« insensible », définition dans le dictionnaire Littré

insensible

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

insensible

(in-san-si-bl') adj.
  • 1Qui n'a pas de sensibilité physique. Les végétaux, quoique vivants, sont insensibles. J'emploie toutes choses, monsieur, les raisonnables et les insensibles, pour vous persuader votre retour, Guez de Balzac, Lett. V, 9. Je comprends mieux que personne du monde ces sortes d'attachements qu'on a pour des choses insensibles et, par conséquent, ingrates ; mes folies pour Livry en sont de belles marques, Sévigné, 18 oct. 1688. Sur la pierre insensible où mes pleurs ont coulé, Chénier M. J. Fén. IV, 3. Affecter la froideur d'une insensible image, Delavigne, Paria, II, 2. Ossements desséchés, insensible poussière, Levez vous, recevez la vie et la lumière, Lamartine, Méd. I, 30.

    Qui ne sent point, ne ressent point l'impression que l'objet doit faire sur les sens. Être insensible au froid, au chaud. Les secrets à l'aide desquels la peau devient insensible pour quelque temps à l'action du feu, comme l'huile de vitriol et d'autres corrosifs, Voltaire, Ann. Emp. Charles le Chauve, 877.

    Terme de manége. Bouche insensible, bouche qui ne répond pas à l'effet des rênes.

  • 2Qui n'a pas la sensibilité morale. Et je suis insensible alors qu'il faut trembler, Corneille, Cinna, IV, 5. Il est vrai que les hommes aperçoivent moins cette malheureuse délicatesse dans les âmes vertueuses ; on les croit insensibles, parce que non-seulement elles savent taire mais encore sacrifier leurs peines secrètes, Bossuet, Marie-Thér. Un Dieu qu'on fait à sa mode, aussi patient, aussi insensible que vos passions le demandent, n'incommode pas, Bossuet, Ann. de Gonz. Soumis à la loi seule, insensible comme elle, Voltaire, Tancr. II, 6. Mes baisers, à l'entendre, étaient froids, insensibles, Chénier, Elég. XIX. L'homme insensible et froid en vain s'attache à peindre Ces sentiments du cœur que l'esprit ne peut feindre, Chénier, Ép. I.

    Insensible à, qui n'est pas touché de. Crois-tu donc que je sois insensible à l'outrage ? Corneille, Hor. IV, 5. La plupart des gens de travail pensent à boire et à manger, ils sont comme insensibles à toutes les autres choses, Nicole, Ess. de morale, dans RICHELET. êtes-vous donc insensible au plaisir de revoir vos proches ? Fénelon, Tél. XI. Insensible à la vie, insensible à la mort, Il ne sait quand il veille, il ne sait quand il dort, Racine L. Rel. II. Insensible à sa chute et grand dans ses misères, Voltaire, Zaïre, II, 1.

  • 3 Particulièrement. Qui n'est pas sensible à l'amour. Le seul pour qui je tâche à le rendre visible [mon cœur] Ou n'ose en rien connaître ou demeure insensible, Corneille, Sertor. II, 1. Ah ! si d'un autre amour le penchant invincible Dès lors à mes bontés vous rendait insensible, Racine, Mithr. IV, 4. L'insensible Hippolyte est-il connu de toi ? Racine, Phèdre. II, 1. L'Amour était vivement piqué de voir que ce vieillard inconnu, non-seulement était insensible à ses traits, mais encore lui enlevait Télémaque, Fénelon, Tél. VIII. Une femme insensible est celle qui n'a pas encore vu celui qu'elle doit aimer, La Bruyère, III.

    Substantivement. Mais, mon cœur, essayons de vaincre l'insensible, Desmarets, Mirame, II, 2. Il fait de l'insensible, afin de mieux surprendre, Corneille, Rodog. IV, 6. Que tout aime à présent ; l'insensible n'est plus, La Fontaine, Fabl. XII, 26. Ciel ! comme il m'écoutait ! par combien de détours L'insensible a longtemps éludé mes discours ! Racine, Phèd. III, 1.

  • 4Qui n'est connu, perçu que difficilement par les sens, ou même qui n'est pas perçu du tout. Le mouvement de l'aiguille d'une horloge est insensible à l'œil. Souvent il se disait en son cœur que le plus malheureux effet de cette faiblesse de l'âge était de se cacher à ses propres yeux, de sorte que tout à coup on se trouve plongé dans l'abîme, sans avoir pu remarquer le fatal moment d'un insensible déclin, Bossuet, le Tellier. Et d'un vol insensible il se vit transporté Dans un vaste palais d'admirable beauté, Perrault, dans RICHELET. Que l'insecte insensible enseveli sous l'herbe Et l'aigle impérieux qui plane au haut du ciel Rentrent dans le néant aux yeux de l'Éternel, Voltaire, Fanat. I, 4. Elle s'avance à son but par les degrés les plus insensibles, Diderot, Interpr. de la nature, n° 37. Le diamètre apparent des satellites de Jupiter étant insensible, on ne peut pas mesurer exactement leur grosseur, Laplace, Exp. I, 7.

HISTORIQUE

XIIIe s. Que nis [même] les choses insensibles, Qui rien n'entendent ne sentent, à Dieu le createur s'assentent [obéissent], Ste Leocade, dans BARBAZAN, t. I, p. 278.

XIVe s. Mouvement insensible. Gens insensibles, Oresme, Thèse de MEUNIER. [Le cartilage] plus prochain en dureté à l'os, de complexion froide et seiche, insensible et flexible aucune fois, H. de Mondeville, f° 9. Jehan du Monstier, homme fol, insensible et furibonde, Du Cange, insensibilis.

XVIe s. Je veux, pour ne le voir, devenir un rocher Sourd, muet, insensible, Ronsard, Poëmes, liv. 1er . Une pente douce et comme insensible, Montaigne, I, 82. Vous gaignez credit à passer oultre d'une facile et insensible inclination, Montaigne, III, 291. [La mort] chose si soubdaine, si inevitable, si insensible, Montaigne, I, 302.

ÉTYMOLOGIE

Lat. insensibilis, de in… 1, et sensibilis, sensible.