvin, ib. 444. Bref en ce que nous avons, ils defaillent, et, en ce que nous n'avons. ils abondent, Marguerite de Navarre, Nouv. XXIX. C'est de mettre la main à l'espée et à la bourse, quy n'a encores esté offert de nul serviteur, combien qu'il y en ait à qui ne deffault que le bon vouloir, Marguerite de Navarre, Lett. 121. Se sentant defaillir, Montaigne, I, 16. L'ame descharge ses passions sur des objects fauls, quand les vrays luy defaillent, Montaigne, I, 20. Au cas que l'un d'eulx vienne à defaillir [mourir], je substitue en sa part celuy qui survivra, Montaigne, I, 216. Tes bourreaux, les voylà defaillis de cœur, ils n'en peuvent plus, Montaigne, II, 22. Je ne sais comme nature default aux hommes pour desirer la liberté, Montaigne, IV, 351. Les uns disent qu'estant maladif de sa complexion, il defaillit et mourut soudainement, Amyot, Rom. 43. Il mourut en defaillant petit à petit, Amyot, Numa, 34. Toute matiere, quand la chaleur luy default, demeure oisive et immobile, Amyot, Cam. 36. Faites vous un thresor es cieux qui ne defaille jamais, Bèze, St Luc, XII, 33.

ÉTYMOLOGIE

Dé… préfixe, et faillir ; wallon, defali ; provenç. defalhir, defaylhir ; anc. catal. defallir ; espagn. desfallecer ; ital. sfallire.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

DÉFAILLIR. Ajoutez : - REM. On placera à côté des exemples du futur cette phrase de Bossuet : Pierre, j'ai prié pour toi, ta foi ne défaudra pas, Bossuet, Méd. sur l'Év. la Cène, 70e jour.