« présence », définition dans le dictionnaire Littré

présence

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

présence

(pré-zan-s') s. f.
  • 1Existence, résidence d'une personne dans un lieu marqué. Je vous touche, et sens bien que vous avez une bouche, un nez, des yeux, un visage, tout cela proportionné comme il faut… mais, jusqu'à ce que j'en sois assurée, cette présence de corps dont vous me parlez est présence d'esprit pour moi, La Fontaine, Psyché, I, p. 53. On ne peut perdre la présence d'un tel ami [Corbinelli] sans s'en apercevoir à tout moment, Sévigné, 25 oct. 1686. Tout semblait prospérer par sa présence, Bossuet, Reine d'Anglet. En 1516, le pape Léon X honora de sa présence la Rosemonde [titre d'une pièce de théâtre] du Ruccellai, Voltaire, Dict. phil. Art dramatique. Ce prince [Vendôme], retiré dans Anet, partit alors, et sa présence valut une armée, Voltaire, Louis XIV, 22.

    Droit de présence, rétribution donnée aux membres de certaines associations, de certaines compagnies, quand ils assistent aux assemblées. Quelquefois on y recevait aussi des traitants qui, bien loin d'être payés, comme dans leurs assemblées, pour leur droit de présence, payaient là pour avoir droit d'être présents, Lesage, Gil Blas, III, 12.

    On dit dans le même sens : jetons de présence.

    Terme de jurisprudence. L'existence d'une personne au lieu de son domicile, et quelquefois, surtout en matière de prescription, la résidence habituelle d'une personne dans le ressort d'une cour impériale. Si le véritable propriétaire a eu son domicile en différents temps, dans le ressort et hors du ressort, il faut, pour compléter la prescription, ajouter à ce qui manque aux dix ans de présence, un nombre d'années d'absence double de celui qui manque, pour compléter les dix ans de présence, Code Nap. art. 2266.

    Terme de palais. Tant en présence qu'en absence.

  • 2À l'église, nom technique du bâti de bois simulant la présence de la bière, et dont on fait usage dans les services pour les défunts.
  • 3Il se dit par opposition à absence. La présence désunit plus qu'elle n'unit ; un peu d'éloignement est bon à l'estime et à l'amitié, Comte de Caylus, Acad. de ces dames et de ces messieurs, Œuvr. t. XII, p. 196, dans POUGENS.

    Vue, aspect. Et sa seule présence est un secret reproche, Corneille, Nicom. II, 1. Consolons-nous [de la mort de notre père] en l'union de nos cœurs, dans laquelle il me semble qu'il vit encore, et que notre réunion nous rend en quelque sorte sa présence, comme Jésus-Christ se rend présent en l'assemblée de ses fidèles, Pascal, Lett. 17 oct. 1651. S'il fallait, sans amis, briguant une audience, D'un magistrat glacé soutenir la présence, Boileau, le Lutrin, III. Malgré leur insolence, Les mutins n'oseraient soutenir ma présence, Racine, Mithr. IV, 6. Je ne sentis point devant lui le désordre où nous jette ordinairement la présence des grands hommes, Montesquieu, Sylla et Eucr.

    Il s'est dit au XVIIe siècle pour extérieur. Il me gagna le cœur par une présence agréable et douce, Marolles, Mém. t. I, p. 244.

  • 4Il se dit aussi de la vue, de l'aspect des choses. Et depuis quand, seigneur, craignez-vous la présence De ces paisibles lieux si chers à votre enfance ? Racine, Phèdre, I, 1. En les revoyant moi-même après si longtemps, j'éprouvai combien la présence des objets peut ranimer puissamment les sentiments violents dont on fut agité près d'eux, Rousseau, Hél. IV, 17.
  • 5Il se dit en parlant de Dieu. Voyez comme elle est saisie de la présence de Dieu, Bossuet, Marie-Thér. Qu'importe que les flots s'abîment sous mes pieds, Que la mort en grondant s'étende sur ma tête, Sa présence [de Dieu] m'entoure…, Gilbert, le Poëte malh.

    Dans le langage de la dévotion, se mettre, se tenir en la présence de Dieu, considérer Dieu comme présent à ce que l'on va faire. Afin que nous soyons saints et purs en sa présence, Massillon, Carême, Voc.

    Venir en la présence de Dieu, se dit de prières agréées de Dieu. Raguel lui répondit : Je ne doute point que mes prières et mes larmes ne soient venues en la présence de Dieu, et qu'il ne les ait exaucées, Sacy, Bible, Tobie, VII, 13.

    Toute Présence, voy. TOUTE-PRÉSENCE.

  • 6Il se dit aussi des dieux du polythéisme. Souvenons-nous que la présence des dieux éclaire et remplit les lieux les plus obscurs et les plus solitaires, Barthélemy, Anach. ch. 61.
  • 7La présence réelle du corps et du sang de Notre-Seigneur dans l'eucharistie, ou, simplement, la présence réelle, le corps et le sang de Jésus-Christ dans l'eucharistie. L'hérésie d'aujourd'hui, ne concevant pas que ce sacrement contient tout ensemble et la présence de Jésus-Christ et sa figure, et qu'il soit sacrifice et commémoration de sacrifice…, Pascal, Pens. XXIV, 12 édit. HAVET. Le premier qui a fait secte dans l Église et qui a osé la condamner ouvertement sur la présence réelle, c'est constamment Bérenger, Bossuet, Var. XV, 127. Ils [les réformés] nient ordinairement cette présence réelle [de Jésus-Christ dans l'eucharistie], et substituent en sa place une présence morale, une présence mystique, une présence d'objet et de vertu, Bossuet, Eucharistie, II, 2.

    Fig. Je travaillais du soir au matin avec une ardeur singulière, j'en étonnais les naturels du pays [le grand-duché de Berg], qui ne savaient pas que l'empereur exerçait sur ses serviteurs, et si éloignés qu'ils fussent de lui, le miracle de la présence réelle, Beugnot, Mém. VIII.

  • 8En chimie, existence d'une substance dans une autre. Reconnaître la présence du poison dans des aliments. On reconnaît la présence de cette exhalaison à la flamme d'une chandelle, qui commence par tourner et diminuer jusqu'à extinction, Buffon, Min. t. II, p. 289. La liqueur, ne tenant plus que du nickel, devient bleue ; elle était pourprée par la présence du cobalt, Fourcroy, Cours chim. t. I, p. CXVI.
  • 9Présence d'esprit, état, qualité d'un esprit qui reste présent, qui ne se trouble pas. Je ne puis croire que ma fille bien-aimée, et toujours pleine d'esprit, et même de présence d'esprit, se soit trouvée dans cet état, Sévigné, 26 nov. 1684. Personne ne conservait assez de présence d'esprit, ni pour ordonner les manœuvres, ni pour les faire, Fénelon, Tél. IV. La présence d'esprit se pourrait définir une aptitude à profiter des occasions pour parler ou pour agir, Vauvenargues, De la prés. d'esp. La présence d'esprit, la pénétration, les observations fines sont la science des femmes, Rousseau, Ém. v. S'occuper en même temps d'une lettre d'affaires et d'un billet galant, quelle présence d'esprit ! Al. Duval, Jeunesse de Richel. II, 5.
  • 10En présence, loc. adv. Face à face. Nous tremblons… Que, voyant Capulet, ces rivaux en présence Ne s'arrachent la vie, Ducis, Roméo, II, 5.

    Être en présence, se dit de deux troupes ennemies en face l'une de l'autre et prêtes à se combattre. La cavalerie française fut forcée de s'écarter à gauche, et de défiler longuement dans de mauvais gués pour joindre l'ennemi ; quand on fut en présence…, Ségur, Hist. Nap. VI, 2.

    Fig. Les partis, les factions sont en présence, ils s'observent et se préparent à se combattre.

    En présence de, loc. prép. En ayant devant soi. Enfin, Coulanges disait l'autre jour : Voyez-vous bien cette femme-là ? elle est toujours en présence de sa fille, Sévigné, 110. À la nuit qu'il fallut passer en présence des ennemis, Bossuet, Louis de Bourbon. Pour guérir leur opiniâtreté [de ses domestiques dans le protestantisme], il déplorait en leur présence la sienne propre, Fléchier, Duc de Mont. La meilleure de toutes les règles serait de parler aux dieux comme si on était en présence des hommes, et aux hommes comme si on était en présence des dieux, Barthélemy, Anach. ch. 21.

HISTORIQUE

XIIe s. E quant la primere eschele [troupe] de Juda apparut, li enemi orent grant paor por la presence de Deu qui tot voit, Machab. II, 11. Tuit apeleient dunc la presence le rei, Th. le mart. 66.

XIIIe s. Ce que ne voit yex [œil] en presence, Au cuer [cœur] n'a pas si grant pesance, Hist. des trois Maries, ms. p. 240, dans LACURNE. Je vos comans que vos seez garenz de la semonce que je ai faite por lui en voz presences, si que vos le puissiés recorder come cort, quant besoin sera. Ass. de J. I, 136.

XIVe s. Concupiscence est tousjours avec delettacion pour la presence de la chose ou object delettable, Oresme, Eth. 63.

XVIe s. L'auctorité que donne une belle presence [prestance] et majesté corporelle, Montaigne, III, 41. Par cette response, elle appresta à rire à toute la presence [assistance], Despériers, Contes, XVI.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. presensa, presentia ; espagn. presencia ; ital. presenza ; du lat. præsentia, de præsens (voy. PRÉSENT 1).