« manteau », définition dans le dictionnaire Littré

manteau

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

manteau

(man-tô) s. m.
  • 1Vêtement ample et sans manches qu'on porte par-dessus l'habit. Jésus sortit, portant une couronne d'épines et un manteau d'écarlate, Sacy, Bible, Év. St Jean, XIX, 5. Bon manteau bien doublé, bonne étoffe bien forte, La Fontaine, Fabl. VI, 3. Mais qui, n'étant vêtu que de simple bureau, Passe l'été sans linge et l'hiver sans manteau, Boileau, Sat. I. Il [le prélat] tire du manteau sa dextre vengeresse ; Il part, et, de ses doigts saintement allongés, Bénit tous les passants, en deux files rangés, Boileau, Lutr. V. Timagène, inquiet de ce projet de retraite, lui en demanda le motif, il [Épaminondas] répondit simplement : " Je suis obligé de faire blanchir mon manteau ; " en effet il n'en avait qu'un, Barthélemy, Anach. ch. 5. Le bleu manteau des rois pouvait gêner vos pas ; La pourpre [la pourpre impériale] vous va mieux ; le sang n'y paraît pas, Hugo, Hernani, IV, 4. Les manteaux relevés par la longue rapière Hélas ! ne passaient plus dans ce jardin sans voix, Hugo, Voix intérieures, Passé.

    Tout vêtement chaud avec ou sans manche en drap, laine, velours ou soie, que les femmes portent pour sortir par-dessus leurs robes.

    Dans l'antiquité, le manteau était un attribut du vêtement de celui qui faisait profession de philosophie. Prendre le manteau de philosophe. Personne n'osait paraître en manteau dans toute l'Asie, de peur que la ressemblance de l'habit ne les fît prendre pour des philosophes, Fléchier, Hist. de Théodose, I, 42.

    Fig. Couvert du manteau de la nuit J'attends ton retour et ton heure, Bernard, Poés. div. Ép. 11, à Olympe. L'hiver… Étend son manteau de glace Sur nos champs et nos cités, Béranger, Hiver.

    Fig. S'envelopper de son manteau, se résigner, attendre son sort avec calme au milieu des dangers. Il s'enveloppe alors du manteau de la philosophie qui n'est autre chose que le contentement de soi, le calme intérieur, le retour agréable sur soi-même, qui ne peuvent être le partage que de la sagesse pratique, D'Holbach, Essai préj. ch. 12, dans les œuvres de DUMARSAIS.

    Vendre, débiter sous le manteau, vendre en cachette quelque chose de défendu. Un ouvrage satirique, qui est donné en feuilles sous le manteau aux conditions d'être rendu de même, s'il est médiocre, passe pour merveilleux, La Bruyère, I. Nous fûmes avertis d'un nouveau factum de M. de Luxembourg ; il se distribuait sous le manteau aux petits commissaires et à peu de conseillers, Saint-Simon, 18, 213. Et vais lui demander certain livre nouveau, Qu'on dit bon, car il est vendu sous le manteau, Boissy, Deh. tromp. V, 3.

    Il mange son pain sous le manteau, se dit d'un avare qui mange tout seul, qui ne fait part de son bien à personne.

    Garder les manteaux, tenir les manteaux de ceux qui se livrent à quelque acte de violence, par allusion à saint Paul qui avant sa conversion tint les manteaux des Juifs qui lapidèrent saint Étienne. On a voulu le lapider [J. J. Rousseau] comme saint Étienne, quoiqu'il ne soit ni saint ni diacre, et l'on prétend que M. de Montmolin gardait les manteaux, Voltaire, Facéties, Quest. mir. 14.

    Fig. Garder les manteaux, faire le guet pour empêcher que deux personnes qui sont en tête-à-tête amoureux ne soient dérangées ou pendant que ceux avec qui on est venu commettent quelque délit, et aussi demeurer à ne rien faire pendant qu'ils se divertissent. Ce n'est pas ma faute, si, étant affublé de quatre-vingts ans… vous me parlez de vos deux maîtresses, une fille de quinze ans et la gloire ; je vois que vous avez les faveurs de ces deux personnes ; je vous en félicite, et je garde les manteaux, Voltaire, Lett. Cubières, 18 sept. 1774.

    Rôle à manteau, rôle de certains personnages de comédie, auxquels ce vêtement est convenable, à cause de leur âge, de leur condition et de leur caractère. Jouer les rôles à manteaux.

    On dit dans le même sens : jouer les manteaux.

  • 2Les manteaux ont reçu diverses formes et divers noms. Manteau à collet. Manteau carrik, manteau à plusieurs collets. Manteau à la crispin (voy. CRISPIN).

    Manteau long, espèce de manteau étroit, ordinairement fait de soie noire que les ecclésiastiques portent avec la soutane.

    Manteau court, celui qu'ils mettent avec l'habit court lorsqu'ils vont en ville, et qui ne passe pas le genou.

    Manteau de cour, espèce de robe sans corsage, ouverte par devant et à queue traînante, qui s'attache au bas de la taille, et que portent les dames de la cour les jours de présentation et de cercle.

    Manteau de cérémonie, long manteau fourré ou doublé, et traînant, que les rois, les princes et les grands dignitaires portent dans certaines cérémonies. Le manteau impérial. Le manteau royal. Le manteau ducal. Le manteau de pair. Le manteau fourré, la couronne à fleurons, et les autres marques de la qualité ducale, Scarron, Virg. VII, Épître. Que reste-t-il à ceux qui n'ont pas cent mille francs d'argent comptant pour être maîtres des requêtes, ou qui n'ont pas l'honneur d'avoir un manteau ducal à leurs armes ? il leur reste d'être heureux, et de ne pas s'imaginer seulement que cent mille francs et un manteau d'hermine soient quelque chose, Voltaire, Lett. Le Franc, 14 avr. 1739. La marquise de Montchevreuil, par l'ordre du roi, donne à Mme de Maintenon le manteau d'hermine avec lequel elle a été peinte, Genlis, Mme de Maintenon, t. II, p. 338, dans POUGENS.

    Manteau de deuil, long manteau noir que portent aux enterrements les plus proches parents du défunt.

    Manteau de nuit, ou, plus ordinairement, manteau de lit, espèce de manteau fort court ayant des manches, et dont on se sert dans sa chambre et au lit.

    Manteau couleur de muraille, espèce de manteau brun que les seigneurs portaient sous la régence lorsqu'ils allaient à quelque rendez-vous secret.

    Petit manteau, sorte de manteau que portaient les abbés au XVIIIe siècle. Loin de ces plates coteries Où l'on voit souvent réunies L'ignorance en petit manteau, La bigoterie en lunettes, La minauderie en cornettes, Et la réforme en grand chapeau, Gresset, Chartr.

    Un petit manteau bleu, se dit quelquefois d'un philanthrope, par allusion à un habitant charitable de Paris [M. Champion] qui vivait sous Louis-Philippe, et qu'on avait surnommé l'Homme au petit manteau bleu.

    Manteau de guérite, capote à capuchon à l'usage des factionnaires.

    Manteau d'armes, enveloppe de toile dont on se sert dans les camps pour abriter un faisceau d'armes.

  • 3 Fig. Ce dont on se sert pour se cacher ou se protéger. Je pouvais donner telle forme à mon ouvrage que bien d'importantes vérités y passeraient sous le manteau de l'abbé de Saint-Pierre, encor plus heureusement que sous le mien, Rousseau, Confess. IX. Elle [Mme de Montespan] fut privée des derniers secours de la religion, qui avait été pour elle un manteau plutôt qu'un refuge, Genlis, Mme de Maintenon, t. II, p. 252, dans POUGENS. Il faut examiner si la demande qu'on vous fait du manteau national pour couvrir la nudité de la caisse d'escompte n'est pas une surprise faite à la bonne foi du ministre, Mirabeau, Collection, t. II, p. 483.

    Apparence, prétexte dont on se couvre. Comme il sait de traîtresse manière Se faire un beau manteau de tout ce qu'on révère ! Molière, Tart. V, 7. Pour peu que les princes grondent, ils [les sociniens] se cachent sous tel manteau que vous voulez et ne s'embarrassent pas de l'hypocrisie, Bossuet, 6° avert. III, 114. …D'un lâche orgueil leur esprit revêtu Se couvre du manteau d'une austère vertu, Boileau, Disc. au roi.

    Il a un vilain manteau pour son hiver, se dit de celui qui a les fièvres en automne.

  • 4Manteau d'arlequin, espèce de décoration, figurant une draperie qui se trouve derrière la toile d'un théâtre, et qui sert à diminuer la largeur et la hauteur de la scène.
  • 5 Terme d'ancienne coutume. Droit de manteau, somme de dix livres annuelles, qui devaient être payées, pour gages, suivant l'édit de 1554, à chaque secrétaire de la maison et couronne de France.
  • 6 Terme de blason. La fourrure herminée sur laquelle est posé l'écu.
  • 7Partie supérieure du dos chez les animaux, surtout chez les oiseaux, quand cette partie tranche sur le reste par sa couleur. Tout le manteau, qui, dans le rossignol, est roux brun, est gris brun dans cette fauvette, Buffon, Ois. t. IX, p. 171.
  • 8 Terme de zoologie. Membrane charnue qui revêt l'intérieur des coquilles bivalves et qui enveloppe l'animal.

    Organe musculaire et vasculaire propre à la plupart des mollusques, formant des replis qui enveloppent le corps à la manière d'un manteau.

  • 9Manteau de cheminée, la partie de la cheminée qui fait saillie dans la chambre, au-dessus du foyer.

    Fig. Sous le manteau de la cheminée, en cachette. Dire quelque chose sous le manteau de la cheminée.

    Faux manteau, manteau de cheminée porté par des consoles ou des corbeaux, et non soutenu de fond par un chambranle.

    Manteau de fer, barre de fer qui soutient la plate-bande d'un manteau de cheminée.

    Les manteaux d'une porte sont les deux pièces d'une porte qui s'ouvrent des deux côtés.

  • 10Enveloppe extérieure d'un moule, qui laisse un certain espace entre elle et le noyau.
  • 11Bout d'une pièce d'étoffe de laine qui se trouve du côté du chef et qui lui sert d'enveloppe.
  • 12Nom donné à une platine ou plateau presseur horizontal, dans la presse typographique.
  • 13Manteau gris, corneille grise.

    Manteau bleu, larus glaucus, L. manteau noir, larus marinus, L. deux espèces de mouettes.

  • 14Manteau de Saint-James, coquille précieuse du genre harpe.

    Manteau ducal, espèce de peigne très recherché pour ses belles couleurs, ostrea pallium, L.

    Manteaux biforés, ordre de la classe des conchifères, comprenant ceux dont le manteau offre deux ouvertures.

    Manteaux ouverts, ordre de la classe des conchifères, comprenant ceux dont le manteau n'a pas d'ouverture spéciale pour les déjections et la respiration.

    Manteaux triforés, ordre de la classe des conchifères, qui comprend ceux dont le manteau a trois ouvertures.

    Manteaux tubuleux, ordre de la classe des conchifères, comprenant ceux dont le manteau est terminé postérieurement par deux tubes, ou partagé en deux conduits.

  • 15Ensemble des pétales d'une anémone.

    Manteau royal, l'ancolie des jardins.

    PROVERBE

    Il ne s'est pas fait déchirer son manteau, il a cédé sans beaucoup d'efforts aux instances, par allusion à Joseph que la femme de Putiphar essaya de retenir par son manteau.

HISTORIQUE

XIe s. Afublez est d'un mantel zabelin, Ch. de Rol. XXXIV.

XIIe s. Par le col del mantel l'aveit Reinalz saisi, Th. le mart. 147. Raous le fiert, cui mervelles fu bel, Que li escus ne li vaut un mantel, Raoul de C. 109.

XIIIe s. Dui [deux] roi mainent l'empereris, Et li sostiennent son mantel, Partonop. V. 10715. Chascuns mantiaus que marcheans achate au lendi doit un denier, Liv. des mét. 282. Qui trop estent son mantel, la penne en ront, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 174. Et que vous nostre dit tresorier leur poiez sans demeure [aux gens des Enquêtes] le contenu de leurs dites cedules de mois en mois, pour leurs gages de temps avenir, et deux fois l'an leurs mantiaux, Ordonn. 12 fév. 1220.

XIVe s. Manteaulx doubles à chevaucher, Ordonn. 5 fév. 1394. Tournons le mantel, et prenons le cas contraire…, le Songe du Vergier, I, 44.

XVe s. Si firent les seigneurs de l'ost ouvrer et charpenter manteaux d'assaut [machines de guerre], Froissart, II, II, 29. Yver fait le souleil es cieulx Du mantel des nues couvrir, Orléans, p. 144. Le temps a laissié son manteau De vent, de froidure et de pluye, Orléans, p. 423. Nonobstant que ladite fille fust née soubz le manteau de mariage, Commines, V, 7.

XVIe s. Il congnoistroit que soubz nostre mantel, N'y a riens, fors que le vray naturel, Marot, J. V, 218. En un mot, qu'à la veue d'un si grand orage ils ne prestoient point leurs manteaux, D'Aubigné, Hist. II, 202. Pendre son manteau à faible cheville, Cotgrave Cœur content et manteau sur l'espaule, Cotgrave Fi de manteau, quand il faict beau ! Cotgrave Manteau couvre lait et beau, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 174.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. mantel, mantelh, manteu ; espagn. manteo ; ital. mantello ; du lat. mantellum. Mantellum est dans Plaute sous la forme mantēlum, de sorte qu'il paraît se confondre avec mantēle, mantīle, mantilium, serviette, nappe, de manus, main, et tela, toile (mantelium, ubi manus terguntur, dit Varron, L. L. VI, 85). Ce mot aura pris l'acception de manteau, comme chez nous mouchoir a pris celle de pièce propre à couvrir le cou. Dans l'ancien français, li mantels ou mantaus, au nominatif ; le mantel, au régime.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

MANTEAU. Ajoutez :
16 En termes de théâtre, rôle où l'acteur porte un manteau. Il [Régnier] avait, comme artiste, une science de composition, une autorité de manières qui, jointes à une excellente diction, faisaient de son jeu, dans les rôles proprement appelés les manteaux, un sujet d'étude des plus attrayants et des plus utiles, Rev. Britann. 7 sept. 1875, p. 68.
17La partie extérieure d'un pain de savon. Le savon Sainte-Marie a son manteau dans toute son épaisseur, le Nouvelliste, Journal de l'arrondissement d'Avranches, 27 fév. 1876. (c'est-à-dire l'intérieur, le noyau a mêmes qualités, nuances et marbrures que l'extérieur).
18Manteau d'armes, pièce d'acier qui, pour les tournois, se vissait au plastron et s'appuyait sur l'épaule gauche.