« employer », définition dans le dictionnaire Littré

employer

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employer

(an-plo-ié ; plusieurs disent an-ploiié), j'employais, nous employions, vous employiez ; que j'emploie, que nous employions, que vous employiez ; l'y grec se change en i devant un e muet : j'emploie, j'emploierai v. a.
  • 1Faire emploi de quelque chose. Employer beaucoup d'argent en aumônes. Employer de l'étoffe. Le temps est cher, il le faut employer, Racine, Mithr. III, 5. Allons, employons bien le moment qui nous reste, Racine, Bajaz. III, 8. Ceux qui emploient mal leur temps sont les premiers à se plaindre de sa brièveté, La Bruyère, XII. Employez-les [vos biens et votre autorité] à faire des heureux et à rendre la vie plus douce et plus supportable à des infortunés, Massillon, Pet. car. Human. des gr.
  • 2 Par extension. La lumière emploie environ un demi-quart d'heure à nous venir du soleil. Un boulet de canon qui irait de la terre au soleil et qui conserverait toujours sa première vitesse, emploierait vingt-cinq ans pour y arriver, Rollin, Traité des Ét. V, art. 3 et 4.
  • 3Mettre en œuvre. Employer ses bons offices pour quelqu'un. Employer tous les moyens pour parvenir à ses fins. Employer la fiction et le mensonge. Rome est sujette d'Albe, et, pour l'en garantir, Il n'a pas employé jusqu'au dernier soupir ! Corneille, Hor. III, 6. Dieu… qui, fécond en moyens, emploie toutes choses à ses fins cachées, Bossuet, Reine d'Angl. Employer ses mains charitables pour servir les pauvres, Fléchier, II, 26. J'employais les soupirs et même la menace, Racine, Brit. II, 2. Sans qu'elle employât une seule prière, Racine, Andr. V, 2. Vous pourriez de Zaïre employer la faveur, Voltaire, Zaïre, II, 1. Tu n'aurais employé qu'une juste défense, Voltaire, Mér. II, 2. Ce poids léger du temps que le travail emploie, Lamartine, Harm. I, 5.

    Familièrement. Employer le vert et le sec, faire tous ses efforts, mettre toutes sortes de moyens en œuvre. Locution tirée d'un homme qui, pour se chauffer, brûle non-seulement le bois sec, mais le bois vert.

    Employer une somme, l'appliquer à une dépense. Tous ceux qui emploient de l'argent pour obtenir les ministères ecclésiastiques, Pascal, Réfut. de la rép. à la 12e lett.

    Employer une phrase, un mot, un tour, en user en parlant ou en écrivant.

    Employer une raison, une pièce, la faire valoir, s'en appuyer.

  • 4Donner de l'emploi, de l'occupation. Employer un grand nombre d'ouvriers. On l'a employé dans de grandes négociations… de tous ceux que le sultan emploie, Orcan le plus fidèle à servir ses desseins, Racine, Baj. III, 8. Capitaine qu'Adraste, par jalousie, n'avait jamais voulu employer, Fénelon, Tél. XX.

    Employer quelqu'un, se servir de son crédit, de son influence, de ses démarches. Vous l'avez employé pour réussir dans votre candidature. Après avoir pour nous employé ce grand homme, Corneille, M. de Pomp. I, 3. Faites-moi la grâce de m'employer ; soyez persuadé que je suis entièrement à vous, Molière, Imprompt. 3.

    Par extension. J'ai regret que le sort m'emploie à la ruine De la plus éclatante et superbe machine, Rotrou, Bélis. V, 5.

  • 5S'employer, v. réfl. Être employé, mis en œuvre. Ce moyen ne peut s'employer. Ce mot ne s'emploie pas en ce sens. Ô grands vénérateurs de ce saint mystère [l'eucharistie], dont le zèle s'emploie à persécuter ceux qui l'honorent par tant de communions saintes, Pascal, Prov. 16.

    User de son crédit en faveur de quelqu'un. Sauvez ce malheureux, employez-vous pour lui, Corneille, Polyeucte, IV, 5. Et je n'ai point eu lieu de m'employer pour toi, Corneille, Cinna, III, 4. Vous daignerez vous employer pour moi, Molière, Femmes sav. I, 2. Il ne s'en sauva que quelques-uns [des partisans de Cylon], pour qui les femmes des citoyens s'employèrent et les firent mettre en liberté, Fénelon, Solon.

REMARQUE

Employer régit à devant les verbes : Employez votre argent à secourir votre frère. Il employa à mettre en vers ces fables les derniers moments de sa vie, La Fontaine, Fabl. Préface. Il régit à devant les noms, quand ils sont déterminés : J'ai employé vingt mille francs à cette acquisition ; il a employé tout son argent à des bagatelles ; et en quand ils sont indéterminés, c'est-à-dire sans article ou sans autre déterminatif : Il a employé tout son argent en bagatelles.

HISTORIQUE

XIe s. Or guart chascuns que granz cops il empleit, Ch. de Rol. LXXVII. Nen i a oel [qui] sa lance n'i empleit, ib. CCXLVIII.

XIIe s. Malement [j'] ai mon service emploié, Couci, VII. Après celui [ils] eslurent dant Garin le Pohier ; Ne sorent la corone alors mieux amploier, Saxons, IV. Jamais tut cil denier n'ierent bien empleié, Quant sunt par felunie conquis e gaaignié, Th. le mart. 157.

XIIIe s. Et se vous veés que la corone soit mius emploïe en l'un de vous qu'en moi, je m'i otroi volentiers, Chr. de Rains, 148. Et nous ne veimes où li roiaumes de Jherusalem fust mius emploiés que en vous, ib. 86. Metre ton temps en mal, ce n'est mie emploier, la Fole et la Sage.

XIVe s. N'y ot prince si grant tant y fust souffisant, Qui pour Englois grever ne s'alast emploiant, Guesclin. V. 20142.

XVe s. Quand le demeurant qui eschapper purent, furent venus en l'ost devers leurs compagnons, si conterent leurs aventures aux uns et aux autres, qui peu les en plaignirent, mais dirent que c'estoit bien employé, car sans conseil et sans commandement ils y estoient allés, Froissart, I, I, 141. Mieuls ne poet employer le temps Homs, ce m'est vis, qu'au bien amer [en aimant bien], Froissart, Espinette amoureuse. Je vous prye que vous hastez de faire ce mariage le plus tost que vous pourrés, et vous asseure que, de ma part, je m'y emploieray autant que si c'estoit pour ma propre fille, Lettre de Louis XI, Bibl. des Chartes, 4e série, t. I, p. 20. Au surplus il faut vivre en joye ; Que servent les biens amassés, Au besoing qui ne les emploie ? Basselin, LII.

XVIe s. Amour a fait ma langue desployer, Et ma main dextre à t'escrire employer, Marot, I, 325. Car peu de gloyre me semble accroistre à ceulx qui seullement y emploictent leurs yeulx, au demourant y espargnent leurs forces, Rabelais, Pant. III, Prol. En toutes choses qu'il nous peult faire plaisir, il s'y employe comme pour lay mesmes, Marguerite de Navarre, Lett. 112. Ce n'est pas raison que tu employes ton loisir en un subject si frivole, Montaigne, Au lect. p. XI. Employant plusieurs exemples et raisons à prouver que…, Montaigne, I, 17. Voyez le revenir de là aprez quinze ou seize ans employez, Montaigne, I, 145. Eudamidas donne pour faveur à ses amis de les employer à son besoing, Montaigne, I, 217.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. empleiar ; catal. emplegar ; espagn. emplear ; portug. empregar ; ital. impiegare ; du latin implicare, au propre, plier dans, impliquer, mettre dans, de in, en, et plicare, plier (voy. PLOYER).