« mien », définition dans le dictionnaire Littré

mien

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mien

(miin ; l'n se lie : un miin-n ami ; mais quand mien est pris substantivement, l'n ne se lie pas : le miin est meilleur, in comme dans indigne), MIENNE (miè-n'), adj. possessif et relatif de la première personne. Qui est à moi.
  • 1 Familièrement, avec un, quelque, ce, cette, et un substantif. Le ciel contre moi conjuré Voulut que s'accomplît cette aventure mienne, Régnier, Sat. VIII. Et d'abord, vous prenant pour ce mien camarade, Mes sens d'aise aveuglés ont fait cette escapade, Corneille, Clit. II, 8. Il m'est mort un mien frère, La Fontaine, Fabl. XII, 9. Voici le fait : depuis quinze ou vingt ans en cà, Au travers d'un mien pré certain ânon passa, Racine, Plaid. I, 7. J'ai un mien beau-frère avocat au parlement, locution de la cour, De Caillières, 1690. Vous prétendez avoir recours à quelque mienne rhapsodie, Voltaire, Lett. en vers et en prose, 106.
  • 2Sans article, et après le substantif avec lequel il se construit. Ses intérêts sont miens ; et qui lui fait outrage, S'il ne s'adresse à moi, s'adresse à son image, Rotrou, Bélis. III, 5. Thèbes, dessus ma tête apporte la couronne ; Elle est mienne, et le sang par deux fois me la donne, Rotrou, Antig. III, 2. Horace ou Despréaux l'a dit avant nous ; je le crois sur votre parole, mais je l'ai dit comme mien, La Bruyère, I. Elle avait beau séparer son bonheur du mien, je le voyais mien en dépit d'elle, Rousseau, Confess. VI.
  • 3Avec l'article défini et sans substantif. Quand vous m'aurez dit votre sentiment, je vous dirai le mien. Au lieu de déplorer la mort des autres, grand prince, je veux apprendre de vous à rendre la mienne sainte, Bossuet, Louis de Bourbon. Cet Achille, l'auteur de tes maux et des miens, Racine, Iph. II, 1. Les tiens [tes dieux] t'ont commandé le meurtre et la vengeance ; Et le mien, quand ton bras vient de m'assassiner, M'ordonne de te plaindre et de te pardonner, Voltaire, Alz. V, 7.
  • 4 S. m. Le mien, le bien qui m'appartient. Je ne réclame que le mien.

    J'y mets du mien, je fais un sacrifice d'argent.

    Fig. Je mets du mien, j'ajoute du mien, j'amplifie, j'exagère, je controuve. Si j'ajoute du mien à son invention, C'est pour peindre nos mœurs, et non point par envie, La Fontaine, Fables, IV, 18. Voici le fait, quiconque en soit l'auteur ; J'y mets du mien selon les occurrences, La Fontaine, Serv. Tout mon travail consiste à extraire des auteurs anciens ce qui s'y trouve de plus beau, soit pour les faits, soit pour les réflexions, sans presque jamais y rien ajouter du mien, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. II, p. 129, dans POUGENS. Je vais raconter ingénument comme la chose se passa, sans y rien mettre du mien ; ce qui n'est pas un petit effort pour un historien, Voltaire, Micromégas, 4.

    En un autre sens. J'y mets du mien, je fais des concessions. Je me disais que je n'avais pas été assez patient, assez complaisant, assez caressant, que je pouvais encore vivre heureux dans une amitié très douce en y mettant du mien plus que je n'avais fait, Rousseau, Conf. VI.

    Du mien, de mon côté. Je risque plus du mien que tu ne fais du tien, Molière, Sgan. 22.

  • 5Le tien et le mien, la propriété. Le mien et le tien sont les termes les plus communs sur la terre, et nous ne pouvons guère nous en passer, Bourdaloue, 12e dim. après la Pentecôte, Dominic. t. III, p. 313. Parmi ces bienheureux on n'entend pas ces termes de mien et de tien, Bourdaloue, ib. t. III, p. 312. Et le mien et le tien, deux frères pointilleux, Boileau, Sat. X.
  • 6 S. m. pl. Les miens, mes proches, mes alliés, mes partisans. Le sort, pour me nuire, A-t-il quelqu'un des miens qu'il veuille encor séduire ? Corneille, Cinna, V, 3. Eh ! qui des miens, hors toi, m'ose jamais parler ? Voltaire, Scythes, III, 1. Ah ! grand Dieu ! j'apprends la mort de tous les miens, Picard, Trois quartiers, II, 14.
  • 7 Familièrement. J'ai fait des miennes, j'ai fait des fredaines, j'ai été dissipé. J'ai fait quelquefois des miennes, oui, Frosine, Dancourt, Foire de Besons, sc. 16.

HISTORIQUE

XIe s. Par num [à condition] d'ocire, i enverrai le men [fils], Ch. de Rol. III. Par ceste barbe et par cest men guernon [moustache], ib. XVII.

XIIe s. Cest jour est mout li miens pris abaissez, Ronc. 107. Se j'en travail [souffre], je n'en sai qui blasmer, Fors les douz ieus et son simple viaire, Dent li mien sont traï en l'esgarder, Couci, II. Tant com [je] fu miens [je m'appartins], [elle] ne me fist se bien non, ib. VI.

XIIIe s. Seneques dit que li home vesquissent mult en pais, se ces deux paroles mien et tien fussent ostées dou mi [milieu], Latini, Trésor, p. 408. Uns miens amis me vint des ersoir acointer…, Berte, X. Le commandeur li respondi que il n'avoit denier du mien, et que il ne me congnoissoit, Joinville, 254. Le roy des Tartarins… li dit : Cognois-tu ces joiaus ? Et le caiife respondi que oyl : il furent mien, Joinville, 278. Li mien meïsme [les miens mêmes] me contralient ausi comme un estrange, Psautier, f° 80. Aucune foiz me convientil servir autrui malgré mien, Beaumanoir, XXIX, 12.

XVIe s. Viens donc, ami, prendre ce qui est tien, Je suis à toi ; sois doncques du tout mien, Marguerite de Navarre, Nouv. LXIV. Si j'estois mienne [ma maîtresse], et si j'avoy fiance Aux estrangers, je ferois alliance Par mariage à ce vaillant Troyen, Ronsard, 623. Cette mienne si heureuse fortune, Carloix, VI, 37.

ÉTYMOLOGIE

Berry, men, menne ; wallon, meune ; namur. menk, fém. mène. Ce mot vient certainement de l'adjectif possessif ; mais on est embarrassé sur le mode de dérivation. Diez y voit l'ancien adjectif possessif mi (de meus) avec la finale en. D'autres admettent que mien est la forme picarde men, diphthonguée à cause qu'elle porte l'accent, que mon, ma ne portent jamais, étant toujours proclitiques ; le picard men est l'équivalent de mon des autres dialectes. À côté de mien, on disait aussi beaucoup meie, moie, qui viennent directement de meum, meam : A-il mesaise au monde qu'à la moie compere [y a-t-il malheur au monde qui soit égal au mien] ? Berte, XVIII. Palsgrave, p. 3, dit que mienne se prononçait mianne.