« libéral », définition dans le dictionnaire Littré

libéral

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

libéral, ale

(li-bé-ral, ra-l') adj.
  • 1Qui est digne d'un homme libre (ce qui est le sens propre). Éducation libérale.

    Arts libéraux, par opposition aux arts mécaniques, ceux qui exigent une intervention grande et perpétuelle de l'intelligence (l'origine de cette dénomination est dans l'ancien préjugé contre le travail manuel, regardé comme indigne d'un homme libre, vu qu'il était dévolu aux esclaves). La peinture, la sculpture sont des arts libéraux. Comme je reproche à mes parties : vous êtes académiciens, et vous ne savez pas que la poésie, la peinture et la sculpture sont des arts libéraux…, Furetière, 3e factum, t. I, p. 320.

  • 2 Par une extension naturelle du premier sens, qui aime à donner. Un même homme sera avare et prodigue, sans jamais être libéral, La Mothe le Vayer, Vertu des païens, II, avant-propos. Libéral, intrépide, affable, magnanime, Corneille, Sertor. II, 2. Le Seigneur est libéral envers ceux qui lui donnent, et il vous en rendra sept fois autant, Sacy, Bible, Ecclésiastique, XXXV, 13. Quoique, pendant tout l'an, libéral il [l'arbre] nous donne Ou des fleurs au printemps, ou du fruit en automne, La Fontaine, Fabl. X, 2. Un avaricieux qui aime devient libéral, et il ne se souvient pas d'avoir jamais eu une habitude opposée, Pascal, Amour. Toutes les personnes qui l'ont fréquentée savent qu'on peut dire sans flatterie, qu'elle était naturellement libérale, même dans son extrême vieillesse, quoique cet âge ordinairement soit souillé des ordures de l'avarice, Bossuet, Yolande de Monterby. La fortune nous joue, lors même qu'elle nous est libérale, Bossuet, Sermons, Ambition, 1. Il est vrai qu'il y a deux vertus que les hommes admirent, la bravoure et la libéralité, parce qu'il y a deux choses qu'ils estiment beaucoup et que ces vertus font négliger, la vie et l'argent ; aussi personne n'avance de soi qu'il est brave ou libéral, La Bruyère, XI.

    On dit aussi : main libérale. Vous avez reçu mille bienfaits de sa main libérale.

    Libéral de. Ils vous nommeront roi, mais vous devez savoir Qu'ils sont plus libéraux du nom que du pouvoir, Corneille, Sophon. III, 2. Dans l'absence ce n'est plus cela, on ne s'en soucie point [des heures] …on est libérale des jours, on les jette à qui en veut, Sévigné, 10 janv. 1689. Et si, de mes bienfaits lâchement libérale, Sa main en osera couronner ma rivale, Racine, Bajaz. IV, 4.

    Fig. Et certainement il [un critique] est tout à fait libéral à faire le dénombrement de mes fautes, Descartes, Remarques sur les 7es object. 67.

    Dans le style élevé, poétique, il peut se dire des choses. Il choisit une nuit libérale en pavots, La Fontaine, Fabl. XI, 3.

  • 3Qui est favorable à la liberté civile et politique et aux intérêts généraux de la société. Opinions libérales. Institutions libérales. Le parti libéral. Les Florentins, qui ont possédé ou la liberté ou des princes d'un caractère libéral, sont éclairés et doux, Staël, Corinne, VI, 3. Si le siècle de Louis XIV a conçu les idées libérales, pourquoi donc n'en a-t-il pas fait le même usage que nous ? Chateaubriand, Génie, III, II, 6.

    S. m. Celui qui professe les idées libérales. Un libéral. Les libéraux. Cet observateur moral Parfois se dit journaliste Et tranche du libéral, Béranger, Judas.

    Particulièrement. Les membres de l'opposition qui combattaient les propositions du gouvernement de la restauration.

  • 4On a dit libéral arbitre pour libre arbitre. Les païens qui ont vécu vertueusement… soumettant leur libéral arbitre à la raison, La Mothe le Vayer, Vertu des païens, I, état de la loi.

REMARQUE

De qui vient l'acception du mot libéral au sens du n° 3 ? Le romancier Balzac dit dans la Vieille fille : « Le sacrifice de ses opinions libérales, mot qui venait d'être créé pour l'empereur Alexandre, et qui procédait, je crois, de Mme de Staël par Benjamin Constant. » Sainte-Beuve l'attribue à Chateaubriand ; il dit dans son discours de réception à l'Académie : « Casimir Delavigne s'y montra tout d'abord l'organe de ces opinions mixtes, sensées, aisément communicables, si bien baptisées par un grand écrivain, le mieux fait pour les comprendre et les décorer, par M. de Chateaubriand, de ce nom de libérales, qui leur est resté. » Ce sens est beaucoup plus ancien, et date au moins du consulat. C'était un mot que les hommes du gouvernement avaient alors perpétuellement à la bouche ; ce qui leur valut cette épigramme d'Écouchard Lebrun : Qu'est-ce que ce mot libéral, Que des gens d'un certain calibre Placent toujours tant bien que mal ? - C'est le diminutif de libre.

HISTORIQUE

XIIIe s. [Un chevalier] Large [généreux] en ostel [chez lui], preux au cheval, Compaignon liet [joyeux] et liberal, Sans mesdit, sans fiel et sans mal, Fabliaux, 2e édit. t. I, p. 108. Cil est larges et liberaus qui use sa pecune convenablement, Latini, Trésor, p. 284.

XIVe s. Cellui qui demande conseil a franchise et liberale voulenté de faire ce que l'en luy conseille, ou de le laissier, Ménagier, I, 9. S'il est adolescent et en oyseuseté, et qu'il mengusse viandes qui engendrent sang, s'il est homme liberal [ne se refusant rien], Bernard de Gordon, Traduction, IV, 6. L'avaricieus dit que le liberal est trop large, et celui qui est trop large dit que le liberal est avaricieus, Oresme, Thèse de MEUNIER. Nul ne diroit que un homme fust liberal, qui ne se esjoist et delette en operacions liberales, Oresme, Éth. 19. Et que bien estoit droit que pour païs si liberal et si bien guerredonnant nul ne espargnast ne son cors ne son sanc, Bercheure, f° 95, verso.

XVe s. Pourquoy dit l'en les sept ars liberaulx ? Pour ce que nuz [nul], s'il n'estoit liberal, Noble homme et franc ou attrait [issu] des royaulx Le temps passé, ou en especial Donné aux dieux, n'osast en general Nuls de ces ars retenir ne aprendre, Deschamps, Poésies mss. f° 338. Et sont toutes ses terres aussi franches et liberales, et en aussi grand paix le peuple y vist et est, comme s'ils fussent en paradis terrestre, Froissart, II, III, 61. Le très bon gentil chevalier franc et liberal Bouciquaut, qui s'en fut allé, s'il eust voulu, ne le voult laisser là estre prisonnier sans luy, Bouciq. I, 15. Il ne le faisoit pas pour apprehension aucune, mais de sa franche et liberale volonté, Math. de Coucy, Hist. de Charles VII, p. 701, dans LACURNE. Ce que fist la suppliante, et toucha son ami de la dite herbe [une herbe enchantée pour conserver un amant] ; lequel n'a point sceu, trouvé ne congneu que la dite herbe ait ouvré en sa personne, ains se sent et tient si liberal de soy [libre, maître] qu'il n'a plus cure de la suppliante, Du Cange, liberalitas.

XVIe s. Nostre liberal [libre] arbitre, Amyot, Cor. 52. Toutes les contrarietez s'y treuvent [en moi] …honteux, insolent… et liberal et avare et prodigue, Montaigne, II, 7.

ÉTYMOLOGIE

Prov. et espagn. liberal ; catal. lliberal ; ital. liberale ; du lat. liberalis, qui appartient, qui convient à une personne libre, de liber, libre.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

LIBÉRAL. - HIST. Ajoutez :

XIIe s. Si fu li duz [doux] reis liberaus, Si vers saintes genz comunaus, Que evesques, moines et abé… Recevoient ses larges dons, Benoit de Sainte-Maure, Chronique, t. III, p. 385, V. 42025. [Benoît] ki fu neiz de franche lingie [lignée], et à Romme fut doneiz à liberaz estuides de lettres, li Dialoge Gregoire lo pape, 1876, p. 55.