« profit », définition dans le dictionnaire Littré

profit

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

profit

(pro-fi ; le t ne se prononce pas et ne se lie pas ; au pluriel, l's se lie : des pro-fi-z excessifs) s. m.
  • 1Bénéfice, gain qu'on retire de quelque chose. En faisant de beaux et licites profits, Pascal, Prov. VIII. M. Corneille demeurait à Rouen, et ne venait à Paris que pour faire jouer ses pièces, dont il tirait un profit qui ne répondait point du tout à leur gloire et à l'utilité dont elles étaient aux comédiens, Voltaire, Comm. Corn. Rem. Hor. Épît. dédic. Je trouve mon profit, je le prends, Champfort, March. de Smyrne, sc. 8.

    C'est un de ces niais de Sologne qui se trompent toujours à leur profit.

    Terme de commerce. Profits et pertes, sommes que l'on gagne ou que l'on perd par des circonstances éventuelles. Cela est passé au compte de profits et pertes.

    Terme de commerce maritime. Profit aventureux, l'intérêt de l'argent qu'on a prêté sur un vaisseau marchand, sans être garanti des risques de la guerre et de la mer.

    C'est un profit tout clair, c'est tout profit, se dit d'un profit évident.

    Fig. Je ne suis point allé au spectacle, et j'ai employé ma soirée à travailler ; c'est un profit tout clair.

    Au profit de, pour le bénéfice de. Cette obligation est passée au profit d'un tel.

    Fig. Entre deux personnes qui s'aiment, ce sont là de ces simplicités de sentiment que peut-être l'esprit remarquerait bien un peu, s'il voulait, mais qu'il laisse bonnement passer au profit du cœur, Marivaux, Marianne, part. II.

    À profit, à profit de ménage, utilement, de manière à être utile au ménage. Voilà un habit fait à profit. C'était la veille et le jour de Saint-Jean ; il y avait plus de trente fagots… mais c'étaient des feux à profit de ménage, nous nous y chauffions tous [le temps était très froid], Sévigné, 26 juin 1680. Cette Heudicourt… avec un gros bâton dont elle se soutient à profit, ne pouvant encore se soutenir, relevant d'une maladie, Sévigné, 17 juill. 1680.

    Usé à profit, extrêmement usé, de manière à prouver qu'on a tiré de la chose tout le profit possible.

    Faire du profit, se dit, dans le ménage, des choses qui ne se consomment pas vite, qui ne s'usent pas vite, ou qui, relativement à leur prix, produisent une grande utilité. Le pain tendre ne fait pas de profit. Un morceau de bœuf fait plus de profit en ménage qu'un poulet de même valeur.

    Mettre à profit, employer de manière à gagner. Mettre son argent, son temps à profit.

    Fig. Employer utilement. Une nuit que chacun s'occupait au sommeil, Et mettait à profit l'absence du soleil, La Fontaine, Fabl. VIII, 11. Je tâchais d'avoir de la patience, et je voulais mettre à profit une si bonne pénitence, Sévigné, 259. C'est là, cher Lamoignon, que mon esprit tranquille Met à profit les jours que la Parque me file, Boileau, Épître VI. Thucydide mit sa disgrâce à profit, et la fit servir à la préparation et à l'exécution du grand dessein qu'il avait formé de composer l'histoire de cette guerre [du Péloponnèse], Rollin, Hist. anc. XXV, chap. II, I, 2.

    Faire profit, retirer un bénéfice. Faites profit de tout et même de vos pertes, Régnier, Sat. XII. Le héron en [du brochet et de la carpe] eût fait aisément son profit, La Fontaine, Fabl. VII, 4.

    Faites-en votre profit, se dit d'une chose qu'on abandonne à quelqu'un. … Mon lopin me suffit, Faites votre profit du reste, La Fontaine, Fabl. VIII, 7.

    Fig. Ne sois point dans ma maison, planté tout droit comme un piquet, à observer ce qui se passe, et faire ton profit de tout, Molière, l'Av. I, 3. Voici un trait d'ingratitude qui ne vous déplaira pas, et dont je veux faire mon profit, quand je ferai mon livre sur les grandes ingratitudes, Sévigné, 14. Ces belles nuances d'automne dont les peintres font si bien leur profit, Sévigné, 383.

    Faites-en votre profit, se dit d'un avis qu'on donne. Or faites-en votre profit, La Fontaine, Court.

  • 2Absolument et au pluriel. Petites gratifications que reçoivent les domestiques. Il a tant, sans compter les profits. Et vos profits, que deviendront-ils ? Marivaux, le Legs, sc. 23.

    Fig. L'amour-propre de l'abbé Têtu, qui ne néglige pas les petits profits, Sévigné, 1er oct. 1684.

  • 3 Terme de jurisprudence. Profit du défaut, le gain de cause accordé par le juge à la partie qui comparaît contre celle qui ne comparaît pas. On dit dans les jugements : Le tribunal donne défaut contre N, et, pour le profit, le condamne envers A. Le profit joint (le profit du défaut sera joint, dit le Code de proc. art. 153), c'est quand, de deux défendeurs assignés ensemble, un comparaît et l'autre fait défaut. Alors le juge, donnant défaut contre le premier, n'en adjuge pas immédiatement le profit au demandeur, mais joint l'affaire à celle du deuxième défendeur comparant, pour qu'elles soient décidées ensemble ; en ce cas, le profit du demandeur n'est que dans cette jonction, et la formule est la suivante : Le tribunal donne défaut contre N, et, pour le profit, joint la cause à celle de M, pour être statué sur le tout par un seul et même jugement. De cette formule : et pour le profit joint…, les praticiens ont tiré le terme assez barbare de : défaut profit joint. On poursuivit lentement le procès contre le connétable [de Bourbon] ; il fallait trois défauts de comparaître, pour qu'on jugeât, comme on disait alors, en profit de défaut, Voltaire, Hist. parl. XVII.

    Terme de jurisprudence féodale. Profits de fiefs, les droits de quint, requint, reliefs, lods, ventes, qui revenaient au seigneur à raison des mutations de vassaux ou de censitaires.

  • 4 Fig. Utilité intellectuelle ou morale. Lire avec profit. C'est le propre d'une personne avisée de tirer profit de ses fautes passées, La Mothe le Vayer, Dial. d'Or. Tub. t. II, p. 199, dans POUGENS. Il y a une personne qui me disait l'autre jour qu'avec toute la tendre amitié que vous avez pour moi, vous n'en faites point le profit que vous auriez pu en faire, Sévigné, 365. Après cela, quelque partie de l'histoire ancienne que vous lisiez, tout vous tournera à profit, Bossuet, Hist. Dessein génér. Saint Paul… nous découvre… le profit que nous tirons de leur chute [des Juifs], Bossuet, Hist. II, 7.
  • 5Progrès qu'on fait dans les études (peu usité en ce sens). Il a fait beaucoup de profit sous ce maître.

HISTORIQUE

XIIIe s. Jhesus Crist, qui est lumiere deu monde, nasqui au profit de ceus qui seront sauf, Psautier, f° 117. Il vivent de bestaus et du proufit de la terre, Marc Pol, p. 427. Uzages qui est fes [fait] contre le commun porfit, ne doit pas valoir que le [la] coze ne soit ramenée à son ancien estat, Beaumanoir, XXV, 3.

XVe s. Mais avoit le roi saisi toute la terre de Cotentin, et en fesoit lever les profits, Froissart, I, I, 246. Les damoiselles ou autres femmes voulant faire par le bas en leurs robes un rebours [bordure] nommé profit, Duclos, Preuves de Louis XI, p. 269, dans LACURNE. Ilz ne firent riens de leur prouffit [dans cette sortie], et perdirent deux ou trois gentilzhommes, Duclos, III, 10.

XVIe s. On fait un superieur, non pour son proufit, ains pour le proufit de l'inferieur, Montaigne, IV, 8. Sans les profits de mer [le butin], Lanoue, 678. Bastir à profit [d'une façon durable qui compense les grands frais que l'on fait], De Serres, p. 755. De tous les autres biens escheants aux enfants hors de succession de pere et de mere, lesquels l'on appelle biens de profit, le pere ny la mere n'en aura point la retenue, Nouv. coust. gén. t. I, p. 890. Profit sans vertu ne vaut un festu, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Berry, proufit ; avoir tout à point et à profit, ne manquer de rien ; provenç. profieg, profieyt ; catal. profit ; espagn. provecho ; ital. profitto ; du lat. profectus, avantage, qui vient de profectum, supin de proficere, gagner, de pro, en avant, et facere, faire.