« prêt », définition dans le dictionnaire Littré

prêt

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

prêt, ête [1]

(prê, prê-t') adj.
  • 1Qui est disposé à, préparé à. Tenez-vous prêt pour partir. La mort ne surprend point le sage, Il est toujours prêt à partir, La Fontaine, Fabl. VIII, 1. Je définis la cour un pays où les gens, Tristes, gais, prêts à tout, à tout indifférents, Sont ce qu'il plaît au prince, La Fontaine, ib. VIII, 14. Ceux qui seraient prêts à consentir au mensonge, Pascal, Pens. XXIV, 39 ter, éd. HAVET. Les ennemis le trouvent toujours sur ses gardes, toujours prêt à fondre sur eux, Bossuet, Louis de Bourbon. Jamais prince ne fut plus docile et plus prêt à se corriger de ses défauts, Fléchier, Hist. de Théodose, IV, 34. Soyez-vous à vous-même un sévère critique ; L'ignorance toujours est prête à s'admirer, Boileau, Art p. I.

    Il se dit aussi des choses. Et que tous vos vaisseaux soient prêts pour notre fuite, Racine, Andr. IV, 3. Son traité d'optique étant prêt à imprimer, Fontenelle, Newton. Du bois taillis prêt à couper dans quelques années, Buffon, Hist. nat. Intr. part. exp. Œuv. t. VIII, p. 405.

  • 2 Absolument, en parlant des personnes, tout disposé, tout préparé. On est toujours trop prêt quand on a du courage, Corneille, Cid, IV, 5. Quoique, sans menacer et sans avertir, la mort se fasse sentir tout entière dès les premiers coups, elle trouve la princesse prête, Bossuet, Duch. d'Orl. Il faut partir, les matelots sont prêts, Boileau, Sat. VIII. Calchas est prêt, madame, et l'autel est paré, Racine, Iphig. IV, 3. Annette, veux-tu aller avec elle ? - Moi, de tout mon cœur ; me voilà prête, Genlis, Théât. d'éduc. la March. de modes, sc. 6.

    Il n'est jamais prêt, il n'a jamais fait ses préparatifs à temps.

    Il se dit aussi des choses. Le dîner est prêt. Il faut partir, la voiture est prête. Quelquefois il [Louis XIII] a opposé la force toute prête à la violence qui se préparait, Guez de Balzac, le Prince, 17. L'un [Régulus], jaloux de sa foi, va chez les ennemis Chercher avec la mort la peine toute prête, Racine, Bérén. IV, 5.

    Fig. Ce n'est pas viande prête, se dit d'une chose qui ne se fait pas toute seule, qui tirera en longueur.

  • 3Prêt sur, qui a par devant soi une préparation, une étude. Mon second était prêt sur tout, Pascal, Prov. IV.
  • 4Destiné. Il est injuste qu'on s'attache à moi… je ne suis la fin de personne… ne suis je pas prêt à mourir ? Pascal, Pens. XXIV, 39 ter, édit. HAVET.
  • 5Prêt à, sur le point de. L'oiseau, prêt à mourir, se plaint en son ramage, La Fontaine, Fabl. III, 12. Je vous vois prêt, monsieur, à tomber en faiblesse, Molière, Sgan. 11. J'avais laissé Mme de Vaubrun prête à devenir folle, Mme de Langeron prête à mourir, Sévigné, 14 sept. 1675. Rome prête à succomber, Bossuet, Hist. III, 7. Je vois de votre cœur. Octavie effacée, Prête à sortir du lit où je l'avais placée, Racine, Brit. IV, 2. Aujourd'hui qu'au tombeau je suis prêt à descendre, Chénier, Élégies, VII. Une brebis prête à agneler, une poulette prête à pondre, Dict. de l'Acad. aux mots agneler et poulette.

    Il se dit aussi des choses. Un grand destin commence. Un grand destin s'achève : L'empire est prêt à choir, et la France s'élève, Corneille, Att. I, 2. La vertu la plus prête à se voir couronner, Quand ta main se retire, est aussitôt fragile, Corneille, Imit III, 14. Si c'est vous offenser, Mon offense envers vous n'est pas prête à cesser, Molière, Femmes sav. v, 1. Tous ces nuages qui paraissent si noirs et si prêts à fondre sur nous, Sévigné, 30 mars 1689.

  • 6Prêt de, disposé à, préparé à. Psyché était honteuse de son peu d'amour, toute prête de réparer cette faute, si son mari le souhaitait, et quand même il ne le souhaiterait pas, La Fontaine, Psyché, I, p. 85. Que si cette feinte, madame, a quelque chose qui vous offense, je suis tout prêt de mourir pour vous en venger, Molière, Princ. d'Él. V, 2. Le voilà prêt de faire en tout vos volontés, Molière, le Dép. III, 8. Et je dois moins encore vous dire Que je suis prêt pour vous d'abandonner l'empire, Racine, Bérén. v, 6. Qu'on rappelle mon fils, qu'il vienne se défendre ; Qu'il vienne me parler, je suis prêt de l'entendre, Racine, Phèd. v, 5.

    Il se dit aussi des choses. Ajoute que ma mort Est prête d'expier l'erreur de ce transport, Molière, le Dép. I, 2.

    Aujourd'hui les grammairiens ont décidé qu'il fallait dire en ce sens prêt à ; cette décision est arbitraire, car l'usage admettait, comme on voit, la préposition de ; et il n'y a rien dans prêt qui exclue cette préposition.

  • 7Prêt de, sur le point de. Il tenait un moineau, dit-on, Prêt d'étouffer la pauvre bête, Ou de la lâcher aussitôt Pour mettre Apollon en défaut, La Fontaine, Fabl. IV, 19. En rêvant à la visite qu'elle était prête de recevoir, La Fontaine, Psyché, I, p. 68. Mme de Vaudemont n'est pas prête de revenir ici, Sévigné, 9 mars 1672. On était prêt d'aller se divertir à Fontainebleau : tout a été rompu [à l'occasion de la mort de Turenne], Sévigné, 31 juill. 1675. Mme d'Heudicourt est entièrement dans la gloire de Niquée ; elle oublie qu'elle est prête d'accoucher, Sévigné, 30 juill. 1677. Si toujours dans leur âme une pudeur rebelle. Prêts d'embrasser l'Église, au prêche les rappelle, Boileau, Épître III. Faut-il être surprise Que, tout prêt d'achever cette grande entreprise, Bajazet s'inquiète ? Racine, Bajaz. III, 6. Les voisins [des princes allemands] étaient prêts d'envahir la frontière, Voltaire, Mœurs, 37.

    Il se dit aussi des choses. Sur la légèreté d'une croyance si peu raisonnable, il renonce à une affection dont il était assuré, et qui était prête d'avoir son effet, Corneille, Mél. Examen. On a fait contre vous dix entreprises vaines ; Peut-être que l'onzième est prête d'éclater, Corneille, Cinna, II, 1. Cette utile frayeur… Vient souvent de la grâce en nous prête d'entrer, Boileau, Épître XI.

    Aujourd'hui, en ce sens, on dit près de.

HISTORIQUE

XIe s. Se li reis velt, prez sui pour vous le face, Ch. de Rol. X.

XIIe s. D'hui cest jour en un an soiez prest d'ostoier [d'entrer en campagne], Sax. XVI.

XIIIe s. Ele [Liesse] ot la bouche petitete, Et por baisier son ami preste, la Rose, 854. À ceste amor sunt près et prestes Ausinc li home cum les bestes, ib. 5799. Je sui pretz à feire le [cela] volantiers, Merlin, f° 53, recto.

XIVe s. En la cité n'en avoit nul plus prest de langue ne de main, Bercheure, f° 54, verso.

XVIe s. Ponocrates courut dire les novelles à Gargantua, affin qu'il fust prest de la response, Rabelais, Garg. I, 18. Et voy me là prest à boyre, Rabelais, ib. I, 41. Quand doncques je les voirray tumber en la riviere et prestz d'estre noyez, Rabelais, ib. I, 42. En ung moment elles estoyent prestes et habillées de pied en cap, Rabelais, ib. I, 56. L'abbaye d'Issouldun, en Berry, est de present vacante ou preste à vacquer par la mort de l'abbé dudict lieu, Marguerite de Navarre, Lett. 86. Nous sommes icy prests à aller où vous voudrés, Marguerite de Navarre, ib. 113. Ce que je me haste, est afin d'estre plus toust preste du retour, Marguerite de Navarre, ib. 126. [Des épis] Prests à cueillir, Marot, IV, 17. Ils en sont bien prests [il y sont bien préparés ! ironiquement] ! Montaigne, I, 140. Ma comedie est composée et preste, respondit Menander, Montaigne, I, 190. J'avois le latin si prest et si à main qu'ils [les professeurs] craignoient à m'accoster, Montaigne, I, 194. Comme le feu… plus il trueve de bois, et plus il est prest d'en brusler, La Boétie, Servit. volont. Tel est housé [botté] qui n'est pas prest, Cotgrave Viande d'ami est bientost preste, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Bourg. proo, au féminin prote ; prov. prest, pret ; cat. prest ; espagn. port. et ital. presto ; du lat. præstus, qui se trouve dans des inscriptions et dans la loi salique, et qui est dans la langue classique sous la forme invariable et adverbiale, præsto esse ; il est formé de præ et stare.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1. PRÊT. Ajoutez :
8Harengs demi-prêts, harengs qui n'ont pas été sauris très fortement. À Boulogne et à Calais on fume les harengs dits francs-saures, qui ne se mangent à Paris que lorsque les demi-prêts viennent à manquer, A. Husson, les Consommations de Paris, p. 266.

REMARQUE

On peut voir au n° 5 prêt à avec un nom de chose signifiant sur le point de. Molière s'est servi de cette tournure avec un verbe actif sans régime exprimé : Nous avons en main divers stratagèmes tout prêts à produire dans l'occasion, Pourc. I, 3. Prêt à est ici construit avec produire comme : bon à voir, difficile à prendre, etc.