« plonger », définition dans le dictionnaire Littré

plonger

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

plonger

(plon-jé. Le g prend un e devant a et o : plongeant, plongeons) v. a.
  • 1Faire entrer un corps dans un liquide. Plonger une cruche dans la rivière. Elle égorge un bélier à leurs vues, Le plonge en un bain d'eaux et d'herbes inconnues…, Corneille, Médée, I, 1.
  • 2Plonger de la chandelle, lui donner plusieurs couches de suif, en la trempant dans le moule qui en est rempli.
  • 3Enfoncer dans. C'est lui [le distrait] qui entre dans une église, et, prenant l'aveugle qui est collé à la porte pour un pilier et sa tasse pour le bénitier, y plonge sa main…, La Bruyère, XI. Il [Cranmer] plongea d'abord dans les flammes la main qui avait signé l'abjuration, et n'élança son corps dans le bûcher que quand sa main fut tombée, Voltaire, Mœurs, 136. J'ai fait, jusqu'au moment qui me plonge au cercueil, Gémir l'humanité du poids de mon orgueil, Voltaire, Alz. V, 7.

    Mettre dans quelque lieu bas. Plonger dans un cachot. Une foule inhumaine Dans des gouffres profonds [les mines] nous plonge et nous enchaîne, Voltaire, Alz. II, 1.

    Faire pénétrer. Tâtant son ennemi au défaut des armes, lui plongea le poignard dans le flanc, Vaugelas, Q. C. IX, 5. Il enfonce son épée dans le cœur de cet enfant ; il la retire toute fumante et pleine de sang pour la plonger dans ses propres entrailles, Fénelon, Tél. V.

    Fig. Plonger le poignard dans le sein de quelqu'un, lui causer une vive et profonde douleur.

  • 4 Fig. Jeter, faire entrer dans quelque chose que l'on compare à un liquide. Et ce qu'ils ont osé contre leur servitude N'en a rendu le joug que plus fort et plus rude ; Qu'a fait Mardonius, qu'a fait Indibilis, Qu'y plonger plus avant leurs trônes avilis ? Corneille, Sert. II, I. Tout cela sera plongé, s'il plaît à Dieu, dans le silence ; c'est tout le mieux, Sévigné, 27 déc. 1688. Pour la plonger entièrement dans l'amour du monde, il fallait ce dernier malheur ; quoi ? la faveur de la cour, Bossuet, Anne de Gonz. Dans quel trouble nouveau cette fuite me plonge ! Racine, Iphig. II, 7. Les richesses… les avaient plongés [les Syracusains] dans la mollesse, en leur inspirant du dégoût pour toute fatigue et toute application, Rollin, Hist. anc. t. X, p. 118, dans POUGENS. Malheur à celui que quelqu'une de ces pensées, que je jette au hasard à mesure que la lecture du philosophe me les offre, ne plongera pas dans la méditation ! Diderot, Claude et Nér. II, 1.
  • 5 V. n. S'enfoncer sous l'eau. Il plongea trois fois. Et la sonde Plonge et replonge en vain dans une mer sans fond, Delavigne, Messén. III, 2.

    Descendre au fond de l'eau pour y chercher quelque objet, ou pour y travailler.

    Terme de marine. Plonger, se dit quelquefois pour caler et tanguer, en parlant d'un navire.

  • 6 Fig. Se jeter dans ou sur. Le milan, par une retraite habile, plonge dans le trou et passe à travers, Voltaire, Dial. 25. …Comme un vautour qui plonge sur sa proie, Le malheur, à ces mots, pousse en signe de joie Un long gémissement, Lamartine, Méd. I, 7.
  • 7 Par extension, s'enfoncer. L'œil plonge avec effroi sous sa profonde voûte, Delille, Én. VI.

    Fig. Là, l'homme avec son cœur revient s'entretenir, Médite le présent, plonge dans l'avenir, Delille, Jard. ch. IV. Son regard immortel, que rien ne peut tenir… Réveille le passé, plonge dans l'avenir, Lamartine, Médit. I, 30.

  • 8Avoir une direction de haut en bas. Les tribunes toutes magnifiquement remplies, où je me mis pour plonger à mon aise sur la cérémonie, Saint-Simon, 276, 226. La cime du Cramont ne domine pas sur l'Allée blanche ; elle en est séparée par des chaînes de montagnes plus basses qui empêchent que les yeux plongent jusqu'au fond de cette vallée, Saussure, Voy. Alpes, t. IV, p. 45, dans POUGENS. Nous pouvions voir les environs, les passants ; et, quoiqu'au quatrième étage, plonger dans la rue tout en mangeant, Rousseau, Confess. VIII.

    Se dit du canon dont la décharge se fait obliquement de haut en bas. Il promettait qu'une tranchée passerait en sûreté au pied d'une montagne d'où l'on était vu de la tête jusqu'aux pieds, et d'où huit pièces de canon et une grosse mousqueterie plongeaient de tous côtés, Fontenelle, Renau. Les galères s'ouvrirent le passage sous le canon ennemi, qui ne plongeait pas assez, Voltaire, Russ. II, 5.

    Terme de géologie. Lorsqu'une couche ou lit de rochers, au lieu d'être parfaitement horizontale, incline plus ou moins, on dit qu'elle plonge.

  • 9Se plonger, v. réfl. Entrer sous l'eau. Les Indiens, de temps immémorial, se plongeaient et se plongent encore dans le Gange, Voltaire, Dict. phil. Baptême. Quand on approche du nid, la mère se précipite et se plonge, et les petits tout nouvellement éclos se jettent à l'eau pour la suivre, Buffon, Ois. t. XV, p. 395.

    Fig. Se plonger dans le sang, commettre un meurtre, des meurtres. Dans le sang innocent ta main va se plonger, Racine, Esth. III, 3. Mais, sur la foi d'un songe, Dans le sang d'un enfant voulez-vous qu'on se plonge ? Racine, Athal. II, 5.

    Fig. Se plonger dans la fontaine de Jouvence, employer tous les artifices pour paraître plus jeune qu'on n'est. On se plonge soir et matin Dans la fontaine de Jouvence, La Fontaine, Fabl. VI, 21.

  • 10 Fig. S'enfoncer dans ce que l'on compare aux eaux. Balas, qui se crut au-dessus de tout, se plongea dans la débauche, et s'attira le mépris de tous ses sujets, Bossuet, Hist. I, 9. Quoi ! pour d'injustes lois que vous pouvez changer, En d'éternels chagrins vous-même vous plonger ! Racine, Bérén. IV, 5. De tous ces vains plaisirs où leur âme se plonge, Que leur restera-il ? ce qui reste d'un songe, Racine, Athal. II, 9. Il gagna le Prado, où, s'étant assis sous des arbres, il se plongea dans une profonde rêverie, Lesage, Diabl. boit. ch. 21. Mais la nature est là qui t'invite et qui t'aime ; Plonge-toi dans son sein qu'elle t'ouvre toujours, Lamartine, Méd. I, 6.

    Se plonger en des remercîments, faire d'infinis remercîments. Harlay, humble et modeste, se plonge en remercîments, Saint-Simon, 173, 51.

HISTORIQUE

XIIe s. Je vinc [vins] en la haltece de mer, e la tempestet plunjat mei, Liber psalm. p. 88. Quant veneit que li jurs ert [était] en la nuit plungiez, Th. le mart. 102. À la foiz avient ke cil cui avarisce navret [blesse], voit un altre plonchier el voragine [gouffre] de luxure, Job, p. 451.

XIIIe s. Un petitet sans plus en boivent ; Et quant la douçor aparçoivent, Volentiers si parfont iroient, Que tuit dedens se plungeroient, la Rose, 6038.

XIVe s. Les autres [flèches] sont si fichiées ou [au] cors, que les barbes i sont du tout en tout repostes [cachées] et plongiées, H. de Mondeville, f° 38, verso.

XVe s. Item, avec ce doivent estre garnis de certains hommes duitz et appris de plongier en l'eaue et à longue alaine eulx y tenir, lesquels, tandis que la bataille dure, voisent [aillent] soubz l'eaue à bonnes grosses tarieres perir [sic] la nef, si que l'eaue y entre de toutes parts, le Jouvencel, dans JAL.

XVIe s. Le sommeil, auquel les enfants sont plongez beaucoup plus que nous ne sommes, Montaigne, I, 195. Tout à un coup il se plongea en yvrongnerie et jeu de dez, tellement qu'il y passoit la plus grande et meilleure partie du temps, Amyot, Démétr. 74. Si commanda à quelques pescheurs, qu'ilz se plongeassent soudain en l'eau, Amyot, Anton. 36. Cleopatra commanda à l'un de ses serviteurs qu'il se hastast de plonger devant ceulx d'Antonius, Amyot, ib. 36.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, plonki ; picard, plonker ; artois, plomard, le plongeon ; prov. plombar ; ital. piombare, tomber à plomb. Le français vient d'une forme non latine plumbicare, comme venger de vindicare. Le wallon plonki vient de plonk, plomb. Les diverses formes assurent trop l'étymologie latine de plonger pour qu'on cherche une origine celtique : kimry, plung, action de plonger ; bas-breton, plumia, pluia, plonger.